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Arnaud Cohen : les vertiges de l’entropie

Publié le 15 avril 2016 par Pantalaskas @chapeau_noir

Voilà maintenant presque une vingtaine d'année qu' Arnaud Cohen s'est engagé dans une aventure artistique qui n'appartient qu'à lui quand bien même il se nourrit de la découverte des autres notamment en procédant par collages, mais une aventure à la poursuite de quoi ? Il y a moins d'un an, c'est au musée et au Palais Synodal de Sens que cette démarche trouvait un premier aboutissement spectaculaire avec « Rémission + Rétrospection ».

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Sisyphus is a woman (Play it again Pam reloaded) - DO DISTURB, Palais de Tokyo - 8, 9 et 10 avril 2016

"Do Disturb"

Aujourd'hui une actualité à forte visibilité conforte sa présence sur la scène artistique et donne l'occasion de porter un "regard augmenté" grâce à cette mise en perspective des vingt dernières années.
Car si chaque œuvre, pour se laisser découvrir, suppose que l'on prenne le temps de l'information et de la réflexion, la trajectoire que dessinent les différentes propositions au fil du temps se révèle chaque jour plus affirmée, laissant dans la mémoire une trace plus forte.
Quand son "Radeau de la Méduse " (2009)  faisait dériver l’œuvre de Géricault sur l'océan de la surconsommation, nous étions déjà sur la voie de cette mise en scène de l'entropie.
Assurément sa façon d'aborder les mythes témoigne de cette faculté iconoclaste à faire éclater en morceaux les images références de notre culture qu'il s'agisse de Bacchus, du Centaure ou Saint Sebastian aussi bien que Marianne, Maginot et Voltaire comme il le montrait brillamment à Sens. De même que dans sa présentation remarquée au "Do Disturb" du Palais de Tokyo à Paris il y a une semaine, le mythe de Sisyphe épuisait à la fois son symbole, l'image contemporaine de cette Pamela Anderson de pacotille... et les figurants auxquels il avait prudemment délégué l'exercice de sa propre performance. Sisyphe remontant sans cesse  le rocher en haut de la montagne ignorait que la montagne elle aussi subit un système entropique et qu'elle tend à s'aplanir pour un jour disparaître.

"Hunting Season"

Hunting cabane

"Hunting Season" Arnaud Cohen 2016

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"Hunting Season" (détail) Arnaud Cohen 2016

Aujourd'hui  quelque chose d'autre se passe au 45 rue des Tournelles à Paris où Arnaud Cohen révèle cette "Hunting Season" qui mérite qu'on s'y attache. Il faut décrypter l'énigme devant laquelle l'artiste nous place. Cet abri de fortune(s), composé de volets intérieurs du XVIIIème siècle provenant d’un ancien hôtel particulier parisien, que protège-t-il du cataclysme incendiaire dont il a été l'objet ?  "Rien" répond l'irradiante lumière bleue à l'intérieur de cette cache illusoire. Mais ce "Rien" s'ancre dans l'Histoire. "Ce Rien, calligraphié ainsi, est d’abord la reproduction agrandie de ce que Louis XVI inscrivit sur son carnet de chasse le 14 juillet 1789."
Là encore un monde s'effondre et Louis XVI ne sait pas que ce Rien signe la mort de son règne et le sort qui l'attend derrière le délabrement de ces volets aristocratiques calcinés.
Ramené à l'époque contemporaine, le regard critique d'Arnaud Cohen n'en finit pas de débusquer toutes les formes de l'entropie qui menacent le genre humain : entropie écologique avec la destruction progressive des éléments naturels sous l'assaut de la société post-industrielle, entropie culturelle avec la déliquescence des références de notre civilisation, entropie politique avec les idéologies réactionnaires et fascisantes qui tirent vers le néant les valeurs institutionnelles et sociétales.
Ce descriptif sombre semble ne laisser guère de place à l'espoir et le siècle que nous prédit Arnaud Cohen ne s'annonce pas comme le siècle des lumières. Il faudra suivre attentivement ses réalisations futures pour évaluer si ce qu'il nous propose annonce la fin inexorable de l'humanité ou, au contraire, si son travail participe d'une thérapie susceptible de combattre ces vertiges de l'entropie.

Photo Do Disturb  sur "Toute la culture"

"Hunting Season"
  Arnaud Cohen

Curatrice : Elisabeth Kepler

Du 31 mars au 23 avril 2016
De 14 h 30 à 19 h
45 rue des Tournelles
75003 Paris


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