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L'aveugle qui voyait

Publié le 11 mars 2016 par Joseleroy

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Jérome Garçin a récemment publié un texte sur Jacques Lusseyran qui nous a remis en mémoire la vie et l'oeuvre de cet homme extraordinaire.

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Jacques Lusseyran est né le 19 septembre 1924 à Paris et mort le 27 juillet 1971 à Saint-Géréon (Loire-Atlantique).

Aveugle à  l'âge de 8 ans suite à un accident,  il s’engagera dans la résistance française et sera responsable au sein des mouvements Volontaires de la Liberté ; il sera pour cela déporté à Buchenwald en 1944-1945.

Après la guerre, il deviendra  professeur de littérature et de philosophie aux États-Unis.

Le 8 mai 1952, il rencontre Georges Saint-Bonnet, dont il sera très proche jusqu'à sa mort en 1963. Il raconte sa fascination pour ce personnage, qui fut son ami, son médecin et son « Maître »21, dans un livre paru en 1964, Georges Saint-Bonnet, maître de joie. (source WIKI)

Dans son livre Et la lumière fut Jacques Lusseyran explique comment être aveugle fut pour lui une grande surprise car il découvrit que la lumière ETAIT EN LUI.

lusseyran

 "Cela ne ressemblait à rien de ce que je pouvais imaginer. Cela ne ressemblait pas davantage à ce que les gens autour de moi semblaient penser que c’était. On me disait qu’être aveugle, cela consistait à ne pas voir. Je ne pouvais pas croire les gens, car moi je voyais."

   " Au fond, je regardais trop loin, et je regardais trop vers l’extérieur.

   Ce fut beaucoup plus qu’une découverte : ce fut une révélation. Je me revois encore dans le Champ-de-Mars où, quelques jours après mon accident, mon père m’avait emmené en promenade. Je connaissais bien ce jardin. Je connaissais ses bassins, ses grilles, ses chaises de fer. (…) Je crus un instant le monde perdu. Je jetai mes yeux en avant comme des mains dans le vide. Rien ne s’approchait plus, rien ne s’éloignait plus de moi. Les distances exténuées se chevauchaient ; elles ne jalonnaient plus l’espace de leurs petits rayons clignotants. Tout semblait épuisé, éteint, et je fus pris de peur. Je me jetais en avant dans une substance qui était l’espace, mais que je ne reconnaissais pas car rien d’accoutumé ne l’emplissait plus.

   C’est alors qu’un instinct (j’allais presque dire : une main se posant sur moi) m’a fait changer de direction. Je me suis mis à regarder de plus près. Non pas plus près des choses mais plus près de moi. A regarder de l’intérieur, vers l’intérieur, au lieu de m’obstiner à suivre le mouvement de la vue physique vers le dehors. Cessant de mendier aux passants le soleil, je me retournai d’un coup et je le vis de nouveau : il éclatait là dans ma tête, dans ma poitrine, paisible, fidèle. Il avait gardé intacte sa flamme joyeuse : montant de moi, sa chaleur venait battre contre mon front. Je le cherchais au-dehors quand il m’attendait chez moi."

Jacques Lusseyran, Et la lumière fut


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