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[Critique série] VINYL – Saison 1

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique série] VINYL – Saison 1

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Titre original : Vinyl

Note:

★
★
★
★
½

Origine : États-Unis
Créateurs : Martin Scorsese, Mick Jagger, Terence Winter, Rich Cohen, George Mastras.
Réalisateurs : Martin Scorsese, Allen Coulter, Mark Romanek, S.J. Clarkson, Peter Sollett, Nicole Kassell, Jon S. Baird, Carl Franklin.
Distribution : Bobby Cannavale, Olivia Wilde, Ray Romano, Ato Essandoh, Max Casella, P.J. Byrne, J.C. MacKenzie, Juno Temple, James Jagger…
Genre : Drame
Nombre d’épisodes : 10
Diffusion en France : OCS

Le Pitch :
New York, 1973 : Ritchie Finestra et ses associés se préparent à vendre American Century, leur maison de disques, à un grand groupe. Pourtant, au fond de lui, ce passionné de musique regrette cette décision, persuadé que les difficultés que son entreprise traverse ne devraient pas entraver l’objectif qu’il s’était fixé à ses débuts. Alors qu’il se demande si il ne doit pas faire marche arrière, devant aussi composer avec une vie de famille des plus instables et des addictions diverses et variées, ses amis se débattent pour se faire une place au soleil, à l’image des artistes qui règnent en maîtres sur la scène musicale et de ceux qui essayent de percer à tout prix…

La Critique :
Aux manettes, que du lourd ! Martin Scorsese, le génie responsable des Affranchis, de Casino ou de Taxi Driver et La Valse des Pantins s’est associé avec son ami Mick Jagger, qu’il a souvent mis au centre de ses œuvres les plus emblématiques, via l’utilisation des morceaux des Rolling Stones en tant que surligneurs d’une classe et d’une fougue rock and roll dont il s’est fait le garant. Un duo qui s’est associé à Terence Winter, l’un des hommes derrière Les Soprano, ce qui suffit à prendre la mesure de son importance dans le petit monde de la télévision américaine et plus globalement de son talent. Au casting, c’est tout aussi spectaculaire : Bobby Cannavale, Olivia Wilde, Ray Romano, Juno Temple, que des gueules, des acteurs charismatiques, connus pour leurs choix généralement couillus et pour leur propension à jouer juste.
Une production béton et des comédiens franchement fréquentables réunis pour nous conter la folle histoire de la musique au cœur du New York du début des années 70, alors que le punk explose, que le disco avance petit à petit et que plus généralement, au centre d’une époque caractérisée par son bouillonnement, les remises en question quant au devenir de l’industrie et de l’art contemporain quel que soit sa forme sont nombreuses. Pour résumer, Vinyl vendait du rêve à quiconque s’est un jour intéressé à l’histoire du rock. Le tout était bien sûr de ne pas se vautrer et de mettre les formes pour faire de cette promesse une réalité bien tangible.

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C’est Martin Scorsese lui-même qui a ouvert le bal, comme il a pu le faire au lancement de Boardwalk Empire. Un pilote de presque 2h absolument terrifiant d’énergie et de créativité. Un épisode qui tient d’ailleurs plus du long-métrage que de l’épisode classique, en imposant un spectacle jubilatoire, en forme de déclinaison rock and roll du Loup de Wall Street. On pourra bien sûr lui reprocher de se reposer sur les mêmes automatismes, qu’il a lui-même inventé à ses débuts, notamment avec Mean Streets, qui a imposé une nouvelle dynamique concernant l’utilisation de la musique (qui a oublié l’entrée de Robert De Niro sur le Jumpin’ Jack Flash des Stones?), mais ce serait faire fausse route, tant ici peut-être plus que jamais, la thématique s’y prête. On sent dans la moindre image, que Scorsese est un mélomane convaincu. Un type pour qui le rock, et la musique plus généralement, est davantage qu’un simple loisir. On retrouve la même fougue dans son pilote que dans ses documentaires et toujours cette passion dévorante qui habite chaque plan, en permanence et qui nourrit l’âme d’une œuvre qu’il propulse dès ses balbutiements au firmament. En cela, le pilote de Vinyl s’avère particulièrement dévastateur. Du début à la fin, la maîtrise est parfaite. Pour la première fois dans sa carrière, Scorsese a eu l’occasion de marier ses deux passions au sein d’une fiction. Sa vision de Vinyl possède la rage d’un morceau des New York Dolls et le caractère venimeux d’une ballade viciée des Stones, tout en étant aussi sexy qu’un tube de Marvin Gaye. Le show dégueule le whisky, la bière, la sueur, le sang et les larmes par tous les pores, le tout sur un air de rock and roll utilisé à la perfection.
Avec ce pilote, Scorsese fait plus que poser les bases. Il livre une œuvre qui peut tout à fait s’appréhender indépendamment de ce qui suivra. Et tant pis pour les petites incohérences que seuls les historiens du rock un peu rigides considéreront comme des entraves au génie de l’entreprise, car le résultat global a de la gueule. Il donne le La, potards à fond, écume aux lèvres, à l’image d’une ultime séquence d’ores et déjà inscrite dans la légende du poste.

