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ILS SAVENT TOUT DE VOUS, Iain Levison (2015) Regard coqui...

Par Quinquin @sionmettaitles1

ILS SAVENT TOUT DE VOUS, Iain Levison (2015)

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Regard coquin et sourire enjôleur, Iain Levison  entre dans la catégorie des écrivains pour lesquels l’on se pose la sempiternelle question : mais où vont-ils chercher tout ça ? N’attendez rien de moi, je n’ai pas la réponse (mais je poursuis ma réflexion). Quoi qu’il en soit, il ne faut pas s’être amouraché de l’œuvre complète de ce « doux-dingue » à la vie tumultueuse et bancale pour comprendre promptement qu’il possède une écriture singulière bercée par la causticité, l’humour noir et le cinglant. Chez Levison l’on n’enroule pas de la grande phrase pompeuse, l’on ne fait pas dans la délicatesse niaiseuse mais l’on brandit plutôt un langage direct et bourgeonnant mis au service d’histoires noires et ubuesques qui revêtent le masque du délire maîtrisé. Après l’excellent Arrêtez-moi là!, je suis donc revenue me pelotonner au creux des pages de cet auteur un peu fou qui, sous des airs comiques, décortique lestement la société américaine dont il offre une fois de plus une critique aiguisée et acerbe…

Richard Snow est un policier lambda qui se fond dans une routine d’agent plutôt insignifiant et aussi charismatique qu’un pingouin narcoleptique. Sauf que Snow n’est pas tout à fait comme « monsieur tout-le-monde » car Snow se réveille un beau jour… Télépathe. Évidemment, quand on est flic, cela peut aider. De l’uniforme bleu au costume de super-héros la frontière est ténue mais pas aisément franchissable et Snow, en « justicier » néophyte capable de lire dans les pensées, s’enorgueillit désormais de mettre à l’ombre de petites frappes sans grand intérêt. Pendant ce temps, à des kilomètres de là, un homme se targue du même don, excepté que lui croupit en prison ; Brooks Denny attend sagement dans le couloir de la mort son exécution imminente jusqu’à l’arrivée impromptue de l’énigmatique Terry Dyer, joli et séduisant sous-marin d’une agence gouvernementale, qui semble s’intéresser de près à cette aptitude bien particulière et qui fleure bon les ennuis… Qui sont Snow et Denny et pourquoi le FBI cherche tant à leur mettre la main dessus ?

Iain Levison possède un doigté certain pour accrocher son lecteur et le confronter à des questions sociétales sérieuses sous des airs badins et cyniques. L’auteur américano-écossais ne tricote pas du mot boursouflé, ne se perd pas dans des circonlocutions hasardeuses, ne fait pas dans l’émotion ni le pathos mais agite une plume brutale, vive, malicieuse, sèche, sans concession, pour nous donner à lire des situations drolatiques et nous confronter à des protagonistes kafkaïens jubilatoires. Ils savent tout de vous se dévore littéralement et en moins de temps qu’il faut pour le dire ; le suspense y est haletant, la situation « comico-dramatique » ébouriffante, les personnages tous plus déjantés et subversifs les uns que les autres. Car Levison ne se contente pas d’un sujet que tout un chacun pourrait maladroitement croquer, il s’empare avant tout d’une histoire rocambolesque mais réfléchie en forme d’observation adroite sur le « tout-sécuritaire » et la surveillance de plus en plus accrue du citoyen manipulé et traqué qui, au-delà de se confronter au terrible « œil de Moscou », peut devenir malgré lui un témoin extrêmement gênant et un cobaye à abattre. Quant à la télépathie là aussi, l’auteur nous enjoint à cogiter sur ce « don » en apparence alléchant et fantasmagorique mais source de bien des tracas. Levison est décidément une petite bulle de bonheur cru et déjanté dont il sera bien difficile de se lasser…

[Iain Levison, déjà adapté au cinéma par Gilles Bannier, représente visiblement une source inépuisable d’inspiration pour les scénaristes puisque nous le retrouverons de nouveau sur les écrans au mois d’Août 2016 avec Un petit boulot, son premier roman. Et il est fort à parier que Ils savent tout de vous n’échappera pas à la mise en image, ce qui engendrerait (si l’adaptation est à la hauteur bien entendu) un excellent film aux allures de M.A.S.H et Killer Joe. Personnellement j’opte – et ce même si l’on ne me demande pas mon avis – pour le réalisateur Quentin Dupieux, le plus à même de nous servir un petit bijou décalé et jouissif…]

À lire aussi:   Arrêtez-moi là!



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