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[critique] Rocky : Gonna fly now

Par Vance @Great_Wenceslas
[critique] Rocky : Gonna fly now

Alors que enthousiasme les spectateurs et les critiques en reprenant habilement le flambeau, revenons un peu sur cette saga qui a fasciné (et continue de plaire à) des générations de cinéphiles. Une saga reposant presque entièrement sur les (larges) épaules d'un artiste hors normes, trop vite catégorisé et revenu en grâce après avoir signé le script et la réalisation de deux films-testament sur sa carrière : Rocky Balboa et

C'est donc la sortie du dernier opus de cette franchise durablement installée dans l'imaginaire collectif qui m'a fourni l'opportunité - et l'envie, surtout - de replonger dans mes souvenirs, ces sensations excitantes qui accompagnaient immanquablement la montée espérée de l'Etalon italien sur le ring. L'occasion de recoller le puzzle de mes émotions, de redorer (ou non) le blason des films les plus décriés, de relativiser les vestiges des sentiments : de voir, en fin de compte, si tout cela avait bien vieilli. Acte cruel que cette introspection rétrograde, qui débouche souvent sur un flingage en règle d'anciens monuments mais contribue parfois à en réhabiliter d'autres, injustement oubliés ou incompris à l'époque. L'expérience et la sagesse nous offrent de nouveaux points de vue et, sans renier les joies d'antan, il convient aussi d'en mesurer la réelle portée.

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Ce retour au pays de Rocky (oui, oui, on s'y amuse, on pleure et on rit) était aussi l'occasion de reprendre les choses dans l'ordre, de revisiter le mythe en en respectant les règles et de combler les lacunes. J'avais sans doute dû voir les deux premiers Rocky à la TV et n'en avais conservé qu'un souvenir fuligineux. Je me souviens avoir raté le III au cinéma (mes frères avaient adoré) et m'être rattrapé sur le IV. Jamais vu le cinquième opus en revanche. Le prêt par mon grand (et divin) ami du coffret blu-ray MGM (doté pour le premier épisode d'un nouveau master 4K) m'a donc permis de dépoussiérer le tout.

Et de dépoussiérage, il y en avait sans doute besoin. Le blu-ray nouveau offre un visionnage de l'oeuvre dans des conditions jamais rencontrées auparavant. La restauration s'est faite intelligemment puisque le grain typique des films de cette décennie (les '70) demeure présent mais la netteté est augmentée et la profondeur de champ, dans les scènes bien éclairées, est stupéfiante. Evidemment, les maquillages en prennent un vieux coup mais ne sont pas si ridicules que cela : le budget consacré à cette partie devait être confortable vue l'économie réalisée par la la boxe est relativement peu présente dans le scénario qui prend le temps de s'attarder sur cette romance délicieusement maladroite entre un paumé solitaire et une timide maladive, deux êtres en marge, dépourvus d'atouts mais dotés d'une volonté farouche de survivre. C'est pourquoi on est surpris, rétrospectivement, de ne voir apparaître MGM devant l'acharnement de Stallone à vouloir lui-même interpréter son script (avec à la clef le versement d'un salaire minimum). Les tons grisâtres presque uniformes de ces quartiers populaires (voire carrément misérables) de Philadelphie donnent un cachet tout particulier au métrage (quel contraste avec le pourtant excellent Rocky Balboa, plus flamboyant) et la surprise est presque totale lorsqu'on voit notre héros apparaître. Les épaules sont voûtées, le pas lourd, la gestuelle gauche, la voix grave mais moins rauque qu'actuellement, avec un phrasé traînant qui avale les consonnes et contribue à rendre le personnage plus authentique dans son appartenance à une classe sociale en proie aux difficultés. Rocky boxe avec une tenue miteuse, oublie sa garde mais cogne comme un désespéré : aucun style, mais du cran. Cependant, c'est bien, paradoxalement, le point le moins important dans ce récit éminemment symbolique : Apollo Creed que relativement tard dans le récit, le temps de mettre en place ce fameux prétexte qui permettra à un nobody de venir goûter au rêve américain, toucher du doigt son idéal, humer le parfum de la gloire l'espace d'un instant. Le champion du monde en titre veut faire son show pour la commémoration du Bicentenaire de l'Indépendance (le film se dér oule en 1976) : au cours de la conférence de presse, il fracture la mâchoire de son adversaire désigné. Qu'à cela ne tienne, il prend sur lui et choisit " l'Etalon italien" pour le remplacer, un boxeur obscur qui n'a attiré son attention que par son surnom. En effet, quoi de mieux dans la ville des Pères fondateurs que de faire s'affronter un enfant du pays fils d'immigrés et un descendant d'esclaves africains ? Ca paraît gros, mais défendu par Creed face à ses hommes d'affaires (qui cherchent avant tout l'intérêt financier) et son entraîneur (qui n'aime pas trop son poulain venir se frotter à un "fausse patte" - un amusant dialogue entre Rocky et Adrian nous en apprend davantage sur l'origine du terme southpaw), la pilule passe étonnamment bien.

