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MIDNIGHT SPECIAL, Jeff Nichols (2016) En sortant de la pr...

Par Quinquin @sionmettaitles1

MIDNIGHT SPECIAL, Jeff Nichols (2016)

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En sortant de la projection du dernier film de Jeff Nichols – auteur également du sublime et tempétueux Take Shelter et de l’indomptable Mud – je me suis posé une question essentielle : ce gaillard bientôt quarantenaire aux faux airs d’adolescent lunaire et timide cessera-t-il, un jour, de nous émerveiller ? Réflexion existentielle grave car mon angoisse d’être potentiellement déçue par Nichols dans un futur lointain me taraude sérieusement (mais je me soigne). En attendant, le réalisateur américain revient en cette année 2016 avec un thriller auréolé de science-fiction surprenant, poignant et puissant ; une pépite tellement gracieuse et hypnotique que je n’ai pu empêcher la grande bataille lacrymale du siècle en voyant la fin approcher. J’ai honte mais que voulez-vous, quand c’est beau… C’est beau.

Afin de laisser la magie opérer n’en dévoilons pas trop quant à l’intrigue… Alton est un enfant « spécial » que son père Roy décide de soustraire à une horde de fanatiques religieux. Excepté qu’Alton n’est pas seulement convoité par les fous de Dieu mais aussi par le FBI qui s’intéresse de près à ce gamin singulier dépassant toute forme d’entendement et semblant posséder quelque don particulier. Alton, Roy et son ami Lucas se retrouvent bientôt pris au piège d’un road movie en forme de chasse à l’homme où le danger et la convoitise le disputeront à l’amour et au merveilleux…

Jeff Nichols signe une fois de plus un très grand film aux côtés de son acteur fétiche Michael Shannon qui se révèle lui aussi tout simplement remarquable, toujours affublé de cet air mystérieux et lointain, de ce regard bleu métallique, profond et mélancolique au milieu d’un visage indéchiffrable qui pourtant trahit une émotion exceptionnelle. Comme à son habitude Nichols déploie dans sa réalisation un véritable éloge de la lenteur, prend le temps de s’appesantir sur ses personnages, se donne les moyens de leur donner vie, de leur façonner une présence magnétique tout en avançant une caméra soucieuse de faire grandir la relation entre un père et son fils. On ne cherche pas chez Nichols à obtenir le premier prix de la réalisation mais plutôt à mettre la technique au service d’un scénario abouti, millimétré et en forme d’hommage à d’anciennes productions comme Un Monde parfait de Clint Eastwood, La Route de John Hillcoat (adapté du roman de Cormac McCarthy), E.T. l’extra-terrestre de Steven Spielberg ou encore le magnifique Rencontre du troisième type (Spielberg, toujours), le tout agrémenté d’une petite pointe de The Kid de Charlie Chaplin, pour la tendresse infinie et le drame subtil qui s’échappent de l’écran. Parce qu’au-delà de cette cavalcade pour mettre le grappin sur le bambin divin aux allures d’enfant de la lune, Midnight Special est une ode à la liberté, à l’amour filial et à l’accomplissement du destin. Le destin – ce concept étrange auquel on ne peut échapper –, largement mis en exergue dans ce film enveloppant qui décline un ensemble se faisant bien souvent sombre et ouaté, jusqu’à l’épilogue final (transcendant) où la lumière enfin tombe sur les acteurs comme sur le spectateur et où le terme de « science-fiction » prend tout son sens.

Chez Jeff Nichols il y a une beauté grave, une splendeur pudique, une douceur torturée faisant de Midnight Special un long-métrage bouleversant, intense et déchirant. Sans emphase, avec beaucoup d’intelligence et de violence feutrée, les acteurs et actrices tous plus remarquables les uns que les autres (Shannon, Kirsten Dunst, Joel Edgerton, Jaeden Lieberher, Adam Driver) nous livrent un formidable conte délicat et précieux…

À voir aussi :   Take Shelter

   Mud



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