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« En Chine, la transaction mobile est ressentie comme plus sécurisée »

Publié le 24 février 2016 par Pnordey @latelier

Cap sur la Chine pour un décryptage du mobile, à l'aune des habitudes chinoises, avec l'expert Thomas Graziani.

Deuxième puissance économique mondiale devant le Japon, la Chine compte près de 650 millions d’internautes, dont 500 millions qui utilisent un support mobile. Face aux restrictions du gouvernement sur les réseaux sociaux occidentaux, les Chinois ont dû trouver des alternatives et ainsi développer des plateformes locales, aux spécificités parfois opaques pour les marketeurs étrangers. Avec 46% de la population qui est présente sur les réseaux sociaux et une utilisation croissante du commerce en ligne – 302 millions d’internautes en Chine avaient effectué au moins un achat en ligne au cours du dernier semestre 2013 – il y a fort à parier qu’une stratégie web adaptée au pays soit nécessaire.

Mais encore faut-il savoir s’implanter dans l’Empire du Milieu. Culture sociale différente, concurrence très élevée, complexité des marchés locaux et persistance des barrières réglementaires : l’environnement des affaires chinois demeure complexe et l’entreprise étrangère désireuse d’y faire son nid doit s’entourer. Ainsi, certaines entreprises de stratégie digitale à destination des occidentaux ont vu le jour, comme WalkTheChat, qui aide les sociétés à s’implanter sur un des plus gros réseaux sociaux chinois, WeChat. Entretien avec son fondateur Thomas Graziani, depuis Pékin.

Dans une interview, vous avez assuré que « les réseaux sociaux chinois [étaient] très différents de ceux occidentaux et [nécessitaient] une stratégie spécifique ». En quoi consistent ces différences ?

D’une part, les régulations du gouvernement chinois font que Twitter, Facebook et consorts sont bloqués. Ils sont remplacés par des « équivalents »… qui en fait ne le sont pas vraiment. Celui de Youtube est Youku, Weibo est l’équivalent de Twitter et enfin, WeChat, qui se positionne différemment. C’est plus ou moins un équivalent de Facebook, pour ses composantes de réseau social. Mais on peut aussi le rapprocher d’un Whatsapp, puisque c’est un système de messagerie, et de Paypal vu que l’on peut payer avec. Sur le contenu, c’est un réseau social beaucoup plus complet. En Occident, on aurait des applications différentes pour chaque service, alors que WeChat est un outil protéiforme, qui génère par conséquent une expérience utilisateur plus intense.

Que recommandez-vous pour qu’une entreprise étrangère puisse être présente efficacement sur un réseau social chinois comme WeChat ?

Avoir une présence sur ce réseau, c’est d’abord avoir un compte qui crée du contenu. Mais ce n’est pas suffisant. Il est important que les sociétés étrangères créent des sites web tierces sur WeChat qui intègrent des fonctions plus avancées comme d’achat en ligne, de suivi pour le consommateur, de recommandations aussi auprès d’amis, et enfin de fidélisation, par le biais de bons de réduction par exemple. On pourrait imaginer permettre à l’internaute de réserver de la plateforme un hôtel, voire de lire des annonces d’appartements à acheter en Europe. Pour une entreprise étrangère, fournir des services à la hauteur de ceux que peuvent proposer des compétiteurs locaux est vital.

WeChat

Source: dolphfyn / Shutterstock.com

Les Français sont encore très frileux, quant au paiement mobile. Comment expliquez-vous que ce type de transaction soit aussi répandu en Asie ?

D’une part, les Chinois sont un peuple qui, pour rattraper son retard technologique, a adopté le mobile avant l’ordinateur. L’évolution que nous connaissons en Europe a été court-circuitée. Ils sont connus pour leur rapidité d’adaptation aux changements. Ensuite, Tencent avec WeChat et Alibaba avec WePay, qui ont le monopole en matière de paiement mobile, ont gagné la confiance des utilisateurs chinois. Et dans un pays où la carte bancaire n’est pas fréquemment utilisée, la transaction mobile, plus intuitive, est considérée comme beaucoup plus sécurisée.

Pensez-vous que ce modèle puisse s’exporter à l’étranger ?

Il s’exporte déjà. Les gros acteurs étrangers, tels que Facebook, Google et Apple sont en train de monter au créneau, sur la question du paiement, en imitant ce qui a été fait en Chine. WeChat a beaucoup inspiré certains des changements de business models de sociétés, telles que Snapchat ou Facebook. Cela fait un an que Facebook Messenger Business & Platform a été lancée. Elle intègre des fonctions de service et de paiements.

On a longtemps dit que les Chinois copiaient les nouvelles technologies occidentales. Doit-on comprendre que c’est l’inverse aujourd’hui ?

Pas exactement. Je parlerais plus d’inspiration, et le mouvement se fait toujours dans les deux sens. A mon avis, du point de vue purement technologique (hardware, gestion des données), certaines entreprises américaines, voire françaises comme Criteo, gardent des avantages compétitifs importants. En revanche, c’est sur la manière très créative de commercialiser certains produits que l’Occident peut s’inspirer du business model. WeChat en est un exemple, Xiaomi en est un autre.


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