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Singa et Lasara, de drôles de bêtes !

Publié le 02 mars 2016 par Detoursdesmondes
Singa-quai-branly


Repérage aujourd'hui au musée du Quai Branly des oeuvres Batak et de l'île de Nias pour ma prochaine conférence sur les monuments de pierre en Indonésie. Celle-ci fera suite à celle sur Sumba d'octobre dernier.
Ainsi que nous l'avions constaté sur les maisons et maints objets (notamment ceux des datu), le motif du singa, cet animal mythique, mélange de dragon, de serpent et de l'éléphant, est omniprésent dans l'art Batak.
Nous le retrouvons naturellement dans la sculpture de pierre, comme ici à l'avant du sarcophage de Ompu Raja Sojoloan Sidabutar à Tomok dont la tête surmonte un petit personnage (le premier occupant de cet ossuaire ?). À l'arrière, une représentation féminine tient un bol entre ces mains ; un autre est posé sur sa tête.

Tomok-sarcophage

Le singa est probablement une représentation du Naga Padoha, maître du monde souterrain pour les Batak.
Chez les Pakpak et notamment pour la branche méridionale (les Simsim), un sage venu d’Inde, le Guru Mpu Pandia Kalasan, aurait "instauré" il y a plusieurs siècles, l'obligation d'incinérer les ossements des défunts. C'est pourquoi parmi ces Pakpak Batak, les Simsim et les Kalasan ne possèdent pas de grands sarcophages vus en pays Toba Batak, mais de petites urnes à cendres placées devant les statues équestres.
La monture peut-être un cheval, un éléphant mais aussi bien sûr un singa.
Ensemble-batak-quai-branly


Un peu plus loin sur le plateau des collections, c'est un autre animal qui surprend, représenté dans la pierre. Dans l'espace réservé aux oeuvres de l'île de Nias, nous découvrons effectivement deux statues anthropomorphes assez différentes et quelque peu étranges mais aussi deux sièges de pierre monumentaux possèdant des têtes d'un animal que l'on ne sait identifier de prime abord.

Osa-osa-mqb-nias-island


Ces sièges, appelés osa osa, sont caractéristiques du centre de l'île. Ceux-ci étaient réalisés en commémoration de fêtes données pour l'obtention d'un nouveau grade.
En effet, il existait à Nias (de manières différentes selon les régions de l'île) des fêtes organisées par les hommes qui souhaitaient conquérir de la considération, du prestige, un rang, des titres. Ces fêtes constituaient des occasions de tuer des porcs, de fabriquer des ornements d’or et, pour les grades supérieurs, d'ériger des monuments de pierre et, il y a longtemps, de perpétrer des sacrifices humains.

Osa-osa-fete-owasa-schnitger


Dans le Nord, lors de ces fêtes (et la rare photo de F. M. Schnitger de 1939 le montre), les hommes qui accédaient à un grade élevé étaient promenés en triomphe sur une sorte de palenquin de bois. C'est curieusement au centre de l'île que l'on trouve les plus beaux osa osa de pierre avec un ou plusieurs cous.
Mais quel est donc cet animal mystérieux dont la (ou les) tête(s) surgit(ssent) ?... Un être hybride, un mélange de calao, de cerf... un lasara !
Aussi mystérieuse que celle du singa Batak, la tête de lasara présente une large gueule aux lèvres charnues et à la langue pendante, des crocs et parfois un morceau de bec de calao ! Elle est surmontée de cornes peut-être celles d'un cerf. Toutes ces caractéristiques lui confèrent l'aspect d'une tête de dragon, une créature composite étrange mais toujours puissante protectrice des nobles niassais et de leurs ancêtres.

Medan-osa-osa


Photos 1, 3 et 4 : Musée du Quai Branly, photos de l'auteure, mars 2016.
Photo 2 : Tomok, Samosir, photos de l'auteure, août 2014.
Photo 5 : Chef Nord de Nias sur un osa osa de bois, photo © Schnitger, 1939.
Photo 6 : Osa osa de pierre, photo de l'auteure, Musée ethnographique de Medan, Sumatra, mars 2016.


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