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Le bourgmestre de Furnes

Publié le 08 avril 2016 par Adtraviata

Le bourgmestre de Furnes

Quatrième de couverture :

Dans la très ancienne ville de Furnes, dans une Flandre tiraillée entre le progrès et les souvenirs du Moyen Âge, le bourgmestre s’impose par son autorité et sa froideur extrême. C’est un personnage que le doute n’effleure pas, un monstre ordinaire cloîtrant chez lui sa fille handicapée, un homme qui refuse la moindre charité. L’avait-on aidé lui? Lui avait-on fait le moindre cadeau? Jamais. À son tour, il regarde ses semblables comme on regarde quelque chose, n’importe quoi, un mur ou la pluie qui tombe, semant tout autour de lui la peur et les larmes. Ce même homme pourtant, un jour, se met à changer doucement. Plus personne ne le reconnaît… Que s’est-il passé?

J’ai lu très peu de Simenon dans ma (déjà un peu) longue carrière de lectrice, aussi j’ai décidé de sortir ce titre de ma PAL pour le classique du Mois belge. Je ne sais pas pourquoi il a été réédité par Folio dans sa collection Policier parce qu’il n’y a ici absolument aucun élément de polar, sauf une mort violente, qui ne donne pas lieu à une enquête, une accusation portée contre le héros à la fin.

Quoi qu’il en soit, j’ai apprécié ma lecture ; non que je me sois attachée au personnage de Joris Terlinck, le bourgmestre de Furnes, que tous appellent « Baas » (ce qui veut dire « Maître » en flamand), de sa servante aux employés de sa manufacture de cigares en passant par le personnel de l’Hôtel de Ville. Tous ont peur de cet homme froid, distant, insensible, qui s’est construit à la force du poignet et qui engage sa petite ville flamande dans une certaine forme de modernité tout en maintenant des habitudes, des coutumes rigides, d’un autre âge.

Non, si je ne me suis pas attachée à monsieur Terlinck, c’est à cause de (ou grâce à ?) tout l’art de Georges Simenon de construire son portrait et d’observer – aussi froidement qu’est son personnage – comment le suicide d’un de ses employés va le faire évoluer, dans son rapport aux femmes de sa maison, aux femmes liées au mort et aux hommes du conseil communal. A ce moment, force est de reconnaître également la force de la construction de Simenon, qui fait se répondre le début et la fin de son roman, avec ce poids des convenances, de l’apparence, de l’ambition de Joris Terlinck, alors qu’il passe par un tumulte de sentiments inattendus au centre de la narration.

Ce qui renforce le côté glaçant de ce Bourgmestre de Furnes, c’est que son auteur le décrit et l’observe avec beaucoup de distance : on n’est jamais sûr de disposer de toutes les clés pour comprendre les ressorts de sa psychologie. Ce sont les personnages secondaires (saa femme souffreteuse et terrorisée, sa servante, sa fille lourdement handicapée, sa mère méprisante, son adversaire politique, pour ne citer qu’eux) qui, par leur comportement, leurs paroles, permettent de mieux saisir pourquoi Joris Terlinck est devenu ce personnage.

Enfin, si Simenon précise en ouverture que la ville de Furnes n’est qu’un décor, « un motif musical », il faut lui reconnaître un solide travail documentaire sur les us et coutumes flamands et son art de dépendre des ambiances. Cela donne un relief particulier au bourgmestre.

« Pas de ciel. Aucun fond à l’atmosphère, aucune couleur. Rien que de l’eau glacée. Des bonnes femmes troussaient haut leurs jupes et montraient leurs bas attachés par des cordons; des parapluies devenaient flasques et suintaient par-dessous; des visages comme en conserve, ternis maussades, flottaient derrière les rideaux des maisons. »

« C’ était la seconde fois qu’il tombait en panne en revenant d’Ostende à Furnes. Il faisait noir depuis longtemps. D’un côté de la route, les villas fermées pour l’hiver étaient tapies dans les dunes. De l’autre, au-delà d’un premier plan de sable et de grandes herbes rêches, le noir, plus vivant qu’ailleurs, qui exhalait comme une respiration fraîche et humide, c’était la mer et la lueur à l’horizon celle du bateau-phare. »

Georges SIMENON, Le bourgmestre de Furnes, Folio policier, 2000 (Première parution chez Gallimard en 1940)

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