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Interview de Alain un des 15 naufragés de The Island saison 2

Publié le 10 mars 2016 par Zast

L’équipe de Paradoxetemporel a retrouvé l’un des 15 naufragés hommes perdus au Panama courant octobre 2015 pour l’émission-documentaire de M6 ‘The Island-seuls au monde’, présentée par le célèbre aventurier Mike Horn.

Alain, 55 ans, travaille dans une société d’Informatique bancaire au Luxembourg.

Il a fait partie de ce groupe de naufragés qui ont décidé de pousser leurs limites physiques et mentales pendant 28 jours dans des conditions extrêmes de survie.

Voici les propos recueillis suite à cette aventure de The Island saison 2…

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Alain, vous êtes l’un des candidats de la nouvelle émission de Survival ‘The Island –seuls au monde’ qui sera diffusée sur M6 à partir du 15 Mars à 20h50.

Pouvez-vous nous dire comment vous êtes-vous retrouvé dans cette émission ? Avez-vous tenté de participer à d’autres émissions de ce style comme Koh-Lanta ? 

Alain : En fait, j’ai toujours voulu participé à ce type d’émission et The Island était une opportunité exceptionnelle, de me tester et de voir jusqu’où je pouvais aller. J’étais en lice pour Koh Lanta 2016 et finalement je n’ai pas été retenu dans cette dernière édition et je ne le regrette aucunement. Je crois aussi que mon refus de toute stratégie dans le cadre de l’aventure Koh lanta m’a exclu de la sélection finale. Ce que je recherchais c’était une épreuve liée à l’aventure, loin de toute stratégie pour éjecter l’autre. The Island est à l’opposé de ce concept, le but étant la survie ultime pour chacun et pour l’ensemble du groupe, avec de la solidarité et du partage pour aller au bout de l’épreuve.

Il y a eu 12000 candidatures pour 15 places à prendre, dans ce type de casting il faut garder son identité propre et ne pas faire semblant. J’ai été le quinqua sportif et soucieux de son apparence et de son hygiène que je suis dans la vie de tous les jours et je crois, aujourd’hui j’en suis sûr, que c’est ce que la production recherchait. Mettre un individu dans un environnement hostile afin de voir comment il se débrouille en survie. Et je peux vous dire qu’au niveau hygiène nous sommes allés loin dans le manque.

Quels étaient vos buts pour en arriver à faire une émission extrême comme celle-ci ? 

Alain : Je voulais sortir de ma zone de confort et me prouver et prouver aux autres que je pouvais tenir. Vous savez je suis un vrai citadin, je fais du sport, et je profite de la vie moderne en société chaque jour. Sur le côté sportif, j’ai fait 2 Mud Day (j’ai la King of Mud : médaille donnée au participant qui franchit les 5 obstacles les plus difficiles), j’ai fait un trail et une vingtaine de semi-marathons et je voulais me tester sur une aventure extrême. L’été dernier lorsque je courais sous la canicule, j’étais le seul à savoir pourquoi, car je voulais m’adapter aux efforts sous un soleil de plomb. Je crois que ce type d’épreuve se prépare, sauf que je ne faisais pas ce qu’il fallait pour ! Car je ne savais pas réellement comment les choses allaient se passer et comment mon corps allait réagir au manque d’eau, de nourriture, et au manque de ses proches, c’est le plus dur, je pense d’être loin des siens.

Car c’est le mental qui est le moteur, et qui va prendre le dessus sur le physique qui flanche inévitablement !

 Comment avez-vous appréhendé les difficultés au Panama ? Gestion de la soif, de la faim, les bêtes, la tempête…

