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Nous ne sommes plus « en paix » ?

Publié le 25 mars 2016 par Jacquesmercier @JacquesMercier

Les événements tragiques que nous vivons et le fait d’entendre que nous sommes en guerre (d’une autre manière que celle des fronts d’antan), me poussent à partager quelques paragraphes de mes « Mémoires » en écriture. Nous aurons donc eu deux générations dans une paix relative…

Extrait de « Drôles de Mémoires » :

Rien n’arrive par hasard. Si l’on remonte le fil du temps, c’est d’une telle évidence ! J’ai mis en exergue de mon roman Un équilibre fragile cette phrase de Jean Cocteau : «La carte de notre vie est pliée de telle sorte que nous ne voyons pas une seule grande route qui la traverse, mais au fur et à mesure qu’elle s’ouvre, toujours une petite route neuve. Nous croyons choisir et nous n’avons pas le choix. » (Le grand écart)

Tout remonte donc à l’enfance.

Elle fut marquée par la fin de la guerre. Les parents racontaient peu. J’avais deux frères plus âgés qui, eux, me racontèrent quelques exploits familiaux. Comme ce début de soirée, où un oncle résistant était venu se réfugier à la maison. Sa présence fut dénoncée et des soldats allemands se présentèrent en armes. Pour laisser le temps à notre oncle de s’enfuir par les toits, on les fit patienter. Mais à coups de crosse, les soldats brisèrent la solide porte de verre et de fer forgé. Ils fouillèrent la maison et tandis qu’on interrogeait ma mère, des gardes en armes restèrent en faction toute la nuit à côté des lits des enfants. Mon oncle s’est enfui jusque sur le toit d’un hangar qui forme le coin de mon avenue. Dans l’obscurité il fit une brèche et se laissa tomber au risque de se fouler une cheville ou pire, car c’était une société de ferrailles et il aurait pu tomber sur des tiges de fer dressées. La société appartenait à l’« ancêtre » de la famille, comme nous l’avons appelé plus tard avec tendresse. Comme c’était également un chef du réseau Bravery (Héroïsme, courage) de la résistance locale, il fit sortir le lendemain matin mon oncle sans dommage, en le dissimulant dans un camion de sa firme. Les soldats étaient toujours en faction chez moi.

Mais comme on me racontait peu, tout cela était flou. Une grande partie des frères et sœurs de ma mère – huit enfants – furent prisonniers en Allemagne. Les plus jeunes, encore adolescents, firent partie des services de renseignement. On parlait à mots couverts de tortures, de privations. Pour me renseigner, je feuilletais en cachette un gros livre rouge intitulé, je crois, « Nos Héros » et je m’attardais avec effroi sur les photos des cellules, des chaînes qui y pendaient, des villages détruits et des prisonniers squelettiques vêtus d’oripeaux à rayures derrière les barbelés.

Au-delà de ces frayeurs, le discours ambiant était « N’en parlons plus ! Ce fut la dernière ! Plus jamais de guerre ! » et je m’y suis accroché.

Mon angoisse fut terrible lorsque éclata la guerre de Corée en 1950. Je me souviens du « 38e parallèle ». J’avais sept ans et je vivais des cauchemars horribles. De plus, prenant facilement froid, ma fièvre montait très haut, je délirais, je hurlais – les scènes entrevues dans le livre prenaient vie, auxquelles s’ajoutaient les peurs religieuses. Trop jeune pour faire la part des choses, je crus tout ce qu’on me racontait et même « qu’il était plus difficile pour un riche d’entrer dans le royaume des cieux qu’à un chameau de passer par le chas d’une aiguille ». Ce fut une scène de délire récurrente !

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