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MERCI PATRON !, François Ruffin, 2016 L’affiche de ce fil...

Par Quinquin @sionmettaitles1

MERCI PATRON !, François Ruffin, 2016

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L’affiche de ce film, en forme de (scrupuleuse) pantalonnade jubilatoire et solaire, résume à elle seule l’esprit à la fois facétieux, « sale gosse » et antilibéral de François Ruffin – fondateur et rédacteur en chef de Fakir (« Journal fâché avec tout le monde. Ou presque. ») – . Car Monsieur Ruffin, avec sa petite face de fouine et son sourire coquin, reflète son regard aiguisé et malin dans le miroir déformant du capitalisme vomitif et sauvage, parvenant à nous faire sérieusement marrer, pourtant armé d’un sujet grave qui, dans la conjoncture actuelle, ne prête pas forcément à rire. Parce que Ruffin est un moqueur engagé et un rigolo éclairé qui n’hésite pas à se foutre ouvertement de la gueule des « grands » de ce monde, qui eux-mêmes se foutent encore plus de celle des travailleurs acharnés et des ouvriers exploités se tuant à la tâche pour terminer chaque mois avec dans les poches trois clopinettes, à bouffer des courgettes et plâtrés de dettes.

Dans Merci Patron ! le trublion Ruffin, tout auréolé d’ironie, de cynisme et d’humour piquant, s’immerge dans la vie de ceux que Bernard Arnault (PDG de LVMH) a plongés dans la misère et l’abandon sociétal. L’idée de Ruffin est simple : et si l’on réconciliait ces salariés désenchantés avec ce grand patron tant déprécié (trop injuste) ? Allez quoi, faites un effort les prolos, Arnault ne peut tout de même pas se montrer aussi détestable et pourri que vous paraissez le croire ! Quelques licenciements, une petite poignée de délocalisations, des salaires en berne, de la haute prédation patronale, des suicides, du cannibalisme social, n’en faisons donc pas tout un drame que diable ! On enfile un joli tee-shirt « I love Bernard », on boit dans des tasses à son effigie et on cesse de bouder saperlipopette ! Et bien figurez-vous que NON ! Rien à faire, le Pauvre, en plus d’être têtu et fier se montre de surcroît coriace et digne. T’en foutrais, moi…

Et puis, comme une pâquerette naissant dans le champ casse-gueule de La petite maison dans la prairie, voici qu’apparaissent à l’écran les bouilles rondes et couperosées de Jocelyne et Serge Klur, couple chaleureusement privé de son emploi il y a quelques années sous prétexte que ce bon Monsieur Arnault a délocalisé son usine de confection Kenzo en… Pologne (oh bah ça va, c’est facile de critiquer, si vous pensez que c’est simple de payer l’ISF !). Chez les Klur (près de Valenciennes) on vit désormais du RSA, on ne se chauffe plus l’hiver, les dettes sont légion, on bouffe de la tartine de fromage blanc pour Noël et cerise sur la déchéance la maison sera bientôt saisie. C’est sans compter sur l’opiniâtreté du Chevalier Blanc Ruffin qui va mettre de l’ordre dans ce fameux imbroglio en distillant un bazar incroyable, comme un James Bond rigolard et peste qui colle aux pompes telle une saleté de chewing-gum et s’accroche à ses convictions comme une huître à sa bourriche… Le spectateur rigole comme une baleine tandis que Ruffin lui, sous ses airs fripouille, s’escrime à sortir de ce mauvais pas le duo Klur. Magouilles, manipulations, caméras cachées et micros planqués, Merci Patron !, film d’espionnage à la sauce « lutte finale », n’en finit pas de faire rire mais aussi d’impressionner, le sourire collé aux lèvres n’étant finalement confortablement installé que pour masquer une profonde colère et un sentiment d’injustice prégnant. Ruffin ridiculise et piétine purement et simplement Bernard Arnault pour notre plus grand bonheur, et prouve avec maestria que le minus peut encore faire peur au balèze et que le pot de terre peut encore faire trembler le pot de fer, c’est rassurant…

Ce film, créé avec trois bouts de ficelle et qui n’a pas vocation à recevoir le prix de la meilleure réalisation à Cannes (vous les voyez les cafards guindés, coupette de champagne à la main, s’extasiant devant ce documentaire ?), sera pourtant la production 2016 avec laquelle il faudra compter. Parce qu’ici on ne fait pas dans le grand spectacle et le divertissement facile, ni dans le misérabilisme et le pathos ; chez François Ruffin on invoque plutôt l’esprit des Monty Python ou de Peter Sellers pour faire un pied de nez gigantesque et jouissif au PDG de LVMH et, par extension, à tous les puissants intouchables de ce triste monde. Merci patron ! résume à lui tout seul ce qu’est un oxymore; parce que l’on parle d’un sujet dramatique à la sauce grosse poilade ; parce que Ruffin, avec sa trombine de Pierrot la Lune décalé et fantasque, fait preuve d’un courage et d’une détermination admirables. Un journaliste de haute voltige qui mouille son beau tee-shirt  « I love Bernard » et parvient en quelques mois à faire trembler le pouvoir et à obtenir réparation pour Jocelyne et Serge Klur, tout en mettant en porte-à-faux certains de nos politiques et surtout un ancien barbouze dégénéré et pas très finaud qui devient rapidement et malgré lui la vedette de ce documentaire, tant son rôle de « négociateur » relève du ridicule le plus emblématique (ce type devrait à mon sens être Oscarisé). Le géant Arnault lui, semble frissonner face aux lilliputiens Klur et Ruffin… Suspense insoutenable, que va-t-il advenir du Patron ? Parce que tout de même, faudrait voir à ne pas froisser sa jolie veste et éviter de le tremper dans l’huile bouillante du scandale !

Si nous voulions être un tantinet méchants et critiques, nous dirions que Ruffin n’a peut-être pas été guidé par le simple son de son altruisme intérieur mais plutôt par la petite musique de l’instrumentalisation afin de servir ses idéaux et son journal mais dans le fond, on s’en moque. Serge et Jocelyne Klur sont certainement plus sereins aujourd’hui et le message est passé, c’est le principal…

Il est, à l’heure actuelle, indispensable que tout un chacun voie ce film, (une seule salle à Lyon, c’est lamentable, merci le CNP Bellecour) car il ne s’agit plus d’être un simple spectateur baignant dans son pop corn trop gras et trop salé, mais de faire acte de résistance et de former un bouclier solide face à la médiocrité ambiante. Conclusion : Merci Ruffin !

PS : cher François, si aujourd’hui vous pouviez mettre un joli et énergique coup de pompe au c… d’Alexandre Bompard (Président de la FNAC sobrement requalifiée de « Fnac à merde »), vous me feriez le plus grand des plaisirs. Bien à vous. Des bisous doux…

 



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