Alain : Si vous regardez l’émission, dès le 1er épisode, on est dans le vif du sujet, on est largué au bord de la mangrove 2h avant le coucher du soleil, avec comme unique souci de trouver un abri pour passer la 1ere nuit. Cette 1ere nuit a été épouvantable. Ce n’est pas après 1 ou 2 semaines que je voulais abandonner, mais bien après cette 1ere nuit, passée sans dormir, par peur des animaux, en pleine jungle et de la pluie qui est tombée sans interruption (départ en octobre en pleine saison des pluies). Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit, et j’ai mesuré alors ce qui nous attendait tous. La nuit les singes crient, les boas sont chez eux dans la brousse et les scorpions sont partout et c’est une peur de petit garçon qu’on retrouve alors face à toute cette hostilité. Durant cette 1ere nuit, c’était notre 1ere erreur, on n’a pas récupéré les litres d’eau qui sont tombés cette nuit-là. Nous n’avions pas de quoi mangé, normal dans la brousse pas de coco et il a fallu trouver des solutions alors. Le salut était dans le mouvement, nous avons changé de camp et reconstruit une cabane, et ce souvent durant cette aventure, pour trouver de quoi se nourrir, l’emplacement est primordial. Car faire de longues marches, pour se nourrir, est épuisant (30 à 35 degrés avec 80% d’humidité) lorsque vous ne mangez pas durant plusieurs jours. On nous a signalé par téléphone satellite (seul lien avec la civilisation en cas de danger) qu’un ouragan approchait, nous étions dedans et il a fallu s’accrocher, car les secours cette nuit-là ne pouvaient pas venir en bateau en cas de difficulté, j’avoue que cette nuit a été longue. Etre réveillé (alors que vous dormez en moyenne, 1 ou 2 heures par nuit), par le Pacifique qui submerge votre abri de fortune et vous recouvre d’eau, c’est un souvenir et un stress inoubliables. On a dégagé les caméras pour les protéger et on a attendu sous la déferlante. En même temps ces moments forts en intensité ont souvent uni le groupe, avec un objectif commun, s’en sortir, c’est le souvenir que j’en ai aujourd’hui et qui reste gravé dans ma mémoire.

De quoi disposiez-vous sur l’ile ?

Alain : C’est très simple, pour 15 hommes (idem pour les 15 femmes sur l’autre île) on disposait de 45 litres d’eau, soit 3 litres par personne, 3 machettes et 3 couteaux et c’est tout ! Précisons que toute notre vie était dans notre sac à dos, les seuls habits étaient ceux que nous portions, nous n’avions en double, que les chaussettes et un boxer, dans notre sac à dos, et 2 photos plastifiées…on a compris pourquoi, dès l’arrivée sur notre île lorsqu’il a fallu sauter dans l’eau et nager vers la rive. Ensuite tout est récupérable sur l’île, les marées rejettent des objets improbables : bouteilles vides, ustensiles divers en plastiques, un coussin, des tongs, des files de pêche, et du bois, beaucoup de bois après l’ouragan que nous avons récupéré et séché pour alimenter notre feu ensuite.

La survie c’est utiliser ce que l’on a et bricolé avec ce que l’on trouve, comme nous avions rien, on s’est débrouillé en permanence.

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Vous êtes très sportif, pensez-vous que le fait d’être sportif représente un réel avantage pour survivre sur une telle ile et dans de telles conditions ?

Alain : Dans la 1ere édition, Michel, triathlète avait véritablement souffert, et j’avais gardé dans un coin de ma tête, cette difficulté qui serait bientôt mienne. Alors oui je me suis entrainé tout l’été sous un soleil de plomb, mais je me suis hydraté en permanence et alimenté avec des plats sur protéinés pour avoir de l’énergie ! Là, c’était tout l’inverse, pas d’alimentation stable et équilibrée et surtout un manque d’eau, surtout au début, on a du vite rationner l’eau, dans l’attente du feu (on récupérait une eau stagnante qu’on a fait bouillir) et de la pluie, donc en conclusion, être sportif aguerri n’aide pas le physique, par contre ma pratique du sport m’a donné un mental inébranlable et ça c’était la clé, sans mental, impossible de tenir. J’ai perdu 9 kgs en 1 mois, dont beaucoup de muscle, car je n’étais pas en surpoids, j’avais juste pris 3 kgs avant de partir, pensant que cela m’aiderait. Les sportifs ont souffert en particulier, car en général, nous avons une alimentation très stricte et complète.

De quoi avez-vous le plus souffert ? Quels sont les choses qui vous ont vraiment manquées ?

Alain : Au risque de vous surprendre, ce n’est pas la faim. La faim on s’habitue vite à ne pas manger, je n’ai rien mangé durant 3 jours et je l’ai supporté, par contre la soif c’est terrible, sachant que le corps est constitué de 80 % d’eau, il faut boire impérativement. Je vous rappelle qu’il fait 30 à 35 degrés avec un taux d’humidité de 80%, lorsqu’il a fallu rationner notre ration d’eau, on s’est fait peur. Il fallait boire un demi gobelet le matin et un demi le soir, les 1eres tensions apparurent très vite, allait on boire tous la même quantité ? Un naufragé qui pesait 110 kgs allait il boire comme moi qui en pesais 72Kgs ? Je dirais qu’après l’eau, ce qui m’a le plus manqué, ce sont mes proches, difficile d’être loin des siens et surtout sans pouvoir communiquer avec eux !

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Comment se passaient vos nuits ?

