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Vox populi, vox Dei

Publié le 20 avril 2016 par Nicolas007bis

Quasimodo Le mouvement « Nuit debout », comme l’appel à une « primaire citoyenne » marquent une volonté nette de contourner la classe politique de plus en plus déconsidérée. Au mieux elle est perçue comme déconnectée des préoccupations du Peuple au pire comme une élite qui ne cherche qu’à renforcer son propre pouvoir au détriment des Français.

Ce sentiment est très répandu, largement entretenu par tous ceux qui n’attendent qu’une chose virer cette « élite » et… prendre sa place.

Combien de fois n’a-t-on pas entendu, au détour d’un micro trottoir ou d’une interview journalistique et populaire, le Peuple être opposé aux élites dont les élus constituent la première ligne, dans une espèce de ségrégation quasi naturelle.
Récemment ce fut une interviewée qui se déclarait satisfaite qu’Emmanuel Macron vienne enfin rencontrer le « Peuple » lors d’une réunion dans je ne sais plus quelle ville de province.
Ça a été également François Hollande qui a pu échanger avec « les Français » au cours de « dialogues citoyens » !
Dans la même veine, la nécessité de rester au plus près de la réalité de leurs électeurs, permet aux députés de justifier leur absentéisme à l’Assemblée.
Sans oublier les habituels discours contestataires des extrêmes de droite comme de gauche consistant à légitimer tout mouvement de protestation comme étant « la voix du Peuple » !

Stop !

Non, les quelques centaines de personnes qui campent Place de la république ce n’est pas « le Peuple » !
Non, les milliers de manifestants contre Loi travail, ce n’est pas « le Peuple » !
Non, les quelques quémandeurs qui franchissent le seuil de la permanence des députés, ce n’est pas « le peuple » !
Non, lorsque François Hollande fait ses déplacements en province, il ne va pas à la rencontre du « Peuple » !

Tous ces gens ont parfaitement le droit d’interpeller d’une manière ou d’une autre nos gouvernants (dans la limite du respect dû à chacun), tous ces gens ont le droit d’exprimer leur avis, mais tous ces gens ne sont pas « Le Peuple » et surtout n’engagent pas « le peuple » par leurs actions ou leurs propos.

Un Peuple, c’est une multitude d’individus avec chacun ses préoccupations, ses centres d’intérêt, sa situation professionnelle, ses peurs et ses inquiétudes, ses aspirations et ses envies, sa religion ou son agnosticisme, sa culture, son éducation et son instruction, ses convictions politiques plus ou moins affirmées etc. etc.

Ce n’est pas en répondant au cas individuel de chacun que l’on fait une politique.

Certes, ce qui fait qu’une multitude d’individus constitue un peuple, ce sont des points communs qui les rassemblent dans une même communauté, comme la langue, la nationalité et une adhésion communes à certaines valeurs.
Mais pour gouverner cette multitude, il n’y a pas d’autres solutions que de demander au dit Peuple de désigner ses représentants. Représentants auxquels il va déléguer la responsabilité et le pouvoir de diriger le pays.

Quelle illusion d’imaginer que l’on pourrait se passer d’intermédiaires capables de prendre le recul et la hauteur nécessaires pour appréhender le Peuple dans sa globalité, capable de s’extirper des revendications individuelles ou corporatistes pour considérer l’intérêt général, capables d’aller au-delà de l’émotion immédiate, capables de se projeter dans un avenir un peu moins court-termiste que celui qui nous préoccupe individuellement.

On peut évidemment contester le mode de fonctionnement de notre système politique actuel : faut-il ou non plus de proportionnelle, plus de référendums ou je ne sais quoi encore afin de permettre une meilleure représentation du Peuple. Il faut certainement aussi, rafraichir notre classe politique en favorisant son renouvellement, en interdisant le cumul des mandats, en réduisant le nombre de mandats successifs, en dédommageant correctement ceux qui veulent s’engager etc.

Mais fondamentalement, vouloir remettre en cause notre modèle de démocratie représentative relève soit de la naïveté soit de la volonté d’imposer son propre pouvoir.

Au-delà, cette tendance marque également le nivellement de la parole et de la pensée. La démocratie est perçue comme un système égalitaire ou n’importe qui serait légitime à gouverner c'est-à-dire à imposer ses décisions à la collectivité nationale. Pire encore, le postulat de départ étant que nos gouvernants sont nuls, n’importe qui d’auto-proclamé représentant du peuple ferait nécessairement mieux !

Faire le constat qu’une rupture c’est créée entre les politiques et de nombreux citoyens est une chose, mais au lieu de se demander ce qui en est la cause, on se contente de vouloir faire disparaitre les présumés coupables pour les remplacer par des citoyens qui nécessairement seront d’accord avec eux même.

Il serait pourtant préférable de se poser les bonnes questions et notamment, pourquoi nos représentants élus ont-ils tous échoués sur le chômage, l’endettement public, le logement, l’Éducation Nationale ? Pourquoi, tous sans exception, ont été, à un moment ou à un autre de leurs mandats, rejetés par une grande partie des citoyens ? Pourquoi, les extrêmes de gauche et de droite connaissent t’ils un tel succès malgré l’ineptie de leurs propositions ? … et d’autres encore !

Et ne surtout pas se contenter d'y répondre par de simplistes « tous incompétents » ou « tous pourris », bien commodes pour ne pas avoir à remettre en cause nos propres comportements !


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