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Mahmoud Soumare : Les marcheurs de Bougreville - Tome 1

Par Gangoueus @lareus

Mahmoud Soumare : Les marcheurs de Bougreville - Tome 1

Mahmoud Soumaré

Ben Okri. Jean-Marie Adiaffi. En terminant le premier tome de la série Les marcheurs de Bougreville de l’Ivoirien Mahmoud Soumaré, je pense à ces deux auteurs. Qui les a lus, se rappelle le développement d'univers oniriques, des constructions complexes ancrées dans une philosophie et des croyances magico-religieuses africaines. Je peux dire que Soumaré s’inscrit dans cette forme d’écriture même si la spiritualité qui imprègne ses romans se fonde plus sur l’Islam et ses pratiques dans l’aire sahélienne…
Et je dois reconnaître qu’il n’est pas aisé de vous écrire ce papier… En fait, je voulais dire ce billet électronique. Parce qu’il est très difficile de suivre le propos de Soumaré qui introduit le roman avec des personnages étonnants et des descriptions qui feraient penser à l’héroïc-fantasy. Un bougre qui marche revient après un périple digne des péripéties du Seigneur de l’Anneau, avec une communauté de nains dans sa ville. Il y instaure une démocratie où une seule personne daigne se présenter pour voter pour lui. Etrange n’est-ce pas ? Koungourou, le Nain, auteur de cette révolution est l’ami de Makane. Ce dernier est le fil conducteur de ce roman, le personnage témoin. Conteur, griot en formation il narre l’univers des figures exceptionnelles qui l’entourent. Il conte aussi une société en mouvement. Un monde où les handicapés, les aveugles usent de malice pour se faire une place au soleil et tente de peser dans la communauté.
Le lecteur distrait se perdra dans certaines descriptions ou, encore, à la relecture de certains personnages. Un peu comme ceux qui reprochent à Garcia Marquez son réalisme magique et la pléthore de personnages dans son chef d’œuvre Cent ans de solitude. Le travail sur chaque personnage nous est offert par un regard très précis du romancier ivoirien.
Il porte une critique - au détour d’une description - sur cette Afrique immatérielle que vante les hauts parleurs du continent, j’ai nommé les griots :
« Il ne manque pas aussi de lancer des pics face aux faillites de l’histoire. A propos de Kankan Moussa, empereur du Manding, il dit : Cet empereur qui a bien vu des monuments et des édifices en pierre lors de son périple, mais qui, à son retour, n’a su rien faire de la pierre des collines jonchant ses territoires. Les griots, eux, continuaient de chanter l’Empire n’ayant laissé aucune trace physique de sa grandeur d’antan »

Mahmoud Soumare : Les marcheurs de Bougreville - Tome 1
Il déconstruit certaines solidarités quand il revient aux sacrifices humains perpétrés sur des albinos et des rouquins avec l’intelligente référence à l’Europe, renvoyant dos-à-dos l’Occident et l’Afrique dans leurs immondes forfaitures et traitements des marginaux. Mais, ce que je retiens de ce tome, c’est à la fois la subtilité du propos de Mahmoud Soumaré qui donne du coup beaucoup d’épaisseur à son discours et surtout lui offre une audience plus large. Car, entre les lignes, on reconnaît des maux liés à la Côte d’Ivoire. Cet ouvrage est aussi un questionnement sur la foi. Ici la foi musulmane, l’au-delà, le moyen d’y parvenir pour le père de Makane. C’est donc un livre très tranquille, très apaisé que propose Mahmoud Soumaré. Je suis conscient que ces deux qualifications n’ont pas beaucoup de sens. Mais, c’est pourtant l’effet que donne ce roman. Makane a sa propre quête. Dans ces mouvements multiples, ces trajectoires diverses, il a sa quête personnelle… Mais je m’arrête là. Ce roman a une structure complexe et il est développé dans une écriture accessible et particulièrement maîtrisée. Le second volet de la série est prometteur. Que va-t-il advenir du marcheur de Bougreville qu’est Makane ?
Un dernier extrait pour la route 
Parole d’un moine-soufi :
Il aimait le vent en ce qu’il peut apporter.
Il aimait le vent en ce qu’il peut emporter.
Il aimait le vent en ce qu’il peut changer.
Il rendait si souvent grâce au vent.
 A suivre.
Nous aurons une table ronde avec Mahmoud Soumaré et son éditeur Dominique Boiré (Editions Classiques ivoiriens) au Salon Africain du livre de Genève, le jeudi 28 Avril 2016 à 11h15-12h.
Mahmoud SoumaréLES MARCHEURS DE BOUGREVILLE T1
Editions Les Classiques ivoiriens, 2014

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