Alain : Je crois que je n’ai pas dormi plus d’1 heure ou 2 par nuit et parfois pas dormi du tout, c’était le cas, la 1ere nuit comme je vous l’ai dit précédemment. J’avais peur en fait, et pour tous c’était compliqué, de dormir avec les bruits de la brousse, sur la plage c’était gérable, mais dans la brousse, les cris des singes et la présence des boas et scorpions et scolopendres me gardaient éveillé. Impossible de fermer l’œil, on somnole alors et on se fatigue vite. Je suis un citadin, qui n’a jamais fait de trek dans la nature et là c’était une expérience unique. Lorsqu’il ne pleuvait pas, on s’endormait sur la plage, nous étions à l’abri des animaux sauvages hormis les gros crabes rouges qui tentaient d’entrer parfois dans nos habits, mais ce qui nous a ému, ce fut une nuit d’être réveillés par les tortues qui venaient pondre la nuit sur la plage, c’était un spectacle inoubliable et d’une émotion incroyable, c’était unique de vivre cela en direct. Tout comme de voir les œufs éclore de pontes plus anciennes et de voir les petites tortues se précipiter dans la pacifique, je savais alors que j’avais beaucoup de chance d’être là et témoin de cette scène magnifique. Ça nous a fait oublier toute l’hostilité de l’île.

Dans ‘Huis-clos’, Jean Paul Sartre disait ‘L’enfer c’est les autres’, était-ce le cas pour vous dans le huis-clos que vous avez vécu  ? Ou au contraire est-ce que du fait d’être en groupe on gère mieux le fait d’être isolé et livré à soi-même pour subvenir à ses besoins primaires ?

Alain : Sartre avait raison quelque part et vous verrez, dans cette édition, du jamais vu, ni dans la 1ere édition ni dans l’originale, version US. Et bien…on s’est séparé… ! La production ne l’avait certainement pas prévu, je vous laisse le découvrir en images. Car les tensions et les évènements ont provoqué cela. C’est compliqué de rester uni, car le manque provoque des tensions. Alors oui, unis on est plus forts, mais les choix étaient stratégiques, réparer un filet à plusieurs était secondaire pour moi (la suite de l’aventure l’a prouvé) alors que la subsistance du jour pleines de vers, mangé tout ce que je trouvais à même le sol comme fruit et bien d’autres choses, mais je ne peux tout vous dire, à suivre !!!!

Comment s’organisait la vie sur l’île ? Chacun avait-il une tâche particulière ? Y avait-il un leader ?

Alain : Il n’y avait pas réellement de leader, plutôt des bonnes idées, ou moins bonnes que l’on retenait ou pas. Se lever la nuit pour aller pêcher ou attraper des crabes, c’était à ceux qui voulaient et on tentait d’équilibrer les tâches, mais bon c’est pas toujours évident, les plus robustes n’étaient pas toujours les plus actifs, loin s’en faut. Par exemple, le feu c’était éreintant, aller chercher du bois, en abondance, car il fallait avoir beaucoup de braises pour chauffer l’eau des marais, que l’on faisait bouillir pour avoir de quoi boire et ce sous 35 degrés. Et l’eau était pouvait être assuré par les crustacés à marée basse et autres mollusques. Souvent on n’était pas d’accord, c’est humain et normal.

On imagine que vivre dans des conditions extrêmes exacerbe les sentiments. Quels sont les sentiments qui se sont trouvés exacerbés chez vous ? Et pourquoi ?

Alain : Le goût, j’avais perdu le goût et j’ai rêvé de fromage, de vin, de raclette, de pizzas 

C’était dingue de manquer de goût à force de manger de la coco, lorsqu’on n’attrapait rien ! Ça c’était pas pour le sentiment de nourriture, mais je n’ai jamais autant pensé à mes proches et surtout à ceux qui ne sont plus là. J’ai beaucoup réfléchi au sens des choses et aux choix de vie et j’avais le temps pour cela. On pouvait se sentir seul aussi au milieu des autres et il m’arrivait de m’éloigner aussi pour être seul pour digérer cette solitude, et le manque de mes proches. Pour d’autres, une certaine agressivité se déclenchait pour un rien.

Quels faits marquants retenez-vous de votre aventure ?

Alain : Le mental, c’est le mental qui domine tout. Si vous n’êtes pas fort dans votre tête, rien n’est possible. Je voulais aller loin et je m’étais programmé pour cela, et après avoir perdu 9 kgs, j’aurais pu aller plus loin tant mon mental était fort. Le physique a lâché mais avec un mental fort on peut tenir et se surpasser. Après j’ai rencontré des gens incroyables et vécu avec eux une aventure hors du commun, qui m’a lié à certains, que je vois régulièrement comme une famille THE ISLAND en fait.

Quelle est la chose la plus difficile que vous ayez dû faire sur l’île ?

