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Humour et musique : Tonycello et Frédéric Fromet

Publié le 08 mars 2016 par Savatier

On jouait à guichets fermés au Quai des arts de Pornichet (Loire-Atlantique), belle salle de 450 places où se produisaient samedi dernier deux artistes de talent qui savent unir, dans des répertoires différents, la musique et l’humour - ce qui n’est pas si répandu.

Tonycello au Sébasto 1Le violoncelliste Tonycello (de son vrai nom : Antoine Payen) assurait la première partie du spectacle. Il faut posséder une parfaite maîtrise de son instrument pour le traiter de manière aussi peu orthodoxe... Tonycello se réclame, sans doute avec raison, de Pierre Etaix et de Buster Keaton - il est vrai qu’il y a en lui du mime, du poète et du clown ; pourtant, dès son entrée en scène, sa fausse maladresse, sa distraction calculée font immanquablement penser à Jacques Tati. Sous le regard étonné des spectateurs, l’artiste se joue en effet de son violoncelle et de son pupitre à la façon d’un Monsieur Hulot qui aurait, pour un instant, abandonné sa pipe.

Un humour constant, plein de finesse, accompagne chacun de ses gestes et explique le choix des chansons qu’il propose. Car ce musicien classique, agrégé de musique, n’a rien de conventionnel ; il ne se prend pas au sérieux. Sur un répertoire qui s’étend de la Vache à mille francs (parodie de la célèbre chanson de Jacques Brel signée... Jean Poiret) au thème du cygne du Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns, en passant par Boby Lapointe, Raymond Devos et Georges Brassens auquel il fait la part belle, tour à tour, il manie l’archet, l’abandonne pour le pizzicato avant de faire pivoter l’instrument et de le gratter comme on le ferait d’une guitare. Au passage, il égratigne gentiment Mozart (La Petite musique de nuit) ou Beethoven (L’Hymne à la joie) et provoque l’hilarité du public dans une courte imitation de Carla Bruni, une reprise burlesque des Amis de Monsieur de Harry Fragson (jadis immortalisé par Barbara) avant de conclure sur Bluette andante de Serge Llado dont les paroles malicieuses empruntent à l’art du contrepet. L’artiste, qui a manifestement travaillé son spectacle au millimètre, s’inscrit dans la lignée du grand Maurice Baquet. On ne boude pas son plaisir.

FrometAprès l’entracte qui, comme l’avait défini Tristan Bernard et pour rester dans le ton, « vide les baignoires et remplit les lavabos », c’est Frédéric Fromet, accompagné de François Manier à l’accordéon et Rémy Chatton à la contrebasse, qui occupa la scène. J’ai déjà écrit, dans ces colonnes, tout le bien que je pense de ce chanteur facétieux qui, chaque vendredi, conclut l’émission de Charline Vanhoenacker et Alex Vizorek « Si tu écoutes, j’annule tout » sur France Inter. A le voir face au public avec lequel il sait créer une belle complicité, on comprend pourquoi il n’aime rien tant que se produire dans une salle. Auteur prolifique, il fait alterner titres désormais « classiques » et nouveaux textes tout aussi décalés, inspirés de l’actualité ou de l’observation au scalpel des mœurs de notre société - deux chansons ayant Internet pour thème en témoignent, ainsi que Tout, tout pour ma Syrie, hilarant pastiche du vieux succès de Michel Polnareff.

Grand chasseur de mots justes et de calembours, avec pour seules armes une plume acérée et un second degré permanent jusque dans l’autodérision, Frédéric Fromet traite tous les sujets, surtout les plus iconoclastes (les enfants insupportables, les migrants, etc.) Il n’en faut pas davantage pour déchaîner l’ire des grincheux et des imbéciles qui ne supportent pas de voir ainsi étriller leurs vaches sacrées. Mais le public, d’abord surpris, puis définitivement conquis, en redemande et il a raison.

L’artiste qui a longtemps avoué ne pas aimer les disques a récemment sorti un CD (Irfan, 15 €). On ne peut que le louer d’avoir fait usage de ce droit cher à Baudelaire, celui de se contredire, car cette galette donne à ceux qui ne peuvent se déplacer en concert un choix de 17 titres parmi les plus emblématiques. On y trouve, notamment, Je suis bobo, Coulibaly Coulibalo, Gad Elmalette, Chez les bouseux et Le Siècle des lumières. Le titre de l’album ne surprendra pas ceux qui l’apprécient : Ça Fromet. A écouter d’urgence pour chasser la grisaille.

Illustrations : Tonycello au Sebasto, photo D.R. - Pochette du disque Ça Fromet.


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