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The A word (2016): un diagnostic qui fait mal

Publié le 12 avril 2016 par Jfcd @enseriestv

The A Word est une nouvelle minisérie de six épisodes diffusée sur les ondes de BBC One depuis la fin mars et qui nous amène dans l’univers de la famille Hugues à Lake District alors que Paul (Lee Ingleby) et Alison (Morven Christie) sont en train d’organiser l’anniversaire de leur jeune fils Joe (Max Vento) qui vient d’avoir cinq ans. Entouré de plusieurs autres de son âge, la différence est frappante : le fêté est toujours en retrait, en train d’écouter de la musique sur ses écouteurs et semble absent lorsqu’on lui adresse la parole. C’est la belle-sœur d’Alison, Nicola (Vinette Robinson) qui infirmière de métier ose crever l’abcès et qui propose qu’il aille voir un spécialiste. Après moult tergiversations, Paul et Alison s’y résolvent et le verdict tombe : Joe est autiste. Dès lors, tous doivent faire face à une nouvelle réalité, anticiper le futur tout en restant soudés. Remake de la série israélienne Yellow Pepper, The A Word aborde avec délicatesse et humanité un sujet qui semble encore tabou de nos jours. Et chaque fois que l’on craint que la production se transforme en émission de service public, on réalise qu’en fin de compte c’est concept de la communication qui est au cœur du récit, en paroles ou en chansons, au sujet de Joe, mais aussi de toute la famille.

The A word (2016): un diagnostic qui fait mal

Ce trouble dont on ne peut prononcer le mot

Depuis longtemps, Paul et Alison ne parviennent à communiquer avec leur fils que par la musique. En dehors de cet univers, celui-ci ne semble comprendre qu’à demi ce qui se passe autour de lui et dès qu’ils ont connaissance du premier diagnostic, ils requièrent un second avis. Justement, Nicola connaît un éminent spécialiste, mais elle hésite à le contacter : c’est qu’elle a couché avec lui, ce qui a failli détruire sa relation avec son mari Eddie (Greg McHugh) et le couple est justement venu s’installer à Lake District dans le but de tourner la page. De toute façon, Joe est bel et bien autiste et dans un premier temps, Alison décide de privilégier l’enseignement à domicile, loin des railleries des autres enfants. Elle établit un horaire, des matières, force « affectueusement » la main de ses amis et même de son père, Maurice (Christopher Eccleston). Entretemps, Joe ne fait aucun progrès jusqu’à l’arrivée de Maggie White (Lisa Millett), une orthophoniste hors pair, mais celle-ci qui a eu un différend avec Alison remontant à l’adolescence refuse de s’occuper du jeunot à temps plein. Les tensions montent au sein de la famille et l’une des victimes collatérales est Rebecca (Molly Wright), la fille aînée du couple, en pleine crise d’adolescence.

Bien que le sujet ne soit pas tabou, l’autisme est très rarement dépeint dans les séries à la télévision et comme c’est habituellement le cas avec des « premières », on a souvent tendance à privilégier un volet éducatif, presque moralisateur au profit du divertissement, mais c’est mal connaître le département fiction de la BBC.  Lorsqu’au printemps 2015 elle s’est penchée avec The C Word sur le cancer du sein, c’est davantage le portrait d’une femme (Lisa Lynch, ayant réellement existée) pleine de positivisme et inspirante qui primait sur les détails concernant les symptômes et étapes de la maladie.

The A word (2016): un diagnostic qui fait mal

Avec The A Word (décidément, la chaîne pourrait passer par tout l’alphabet), Joe est au centre des préoccupations de tout son entourage, mais on le voit très peu en fait. Lorsque le premier docteur l’examine, ce qui lui saute en premier aux yeux sont ses problèmes à communiquer et d’autres en lien avec le traitement de ses émotions : ces deux « symptômes » constituent le cœur de la série puisqu’ils s’appliquent avec une variante aux parents et à l’entourage proche de Joe, mis plus tard en lumière par Maggie. Alison l’a intimidée lorsqu’elles étaient adolescentes et plus que quiconque elle redoute que l’âge avançant, d’autres fassent de même envers son fils et préfère le « cacher ». De son côté, Paul est pris entre son désir d’inscrire Joe dans une école spécialisée pour autistes et de satisfaire son épouse qui veut le garder auprès d’eux, ce qui à la longue commence à provoquer des tensions. Rebecca souffre aussi de cette ambiance d’autant plus qu’elle ne semble plus exister depuis que le diagnostic est tombé. Chez les Scott, le couple ne va pas vraiment mieux puisqu’Eddie a beau avoir pardonné Nicola pour son adultère, il ne lui fait plus tout à fait confiance et quant à Maurice, il semble prendre tout à la légère, probablement par peur de regarder la vérité en face.

The A word (2016): un diagnostic qui fait mal

De la musique pour l’âme

Chaque épisode débute avec Joe, se promenant seul dans les environs en train de fredonner des chansons dont il connaît les paroles par cœur, en plus de connaître son ou ses interprètes et leurs dates de création. Pour lui, la musique est à la fois un exutoire et une thérapie. Exutoire parce que dès que les choses vont mal, il enfile ses écouteurs, brisant par là toute communication et n’ayant plus à essayer de comprendre ce que l’on attend de lui. Le fait qu’il chante à tue-tête « World Shut Your Mouth » de Julian Cope lorsque ça va au plus mal chez les Hughes, ou plus tard « Another Planet » nous traduit assez clairement son état d’esprit. À l’opposé, c’est par la musique que s’effectue une certaine forme de communication entre lui et ses proches, notamment lorsqu’on entend « Don’t You Want Me » de The Human League ou encore « Where Were You » des Mekons. Ces choix musicaux guident aussi le téléspectateur sur l’ambiance qui règne au sein du clan, tout en nous laissant entrer, autant que possible, dans le monde de ce petit gamin de cinq ans…

Le premier épisode de The A Word a attiré 4,7 millions de téléspectateurs en direct et 5,9 en incluant les enregistrements, ce qui ne représente pas moins de 23% des parts de marchés. Mais au-delà de ces chiffres, c’est la réaction du public qui est la plus touchante. Sa diffusion a entraîné moult reportages et témoignages personnels et tous s’accordent sur le fait que BBC a su dépeindre avec brio la situation pour le moins éprouvante que vivent plusieurs familles, tout en démystifiant ce trouble. Quant à la série, son périple ne fait que commencer puisqu’elle sera bientôt disponible aux États-Unis, Sundance Channel ayant acquis les droits de diffusion.


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