Alain : Plus que l’hygiène qui était inexistante, si ce n’est se laver dans le pacifique et laver nos habits chaque jour, c’est manger des animaux, que je n’aurais pas gouté ailleurs. Sans dévoiler la fin, j’ai dévoré des huitres,

l’élément indispensable.

Comment s’est passée la reprise à la vie normale ? Retour au travail, votre rapport à la nourriture, la reprise du sport…

Alain : La reprise du sport fut très compliquée, après avoir repris mes 9 kgs, et ce progressivement, car l’estomac s’était rétréci. J’ai eu des envies de sucré et de salé intenses qui se sont vite calmées. C’est plus psychologiquement que c’était compliqué, reprendre une vie normale après cette expérience était difficile, d’autant plus que nous sommes revenus le 13 novembre, comme vous le savez, le jour des attentats meurtriers à Paris (120 morts). C’était une claque terrible de se retrouver dans l’actualité ainsi après avoir été coupé du monde pendant 1 mois, sans internet et aucune info. J’ai, je crois, développé le syndrome de Stockholm, avec cette ile qui m’a tant fait souffrir mais qui parfois me manque, c’est difficile à expliquer !

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Quel regard porte votre famille, vos amis sur votre aventure ?

Alain : Les gens qui me connaissent savent que j’ai toujours voulu participer à une épreuve extrême, pour me mesurer aux éléments et surmonter les obstacles. Mes filles sont très fières de moi et de mon parcours, d’autres pensent encore que c’était de la folie de se mettre en danger ainsi, et que je devrais me calmer à présent.

L’aventure vous tenterait-elle à nouveau ?

Alain : Au risque de vous surprendre, si c’était à refaire, je le referai aussitôt. D’ailleurs régulièrement avec mes compagnons naufragés, on délire sur un autre The Island, pourquoi pas, mais sur une autre approche, un couple seul, ou les séniors d’un côté et les juniors de l’autre. Vous aurez compris qu’on ne sort pas indemnes de ce type d’aventure, je crains d’être définitivement contaminé, c’était tellement intense parfois que je suis prêt à revivre cette aventure.

Si demain vous devez retourner sur une ile comme celle que vous avez connue et si on vous autoriserait à prendre 3 choses, que prendriez-vous ?

Alain : Du savon, une brosse à dent et du dentifrice. Je plaisante, quoique…

Mais plus sérieusement un briquet nous simplifierait la vie grandement et de quoi chasser et pêcher.

Mais on ne serait plus en mode survie, alors, d’où l’originalité du concept, se débrouiller avec ce que l’on a, donc rien pratiquement et s’organiser avec ce que l’on trouve. Il y va de l’intérêt du téléspectateur, car je pense que certains apprécieront de me voir me laver les dents avec la suie du feu et laver mon linge avec du sable dans le pacifique. Cela reste une émission-documentaire pour que le téléspectateur ait envie de nous voir souffrir et se débrouiller et qu’il puisse s’identifier.

Vous avez réussi ce challenge, quels sont vos prochains défis ?

Alain : Je reste disponible pour la production sur tout autre concept d’aventure extrême, mais sinon, ma prochaine étape sera le semi-marathon du Luxembourg, ce sera ma 12e édition et un triathlon cet été. Il est vrai que THE ISLAND m’a ouvert des portes inexploitées jusqu’à ce jour, portes que je laisse grandes ouvertes.

Y a –t-il un ‘avant’ et un ‘après’ The Island ? En quoi cela va –t-il changer votre vie ?

Alain : Oui avant je ne savais pas ce qui m’attendait et après, je reste surpris d’y avoir participé en voyant les images diffusées et photos. Je suis ravi d’expliquer la vie là-bas et ce que nous y avons vécu, c’était fort et intense. Les sollicitations des médias sont nouvelles pour moi et j’adore vendre cette émission qui est soft et bien montée. J’ai une 2e famille à présent, avec mes compagnons naufragés, avec certains c’est une amitié hors du commun, on ne peut pas oublier cette aventure et ceux qui vous ont aidé parfois. Chaque jour j’y pense et je ne gaspille rien, comme chaque goutte d’eau que nous économisions et chaque bout de coco qui tombait à terre et que nous mangions tout de même. Si on pouvait respecter cela tous, et la nature, car tout a été remis à l’état initial sur l’île après notre départ. La nature doit rester en l’état avec la flore et la faune. On a tué que ce que nous mangions et respecté les lieux, toujours !

Merci pour vos réponses et on vous dit rendez-vous au mardi 15/03 sur M6 à 20h50 pour suivre vos aventures au bout du monde.

Interview par Rachel et Stéphane

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