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Entre-temps, on suit donc Rocky qui gagne très modestement sa vie en récupérant des fonds pour un usurier (son ratio victoires/défaites sur le ring ne lui permettant guère de survivre décemment), essaie de séduire en usant de sa seule arme, un humour tout pourri reposant sur des blagues de cour d'école, de beaucoup de modestie et d'humilité - ça marche car il emballe la femme de sa vie - et se retrouve propulsé au rang de gloire locale, lui qui n'était connu que des voyous de son quartier et que son propre entraîneur avait laissé tomber. Le tempo lent de chaque séquence, leur enchaînement sage, les discussions qui s'éternisent se mettent alors à interpeller le jeune spectateur, celui qui attend les scènes de boxe, les affrontements, la violence sur le ring - néanmoins, tout en se demandant quand est-ce que bon sang ils vont en venir aux mains, on s'émeut devant ces instants suspendus, cette nonchalance discrète d'un Rocky certes naïf mais clairvoyant. Lorsque Mickey vient le trouver pour lui proposer son aide face à Apollo Creed, Balboa se défile, refuse la discussion, lui renvoyant en pleine gueule sa propre attitude. C'est filmé sobrement, champ/contre-champ habile, mais ça marche. Ca fait déjà plus d'une heure et on n'a rien vu de ce que l'imaginaire retient des Rocky. Alors certes, enfin survient la fameuse séquence d'entraînement sur la musique ronflante de Bill Conti, les plans qui s'enchaînent et le montage parallèle avec Apollo Creed (montage qu'on retrouvera dans les 5 films qui suivront).

Et puis, enfin, Balboa montera sur le ring face au champion du monde. Discrètement,

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méthodiquement, la mise en scène a construit son événement comme une apothéose, avec une montée en tension progressive. Même si on peut tiquer sur la chorégraphie des combats, le manque de réalisme technique, on a bien du mal à nier l'augmentation de notre rythme cardiaque. Car on vibre avec Rocky, qui vient chercher en nous toute la magie des contes intiatiques, tous nos espoirs d'enfant. Face au champion du monde incontesté, et incontestable, Rocky va s'en prendre plein la poire, va chanceler, souffrir, tomber même. Mais il se relèvera. A chaque fois.

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Titre original

Rocky

Date de sortie France

23 mars 1977 avec United Artists

Sylvester Stallone

Musique

James Crabe

Dans les quartiers populaires de Philadelphie, Rocky Balboa collecte des dettes non payées pour Tony Gazzo, un usurier, et dispute de temps à autre, pour quelques dizaines de dollars, des combats de boxe sous le surnom de "l'Etalon italien". Cependant, Mickey, son vieil entraîneur, le laisse tomber. Son ami Paulie, qui travaille dans un entrepôt frigorifique, encourage Rocky à sortir avec sa soeur Adrian, une jeune vendeuse réservée d'un magasin d'animaux domestiques. Pendant ce temps, Apollo Creed, le champion du monde de boxe catégorie poids lourd, recherche un nouvel adversaire pour remettre son titre en jeu. Son choix se portera, contre toute attente, sur Rocky.

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