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Impasse khmère, d'Olivia Gerig

Publié le 09 mars 2016 par Francisrichard @francisrichard
Impasse khmère, d'Olivia Gerig

Avril 1975 aura été un mois funeste pour l'humanité. Le 17, les Khmers rouges entrent dans Phnom Penh et en évacuent la population. Le 30, Saïgon tombe aux mains de l'Armée populaire du Nord Vietnam. Dans un cas comme dans l'autre, un régime totalitaire communiste s'installe dans la région avec la bénédiction d'humanistes patentés.

Au Cambodge la victoire des Khmers rouges, de l'Angkar, est le prélude à un génocide d'une ampleur phénoménale. Au Vietnam du Sud la victoire des Nord-Vietnamiens est le prélude à une diaspora d'une ampleur tout aussi phénoménale. Ces deux victoires, applaudies par nombre d'idiots utiles, feront des victimes innombrables.

Julia quitte son mari et la prison dorée où leur amour infécond est mort. Au même moment, elle quitte "un travail intéressant de porte-parole d'une institution bancaire de la place financière genevoise". Peu de temps après, elle travaille pour "une agence de consultants en communication" qui offre ses services à des organisations internationales et à des ONG.

Un peu plus tard, début 2013, Julia quitte la Suisse pour se rendre à des milliers de kilomètres, au Cambodge. La supérieure de l'agence lui a proposé d'aller là-bas enquêter sur la menace réelle que représentent les mines antipersonnel et les armes à sous-munitions. Il s'agit d'aider les ONG chargées du déminage à obtenir le concours du gouvernement pour leur éradication.

En dépit de toutes les réflexions qu'elle a entendues autour d'elle, Julia écrit, trouvant son salut dans la fuite: "Cependant, j'étais convaincue que partir était la meilleure solution pour tout recommencer, pour certes mourir un peu plus, mais aussi revivre... J'étais pleine d'espoir. Une petite mort pour pouvoir mieux revivre." Elle n'a donc pas hésité et bouclé ses valises.

La famille Sok vit dans une petite maison au coeur de Phnom Penh. En 1975, elle est composée de la mère, Bopha, du père, Chamroeun, de deux garçons, Chhay qui a 20 ans et Chan qui en a 15, et de deux filles, Chantah qui a 6 ans et Chea qui en a 2. En avril, cette famille éclate: les parents et leurs deux filles sont enlevés de Phnom Penh par les Khmers rouges et finissent dans des camps.

Les deux fils ne sont pas là lors de cet enlèvement. Chan est idéaliste. Il rêve "d'un Cambodge plus digne de son histoire prestigieuse". Il s'est affilié politiquement aux Khmers rouges sans que ses parents ne le sachent et fait partie des bourreaux. Chhay, parti se promener, sur les conseils d'un vieillard qu'il rencontre, ne rentre pas chez lui et, la mort dans l'âme, cherche à gagner le Vietnam.

Quelque quarante ans plus tard, hasard ou nécessité, les routes de membres de la famille Sok et de Julia se croisent dans un pays qui n'est toujours pas sorti de l'Impasse khmère. Car, à un régime totalitaire et sanguinaire, a succédé un gouvernement soi-disant démocratique, en réalité répressif et corrompu, poussant à la consommation touristique pour récolter des devises indispensables.

Dans le roman d'Olivia Gerig, il est question de rencontres improbables et d'amour retrouvé dans la fuite, mais aussi de karma, de cycles de réincarnations, de l'entremonde où errent les âmes perdues qu'aucun corps grossier ne souhaite accueillir, et qui ne peuvent par conséquent ni se réincarner, ni atteindre le nirvana, à moins que des membres de leur famille ne les libèrent par leurs prières...

Francis Richard

Impasse khmère, Olivia Gerig, 216 pages, Éditions Encre Fraîche 

Livre précédent chez le même éditeur:

L'ogre du Salève (décembre 2014)


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