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Marcella (2016) : les poupées russes

Publié le 27 avril 2016 par Jfcd @enseriestv

Marcella est une nouvelle série de 8 épisodes diffusée depuis le début avril sur les ondes d’ITV en Angleterre. Le titre fait évidemment référence au personnage principal (interprété par Anna Friel), une détective dans la trentaine qui reprend du boulot après une pause de plusieurs années à s’occuper de ses enfants.  C’est que son équipe doit gérer une série de meurtres grotesques et comme si ce retour à la vie active n’était déjà pas assez éprouvant, voilà que son mari Jason (Nicholas Pinnock), un conseiller juridique auprès d’une compagnie de construction lui annonce qu’il ne l’aime plus. Série policière que certains ont comparé au courant « nordique noir » qui fait en ce moment l’admiration des Européens, Marcella nous arrive avec un pilote accrocheur, mais à mesure que les épisodes s’enchaînent, ce qui faisait son originalité finit par se retourner contre elle et on se demande si à trop bouleverser les codes du policier, on ne serait pas en train de tomber dans le ridicule.

Marcella (2016) : les poupées russes

Un suspect n’attend pas l’autre

Dès le départ, on imagine que l’on aura affaire à une sorte de compte à rebours rapide puisque l’on voit Marcella dans son bain, visiblement ébranlée et le visage ensanglanté. Puis le plan suivant nous amène « 12 jours plus tôt », soit, lorsqu’une victime est retrouvée des mois après avoir été tuée : celle-ci est morte asphyxiée, la tête dans un sac en plastique et les pieds et poings liés. C’est exactement dans cette position qu’avaient été retrouvés deux cadavres 11 ans plus tôt. À l’époque, Marcella qui menait l’enquête soupçonnait Peter Cullen (Ian Puleston Davies), un boulanger introverti et accro aux sites de rencontre. Bien qu’elle n’ait jamais pu l’accuser, elle continue toujours de le cuisiner au point où ses supérieurs se sont vus obligés de mettre le holà, faute de preuves solides. Côté vie personnelle, un autre coup dur s’abat sur elle lorsqu’elle apprend que Jason a une maîtresse… que ça durait depuis trois ans… et qu’elle est en enceinte. Il s’agit de Grace Gibson (Maeve Dermody), une jeune femme d’affaires aux rênes de la compagnie où il travaille. Coup de malchance (?), Marcella va un soir la confronter et le lendemain, les Gibson qui sont sans nouvelles d’elles, contactent la police et quelques jours plus tard, elle est retrouvée morte, étouffée de la même manière que les autres.

Marcella (2016) : les poupées russes

La pilote de Marcella réunit tous les ingrédients gagnants : un cliffhanger à la première scène pour attiser notre curiosité, une poignée de suspects sans rapports apparents entre eux et des membres de l’équipe de police qui cachent plusieurs secrets. Normalement, suivant la lignée de grandes séries telles que Broadchurch ou The Missing, les suspects devraient être éliminés les uns après les autres par les détectives  et l’étau se resserrer sur les restants, mais ici c’est le contraire qui arrive. Au départ, notre attention se porte sur Peter, son patron Guy Roberts (Robert Whitelock) et Henry Gibson (Harry Lloyd), le beau-frère de Grace mésestimé par ses parents. Puis, entrent en scène au cours des deux épisodes suivants Cara (Florence Pugh), une prostituée qui vole les hommes et femmes avec qui elle couche et  un adolescent qui est tombé amoureux d’elle. S’ajoutent Yann (Tobbias Santelmann), qui fait preuve d’une insensibilité étonnante et son petit ami Matthew (Ben Cura)… qui ne semble pas insensible aux charmes d’Henry. Et que dire de Jason? Peut-être ne voulait-il pas être père ou avait un autre motif caché?

Comme si ce n’était pas assez, la liste continue de s’allonger au troisième épisode avec d’autres illustres inconnus. Étant rendu presque à la mi-saison, il est frustrant d’en être encore au stade de soupçonner tout le monde à cause d’un mouvement de caméra suspect ou d’une phrase qui pourrait en apparence paraître anodine. L’autre problème est qu’il nous est impossible de faire un lien entre les victimes que d’ailleurs nous ne connaissons pas ou peu, donc aucune sympathie à leur égard. Il y a 11 ans, il s’agissait de femmes, mais dans le présent, il y a des hommes aussi et quant à Cara, elle ne subit pas la même mort que les autres par asphyxie, mais renversée par une voiture… À moins qu’il s’agisse d’un autre tueur pour une autre raison? Bref, la tête nous tourne un peu trop.

Marcella (2016) : les poupées russes

Marcella

Autre aspect qui détonne est le personnage principal qui nous laisse dubitatif à plusieurs égards. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une détective hors pair puisqu’elle n’a qu’à annoncer son retour pour que l’équipe l’accueille à bras ouverts. Et bien qu’au premier plan, on ait tendance à la considérer comme étant une victime, rien n’est moins sûr. D’abord, elle est incapable de maîtriser sa colère si bien que lorsque son mari lui annonce qu’il la laisse, elle le frappe, le pousse en bas des escaliers et lance sa valise à l’extérieur. Plus tard, c’est une poubelle dans une toilette publique qui en paie les frais.

Ces frustrations sont d’autant plus problématiques qu’elle pourrait bien devenir suspecte elle-même : elle est allée voir Grace, mais ce n’est que le lendemain qu’elle se souvient de s’en être prise à elle physiquement… au point de l’avoir tuée? L’histoire ne nous le dit pas, mais toujours est-il qu’elle dissimule des images d’elle captées par une caméra de surveillance devant la résidence de la victime et que c’est elle qui retrouve son cadavre enterré dans les bois. Autant il est rare qu’on puisse fortement soupçonner un détective (qui plus est, le personnage principal) dans ce genre de récit, autant il faudrait tout un tour de force d’un point de vue scénaristique afin que cela s’avère crédible. On sait à cause d’un flashback que Marcella a eu une altercation avec Grace, mais dans le montage, il y a une espèce de bruit sourd; métaphore d’un blackout dont elle aurait été victime? Après tout, on retrouve le même son lorsque sa rage éclate après que Jason lui ait annoncé qu’il la quitte. Marcella serait donc en proie à des pannes de cerveau sélectives à la Norman Bates? Autre théorie : elle aurait bel et bien tué Grace et travesti le meurtre pour que l’on suspecte le fameux tueur en série, intrigue que l’on a retrouvée récemment dans la saison 2 de l’excellent Happy Valley. Finalement, on n’est pas plus avancé et aussi bien l’avouer, ces deux scénarios en fin de compte frisent le ridicule.

Pour le moment, 5,8 millions de téléspectateurs ont été attirés par le pilote de Marcella alors qu’en deuxième semaine, la fiction ne perdait que 500 000 d’entre eux. Malgré une baisse significative au troisième épisode, à 4,4 millions, ITV dépassait encore une fois la compétition dans la case du lundi 9 h avec plus de 20 % de parts de marché. Souhaitons aux plus patients une finale cohérente et pour les curieux dans le monde, Netflix a acheté les droits : justement, l’écoute en rafale serait une meilleure option.


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