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Scènes de la vie ordinaire à la Poste

Publié le 14 juin 2008 par Mcabon

 Scènes de la vie ordinaire à la Poste

D'ordinaire, je me rends à la Poste avec une certaine dose d'inquiétude. Vais-je tomber sur un guichet où me précède un quidam venu pour une opération financière extrêmement chronophage, ou mémé qui paie ses timbres en pièces d'un centime, ou bien sur une file d'attente à la soviétique parce que c'est l'heure de pointe et que tous les guichetiers ont décidé de faire leur pause au même moment ? Une fois, je me fis quasiment renvoyé du bureau parce que j'avais dans mes bras « trop de courriers » à poster. Véridique. Rien de tout cela cet après-midi là. Le bureau est quasiment vide de clients. Trois guichetières discutent avec une cliente un peu caché par le merchandising développé depuis peu dans tous les bureaux de poste de Navarre : CD d'artistes improbables, agendas 2007 (!), à réserver à ceux qui ont envie de refaire leur vie, affichettes pour services à la personne, cartes téléphoniques, il paraît que l'on peut même trouver des timbres.

Mon arrivée ne perturbe pas la conversation des quatre femmes. Je ne me vexe pas mais quand même.

- … Alors, la directrice m'a dit que mon fils était très mal élevé et qui s'il continuait elle lui donnerait des avertissements parce que vraiment insulter sa camarade de classe ce n'était pas bien, dit la cliente. On dirait son père.

- Ah, oui. Peut-être que c'est la directrice qui est dure, répond une guichetière

Manifestement la discussion ne venait pas de commencer et la femme avait entrepris quelques confidences accoudée au guichet de cette agence de la Poste. La cliente prit la porte à ce moment-là. Confiante.

Alors que je ne pensais qu'à la surpopulation carcérale et au nouveau record de fréquentation dans les prisons françaises, presque l'équivalent du Stade de France, la nature humaine se livrait sans fards. Et je me faisais la réflexion, et le pari avec moi-même, pas sur Internet car c'est encore interdit pour l'heure, que le départ de la cliente ouvrirait le défouloir entre les trois guichetières sur leur conversation et que cela tiendrait en une exécution sommaire de celle qui venait de partir. Les femmes sont ainsi, les êtres humains aussi, pouf, pouf. Cela ne manqua pas.

- Dis donc, j'aurais honte de dire tout ça moi, dit la première

- Ouais, c'est bizarre, dit la deuxième

- C'est peut-être qui devrait se remettre en question, dit la troisième

- Et pour vous Monsieur ?

C'est moi que l'on regardait maintenant. Tout de même.

- Je veux poster ces lettres. Et joignant le geste à la parole, je posais sereinement ma correspondance épistolaire, c'est comme cela que l'on dit quand on a passé son bac de français, devant mon interlocutrice. Et vous savez mes enfants vont très bien. Très bien élevés et tout. Je les aime beaucoup vous savez.

- Et vous leur avez ouvert un livret postal ?

- Euh, non.

- Ben, vous voyez. Normalement quand on aime on ne compte pas.

- … - Et en plus on fait des taux intéressants en ce moment.   Les yeux des deux autres me suivaient du regard quand je sortais de l'agence. Plus léger de quelques lettres, moins fier de moi. Une autre proie venait de bomber dans leurs filets.

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