Avec un tel commencement, il était presque prévisible que la suite serait forcément moins remarquable. Quand on a un génie qui met la barre si haut, c’est à la fois un bien et un mal. Mais la bonne nouvelle, dans le cas présent, c’est que les réalisateurs qui ont la lourde tâche de succéder à Scorsese, ne se démontent pas et foncent dans le tas avec la même énergie, exploitant les codes imposés par le chef de la troupe. On retrouve ainsi dans tous les épisodes ces petits intermèdes musicaux durant lesquels des rock star (incarnées par des sosies plus ou moins convaincants, mais la plupart du temps, très bons) reprennent des standards du rock, du blues et de toutes les musiques dont il est question dans la série. Les mouvements de caméra sont aussi inspirés de ceux de Scorsese, histoire de conserver une belle cohérence, même si certains réalisateurs prennent plus de libertés que d’autres, à l’image de Mark Romanek, dont la présence ici apparaît avec une jolie évidence, lui qui a longtemps officié dans le clip vidéo avant de faire son entrée remarquée au cinéma avec des films comme Photo Obsession.
Prenant pied au sein d’un New York vintage parfaitement reconstitué, la série déroule une histoire simple mais très efficace. Tout s’articule autour d’un seul personnage, à savoir Ritchie Finestra, alias l’excellent Bobby Cannavale. Comme Tony Soprano dans Les Soprano, la série fait la part belle à son pivot mais sait aussi s’intéresser à celles et ceux qui gravitent autour, qu’il soit de sa famille ou plus éloignés. Sous nos yeux, l’effervescence d’une maison de disques confrontée à de graves problèmes, alors qu’en arrière plan les tubes s’enchaînent, illustrant souvent les thématiques soulevées. Vinyl est un festin de connaisseurs. Une sorte de gigantesque et généreux best-of, dont l’impact frappe dès le riff du générique composé par Sturgill Simpson. Comme dans Le Loup de Wall Street, les bureaux d’American Century sont le théâtre d’outrances justifiées ici par l’époque et par le contexte. Encore une fois, tous les éléments immédiatement reconnaissables d’une création estampillée Scorsese sont là : la drogue, le sexe, le langage, la classe, toujours, et cet humour distillé avec goût. On entre dans ce monde pour en ressortir rincé. La frénésie est totale et si, effectivement, certains passages dénotent d’une faculté à un peu se reposer sur des mécanismes pas toujours sublimés, on ne peut que saluer la faculté de la série à étonner par sa propension à ne jamais faire du surplace. Notamment grâce à une écriture au cordeau, qui s’alimente de la musique et qui se voit relayée par des acteurs visiblement ravis de participer à l’aventure.

