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Ubisoft va-t-il payer cher ses bonnes décisions ?

Publié le 04 mars 2016 par Oddjob

Drôle de théâtre que celui d’hier après-midi, mené par Yves Guillemot. Ubisoft publie des résultats décevants et confirme l’absence d’un vrai Assassin’s Creed en 2016. Inquiétude immédiate des investisseurs qui insistent pour avoir des chiffres afin de mieux comprendre la situation. Mais Guillemot et ses lieutenants ne lâchent rien, probablement pour tenter de sauver les apparences. Raté : l’action dégringole à l’ouverture de la Bourse de Paris ce matin, fragilisant encore plus la situation des Guillemot menacés par l’offensive Vivendi.

“Allo ?”

La séquence ressemblait presque à un gag, hier en fin de journée lors de la conférence téléphonique tenue par les pontes d’Ubisoft à l’intention des investisseurs et actionnaires. L’un d’entre eux insiste pour obtenir des chiffres d’Assassin’s Creed Syndicate, la principale sortie d’Ubisoft en 2015. L’éditeur a bien communiqué sur un total de 10 millions de jeux distribués dans le monde sur l’année écoulée, mais cela comprend tous les épisodes de la série, et il concède lui-même que Assassin’s Creed IV : Black Flag et Assassin’s Creed Unity ont connu une longévité peu banale. Quand soudainement, un long silence s’impose, interrompu par un bref « allo ? », une tonalité et enfin une musique d’ascenseur. La conférence ne reprend que quelques minutes plus tard, et de nouveau la question des chiffres de Syndicate est remise sur le tapis, et de nouveau Ubisoft refuse d’y répondre.

C’est que la société française nous a habitués à plus de transparence sur les ventes de ses jeux, à la différence d’Activision et Electronic Arts. Surtout en ce qui concerne Assassin’s Creed : depuis les débuts de la série, en 2007, c’est la première et unique fois qu’Ubisoft refuse de communiquer les chiffres de son épisode annuel. Tout juste admet-il, contrairement au trimestre précédent, que la performance de Assassin’s Creed Syndicate est décevante. Et il y a de quoi : le cru 2015 d’Assassin’s Creed n’a pas réussi à enrayer le déclin de popularité observé depuis quelques années. À défaut d’avoir les chiffres officiels au niveau mondial, il y a ceux des instituts.

Le déclassement

Aux États-Unis, Assassin’s Creed est devenu presque invisible dans les classements de NPD, seulement troisième pour son premier mois, en octobre, neuvième le mois suivant, et on s’arrête là. Le top 10 annuel ? Il en est absent, comme Assassin’s Creed Unity l’an passé, alors qu’Assassin’s Creed III et Assassin’s Creed IV : Black Flag avaient chacun intégré le top 5. Même topo au Royaume-Uni, où chaque année, le nouveau Assassin’s Creed réalisait des ventes comprises entre 700.000 exemplaires et un million entre sa sortie et à la fin du mois de décembre. Mais en 2014, Assassin’s Creed Unity s’est contenté d’une dixième place, insuffisante pour connaître ses chiffres, tandis qu’en 2015 Assassin’s Creed Syndicate, qui bénéficie pourtant d’une aventure se déroulant à Londres, n’est que neuvième.

En France ? Assassin’s Creed III approchait des 600.000 ventes en 2012, Assassin’s Creed IV : Black Flag faisait 413.000 un an plus tard, puis 362.000 pour Assassin’s Creed Unity et enfin 227.000 pour Assassin’s Creed Syndicate.

Le constat est évident : Ubisoft est en train d’assister au déclin de l’une de ses plus précieuses marques, et il convient de réagir pour sauver ce qu’il peut l’être. Décider de ne pas sortir un nouvel épisode en 2016, et prendre le temps de réaliser un épisode plus abouti, plus frais et mieux fini est clairement la meilleure chose à faire. Pour les joueurs d’abord : rien n’est garanti, mais on va quand même dans la bonne direction pour pouvoir espérer un reboot qui reparte sur de bonnes bases. Mais pour l’avenir financier d’Ubisoft aussi : il vaut mieux rater des revenus liés à la marque sur une année, calmer l’overdose des joueurs et sauver une licence en perdition qui peut encore renaître de ses cendres et, si les choses sont bien gérées en interne, redevenir une référence critique et commerciale.

Les actionnaires n’ont pas la patience d’Ubisoft

Le problème, c’est que les actionnaires ne le voient pas de cet œil. Déjà, quand Kotaku annonçait avoir des informations fiables selon lesquelles aucun vrai Assassin’s Creed ne sortirait en 2016, l’action d’Ubisoft avait plongé à la Bourse. Un mois plus tard, cette officialisation confirme cette tendance. Début janvier, la valeur de l’éditeur français se situait entre 26 et 27 euros par action. Elle est désormais inférieure à 20 euros, accusant une dégringolade de plus de 25 % depuis le début de l’année.

Il faut dire que cette annonce est justement cumulée par la présentation de mauvais résultats, inférieurs aux objectifs. Sur les neuf premiers mois de l’année fiscale, Ubisoft réalise sa plus mauvaise performance depuis 2009. Pour sauver le bilan annuel, il mise tout sur un dernier trimestre record, trimestre qui a effectivement un programme très chargé : les sorties de Far Cry Primal, The Division, dans une moindre mesure de Trackmania Turbo et aussi de la longévité plutôt bonne de Rainbow Six : Siege qui semble se diriger vers une carrière de long-seller.

Mais surtout, l’éditeur a encore des armes non-négligeables dans son catalogue. À commencer par Watch Dogs, dont la suite a été confirmé pour la prochaine année fiscale, entre avril 2016 et mars 2017. On a tendance à l’oublier, mais ce dernier était parvenu à dépasser les 10 millions au niveau mondial, et avait réalisé un impressionnant démarrage, le plus important d’Ubisoft depuis Assassin’s Creed III. En 2014, quand Assassin’s Creed Unity était dixième du classement annuel en France, Watch Dogs figurait quant à lui en quatrième position, juste devant Pokémon. Même tendance au Royaume-Uni et aux États-Unis. Assassin’s Creed n’est déjà plus la licence la plus forte d’Ubisoft, mais c’est bien Watch Dogs, et la commercialisation d’une suite en fin d’année 2016 permettra largement de compenser le manque à gagner de ne pas sortir un Assassin’s Creed qui intéresse de moins en moins de monde.


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