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Mayotte, terre de non-droit ? Une autre «Jungle de Calais», sous les tropiques

Publié le 17 mars 2016 par Blanchemanche
#Mayotte
L'interrogation des simples citoyens débarqués d'ailleurs à Mayotte pour un vivre-ensemble aux parfums d'injustice, de violence, de misère et d'inégalités.


Capture d’écran 2016-02-18 à 20.16.15©http://www.linfokwezi.fr/collectif-des-citoyens-inquiets-12-642-signatures/Cela fait quelques mois que le rapport de la Cour des Comptes dédié aux récents changements du monde politico-institutionnel du dernier département ultramarin de France a été publié, soulignant les nombreuses et graves difficultés impactant le développement du dernier nés des "DOM".Quelques semaines qu'un des anciens parlementaires de l'île aux parfums, M Mansour Kamardine, déclarait que la petite île de l'archipel des Comores était "au bord de la guerre civile".Quelques semaines également qu'un mouvement citoyen spontané adressait au président de la République une pétition ayant recueilli plus de 10 000 signatures...Et pourtant la vie quotidienne se poursuit, pour les habitants de l'île, qu'ils soient mahorais, réunionnais, comoriens, malgaches, antillais, corses ou métropolitains. L'interrogation qui nous vient tous à l'esprit, cependant, est la suivante: à partir de quel stade de délitement du tissu social peut-on considérer que la vie n'est plus normale, que le vivre-ensemble est mis à mal, piétiné par les conséquences indirectes de la misère, de l'injustice, du non-droit, d'un système éducatif sous-dimensionné, d'un système régalien effacé ?- Est-ce "normal" d'avoir peur lorsque l'on croise une dizaine d'enfants dans la rue ?- Est-il "normal" de se faire agresser à l'arme blanche, au "shombo", lorsque l'on fait ses courses avec son fils de trois ans ?- Comment vivre "normalement" après s'est fait cambriolé 20 fois en 2 ans, de se faire tabasser chez soi par une bande de jeunes hommes armés, devant son fils de 9 ans, alors que l'on est en fauteuil roulant ?- Pourquoi doit-on vivre dans des domiciles où le critère principal de choix est celui de la sécurité ? Même les barreaux sont inutiles lorsque les voleurs arrachent les murs en bois ou défoncent les murs en brique pour cambrioler.- Est-ce vraiment le travail des gendarmes et des policiers que d'aller repêcher des corps d'enfants noyés puis rejetés au bord des côtes, lorsqu'une des nombreuses "kwassa", transportant depuis les Comores une vingtaine de clandestins, sombre en pleine nuit alors que les passagers ne savent pas nager ? Ici un article de 2012 sur le sujet, mais c'est le quotidien pour le village M'Tsamboro, le plus proche de l'île voisine d'Anjouan.- Avez-vous déjà entendu parler d'un sous-préfet cambriolé et agressé ? d'une chaîne de télévision cambriolée ? D'enfants qui rentrent dans les bornes de collecte des déchets plastiques pour revendre les bouteilles de soda vides ?Ca, c'était pour la violence, le quotidien. Les chiffres explosent, l'impunité est quasi-totale. Les jeunes sont relâchés en 48h, sans accompagnement adapté, pour un retour à la rue, à la misère des bangas, à la "chimique", drogue de synthèse liquide imbibée dans du tabac à rouler, aux carences du système éducatif, sous-dimensionné pour une île où sont nés plus de 9000 enfants rien qu'en 2015, soit 3,6% population officielle établie à 212 000 habitants en 2012 (voir les chiffres de l'INSEE). Parmi ces chiffres, une donnée : "la part des étrangers se stabilise à 40%", ne tient pas compte des immigrés clandestins qui survivent dans les quartiers spontanés qui chaque jour s'étendent loin des regards ou au coeur de la ville.Le bidonville de Kawéni focalise l'attention, mais nombreuses sont les communes où des centaines de personnes vivent sans eau courante, parfois sans électricité, sans collecte des déchets, sans routes, dans des conditions sanitaires épouvantables, et avec parfois la peur de la reconduite à la frontière. Est-là encore normal ?Le racisme est devenu normal en France, et Mayotte n'y échappe pas. La peur de l'autre, les différences linguistiques, culturelles, les disparités économiques favorisent son développement, et force est de constater que les "communautés" qui constituent la société mahoraise ne semblent pas se tendre la main pour faire face aux défis actuels, mais préfèrent se replier sur elles-mêmes.Mayotte, au fond, est-ce bien un territoire de la République Française ?Où est la liberté, lorsqu'il est dangereux d'aller randonner entre amis le week-end, même armé ?Où est l'égalité, lorsque certains enfants ne vont pas à l'école de peur d'être expulsés aux Comores sans leurs parents ?Où est la fraternité lorsque le racisme enfle, et où certaines opinions font froid dans le dos ?

Lorsque le lien social sera rompu, lorsque les gens seront terrés chez eux pendant que d'autres se feront lyncher dans les rues, que les commerces seront fermés, que les traditionnels barages empêcheront les médecins et les pompiers de se déplacer, que ceux qui en ont la possibilité n'auront d'autre choix que de s'envoler de l'aéroport de Dazoudzi pour trouver refuge aux Comores, à Madagascar, à la Réunion ou en métropole, il sera trop tard pour les pouvoirs publics de proposer des solutions à la sourde et profonde crise que traverse ce petit territoire de 376 km².
 Antoine C & Sabrina Ahttps://blogs.mediapart.fr/sabrina-amant/blog/160316/mayotte-terre-de-non-droit-une-autre-jungle-de-calais-sous-les-tropiques

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