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Bobby Cannavale en premier lieu, lui qui rêvait de collaborer avec Scorsese, impose une performance justement excessive, qui sait aussi mettre en évidence les nombreuses failles de son personnage. À lui seul Cannavale galvanise. Tout comme Olivia Wilde, qui incarne une idée en somme toute parfaite de l’idéal féminin de l’époque, en pleine révolution pop art. Une actrice qui évolue dans la tempête sur les notes du Velvet Underground, garante d’une fascination exercée sur les plus grands du New York des années 60/70, Andy Warhol en tête. Juno Temple quant à elle, joue du côté des punks. De cette scène alors en pleine révolution, meneuse, avec James Jagger, le digne fil de son père, d’un des principaux arcs narratifs de la saison. Un arc centré sur les Nasty Bits, l’un des groupes fictifs, inscrits aux côtés des vraies légendes, par ailleurs représentées par des apparitions d’Alice Cooper, Led Zeppelin, ou David Bowie (mention à ce dernier, à qui la série rend vraiment justice, tout en dessinant un hommage vibrant). Juno Temple et James Jagger qui forment par ailleurs avec Bobby Cannavale et Olivia Wilde, les deux couples clés du show.
Il est aussi important de parler de Ray Romano. Figure de la télévision des années 90, grâce à sa sitcom Tout le monde aime Raymond, l’acteur effectue un spectaculaire come back sur le devant de la scène dans un rôle torturé auquel il insuffle une noirceur et une mélancolie palpables parfaitement à propos. C’est ni plus ni moins l’une des forces vives de la série, même si dans le cas présent, personne ne démérite et tout le monde est à sa place.

Gigantesque barnum insolent et tapageur, Vinyl, à l’image de beaucoup de géants, pêche aussi malheureusement par un appétit un peu trop vorace. Peut-être dans un soucis de couvrir véritablement un pan d’Histoire le plus large et exhaustif possible, cette première saison place ses personnages à la source de tous les éléments incontournables de l’époque. Les personnages d’Olivia Wilde et Bobby Cannavale par exemple, font connaissance à la Factory d’Andy Warhol, pendant un concert du Velvet Underground. On nous suggère aussi que l’assistante jouée par Juno Temple a créé une bonne partie de l’imagerie punk après une partie de jambes en l’air, avant de replacer l’intrigue le temps de quelques scènes au centre d’une dynamique disco, afin d’illustrer l’exposition du mouvement. Pensez à la musique, à New York, dans les années 70. Pensez à toutes les stars de l’époque et à tous les lieux emblématiques comme le Chelsea Hotel, la Factory ou même le CBGB et vous pouvez être sûr qu’ils auront une place dans Vinyl. Une propension à l’appropriation qui vire parfois un peu au révisionnisme, lisible également dans la faculté de la série d’aborder plusieurs genres de musique, quitte à ce que ces derniers soient radicalement opposés. Un dernier point néanmoins plus ou moins compréhensible si on considère qu’une maison de disques comme celle du show se doit de ne pas écarter de genres musicaux pour espérer être rentable.
Mais tout de même, si il fallait montrer du doigt la faiblesse principale de cette première saison, ce serait sans aucun doute celle-là. C’est quand Vinyl veut à tout prix faire le trait d’union entre les épisodes marquants de l’histoire de la musique, en ralliant à sa cause le plus d’intervenants possible, qu’elles s’avère la moins convaincante, au vue de l’authenticité de son discours.
Cela dit, d’une certaine façon, une telle démarche profite au moins aux personnages, comme ce fameux épisode qui voit Bobby Cannavale et Ray Romano se frotter au King Elvis lui-même. Un des meilleurs de cette saison d’ailleurs, touchant à plus d’un titre.

Sorte de croisement hyper charismatique et consistant entre Le Loup de Wall Street et Good Morning England, Vinyl a réussi son entrée. Les passages d’anthologie sont nombreux et in fine, les raisons de se réjouir le sont tout autant. On espère seulement qu’avec le départ de Terence Winter, la saison 2 saura maintenir le cap. Cette première saison n’a-t-elle pas brûlé un peu trop d’étapes, afin de nous en mettre plein la vue ? La réponse à cette question, qui viendra plus tard, sera déterminante quant à l’avenir du show. Reste donc ce pilote monstrueusement génial et ces 9 épisodes. Cette addiction, instaurée dès le début, comme cette audace dans la mise en image et ce goût, en permanence caractérisé par l’application avec laquelle la musique et les images s’unissent. Reste cette fresque sexy en diable, rock and roll et funky. Cette ode à la musique et à ceux qui l’a font, sur scène, dans l’ombre, partout où les notes pénètrent les psychés et participent à l’évolution d’un monde ici croqué pour le meilleur, dans toute sa splendeur, parfois cradingue, parfois réjouissante, mais toujours furieusement stimulante.

@ Gilles Rolland

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  Crédits photos : HBO/OCS


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