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Article invité : Vers la sobriété heureuse - Pierre Rabhi

Par L'épicière
Vous vous souvenez d'Alexia? En plus d'être une polyglotte c'est aussi une grande lectrice... Elle a eu envie de partager sa dernière lecture : Vers la sobriété heureuse de Pierre Rabhi et m'a proposé de rédiger une chronique pour le blog. ça tombe bien :
1) je suis toujours contente d'avoir des invités, encore plus quand ce sont mes coupines,
2) je manque un peu d'inspiration ces derniers temps comme vous l'avez sûrement constaté.
Grâce à elle, vous avez enfin droit à un article!

Résumé

Article invité : Vers la sobriété heureuse - Pierre Rabhi
Pierre Rabhi a vingt ans à la fin des années 1950, lorsqu'il décide de se soustraire, par un retour à la terre, à la civilisation hors sol qu'ont commencé à dessiner sous ses yeux ce que l'on nommera plus tard les Trente Glorieuses. En France, il contemple un triste spectacle : aux champs comme à l'usine, l'homme est invité à accepter une forme d'anéantissement personnel à seule fin que tourne la machine économique. L'économie ? Au lieu de gérer et répartir les ressources communes à l'humanité en déployant une vision à long terme, elle s'est contentée, dans sa recherche de croissance illimitée, d'élever la prédation au rang de science. Le lien viscéral avec la nature est rompu ; cette dernière n'est plus qu'un gisement de ressources à exploiter - et à épuiser. Au fil des expériences, une évidence s'impose : seul le choix de la modération de nos besoins et désirs, le choix d'une sobriété libératrice et volontairement consentie, permettra de rompre avec cet ordre anthropophage appelé "mondialisation". Ainsi pourrons-nous remettre l'humain et la nature au coeur de nos préoccupations, et redonner enfin au monde légèreté et saveur.

L'avis d'Alexia :


Le jour où j'ai lu Vanity Fair (que celui qui n'a jamais ouvert un Paris match aux pages cornées dans une salle d'attente me jette la première pierre) y figurait un article qui ventait le crédit de Pierre Rabhi auprès des « grands » de ce monde ; Pierre Rabhi est un chantre de la décroissance, de l'agroécologie et de la sobriété heureuse.
J'avoue que j'ai uniquement regardé les images et leur légende. Je ne sais donc pas si les Cotillard, DiCaprio et consort éprouvent simplement de la sympathie à l'égard de son air sage et serin de papi malicieux ou bien s'ils ont lu ses livres. Moi, car je suis sensible aux idées affichées par le personnage, je venais de lire Vers la Sobriété Heureuse qu'il a sortie en avril 2013.
Ce livres est découpé en quatres parties :les semences de la rébellion : il y parle de son enfance heureuse avant et des transformations qui l'ont bouleversée. Puis il mène une réflexion sur les révolutions agricoles qui ont conduit à un modèle productiviste.La modernité, une imposture ? Pose un regard critique sur le progrès.Dans La sobriété, une sagesse ancestrale, il décrit des points communs qui lui semblent vertueux entre des civilisations antiques et les oppose à la logique actuelle.Vers la sobriété heureuse. Cette partie reprend le ton autobiographique du début : il y décrit son mode de vie actuel et comment lui et sa femme y son parvenus. Il se livre également à une critique de celui-ci.
Enfin, dans des annexes assez généreuses, des initiatives en accords avec sa philosophie sont présentées.
Après cette description la plus objective possible, je peux le dire : le livre m'est tombé des mains, mais je suis entêtée. Je reconnais à l'auteur l'honnêteté de vivre selon les principes qu'il développe : avec sa femme, ils exploitent une mauvaise parcelle en Ardèche dont ils parviennent à tirer le nécessaire. Ses choix sont le résultats d'un cheminement personnel et spirituel : Pierre Rabhi est né en Algérie avant la décolonisation, il est arrivé en France enfant puis est devenu ouvrier avant de choisir de « retourner à la terre ». Il garde de ce parcours tortueux des certitudes humanistes : la nature est sacrée, les richesses doivent être partagées et limitées, ainsi qu'une écriture où transparaît la jouissance de l'autodidacte. J’ai aimé ses considérations sur la dichotomie entre ”économie” au sens commun et "l’économie”, science pour laquelle la sauvegarde des richesses est loin d’être une finalité, sur la désynchronisation du temps social et des cycles naturels et qui ”avec le temps-argent a rompu les cadences millénaires que les êtres humains avaient imprimées au temps.” (p.55) et la place données a des modèles économiques différents, souvent en provenance du ”tiers-monde (sic)” et vertueux.
Mon impression globale, reste tout de même celle d’un essai passéiste, à charge contre l’Homme sans que l’on sache s’il parle de l’espèce humaine (dispendieuse et empressée à modifier son environnement par nature) ou de l'homme blanc colonisateur. Souvent, j’avais l’impression de lire une version moderne du Bon Sauvage. Une phrase, seulement, nuance cette vision rousseauiste : lorsqu’il parle du dénuement des peuples nomades, il précise « Cependant, [que] la liberté n’est pas désinvolture, car la mort peut en être la sanction” (p.84). Car c’est, selon moi, l’un des moteurs des ”progrès” techniques : la survie, l’amélioration des conditions de vie. Certes, une réflexion sur la notion de ”bonnes conditions de vie” est sans doute nécessaire. Doit-on pour autant tout rejeter en bloc ?
Même s’il s’en défend, la première moitié du livre développe toutes les variations du c’était mieux avant. Il semble dire que par une soudaine rupture tous les équilibres du monde ont été renversés. Pierre Rabhi analyse le mouvement de mai 68 comme le dernier sursaut de résistance face à la consommation effrénée des 30 glorieuses ; ” un désir, exprimé ou sous-jacent, de modération” (p.22).
Enfin, Pierre Rabhi écrit dans son manifeste :”La subordination du féminin à un monde masculin outrancier et violent demeure l’un des grands handicaps à l’évolution positive du genre humain. Les femmes sont plus enclines à protéger la vie qu’à la détruire [parce qu’elles la donnent, note de moi-même]. Il nous faut rendre hommage aux femmes, gardiennes de la vie, et écouter le féminin qui existe en chacun de nous.” Essentialisation des sexes, la réduction de la Femme à la Mère, naturalisme. Pour un auteur qui se réclame féministe, c’est beaucoup!
Vous l’aurez compris, ma lecture m’a déçue. Je pensais trouver une réflexion construite sur la façon dont la société actuelle peut évoluer, pas un réquisitoire facile contre la modernité, sans que l’on sache si le moderne arrive après le moyen-âge ou la première Révolution industrielle.

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