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Bob Siné tire sa révérence

Publié le 06 mai 2016 par Savatier

siné1Voilà qui ressemble bien à ce malfaisant d’élite qu’était Bob Siné d’avoir choisi le premier jour de vrai beau temps du printemps qui tarde à percer pour tirer sa révérence ! Histoire, peut-être, de ruiner le plaisir que nous prenions à savourer les rayons du soleil. A moins - cela lui siérait davantage - qu’il ne se soit dit que disparaître le jour de l’Ascension était l’ultime pied de nez qu’il pouvait diriger contre une religion qu’il caricaturait avec férocité.

Maurice Sinet, Siné pour ses admirateurs, Bob pour ses amis, était un personnage clivant, un vieil anar qui, dès le début de sa carrière de dessinateur, sut s’attirer l’ire des bien-pensants. Rien n’arrêtait son crayon dans le registre iconoclaste et vachard. Chacun de ses dessin produisait l’effet d’une bombe qui visait non seulement les institutions (l’Armée, les religions, la Police...), mais aussi tous ceux dont il n’est jamais de bon ton de se moquer, même au second ou au troisième degré, notamment les handicapés.

Digne héritier de L’Assiette au beurre, cet hédoniste faussement mal embouché ne trempait jamais sa plume dans l’encre, mais dans le vitriol. C’est la raison pour laquelle il passa presque autant de temps sur les bancs des prétoires que dans les salles de rédaction. Ses interventions tonitruantes à la télévision (dans Droit de réponse de Michel Polac) suscitaient pareillement la polémique. Même ses amitiés le rendaient inclassable, puisqu’il fréquenta aussi bien Boris Vian, Jacques Prévert et Léonor Fini que Jacques Vergès.

Son éviction de Charlie Hebdo en 2008 tenait de la mauvaise action. Et le procès qui lui fut intenté pour une chronique simplement satirique dans laquelle certains voulurent voir des relents antisémites ne valut guère mieux. Il fut d’ailleurs relaxé de tout chef d’accusation.

Avec Siné, disparaît l’un des symboles d’une liberté d’expression qui refusait le diktat du politiquement correct et ne respectait rien, mais aussi un grand amateur de jazz (il avait proposé en 1997 un coffret de 36 titres parmi ses préférés, illustré d’une lithographie originale et intitulé Vive le jazz) et un passionné des chats. Ses variations sur les petits félins que Théophile Gautier nommait « les tigres des pauvres diables » avaient été à l’origine de sa popularité.

Siné

Ceux qui l’aimaient resteront sans doute médusés par la chronique qu’il avait publiée mardi dernier, dans laquelle il évoquait sa maladie et l’opération qu’il devait subir le lendemain :

« Ça m’énerve grave. Depuis quelque temps, vous avez dû remarquer que je ne nageais pas dans une joie de vivre dionysiaque ni dans un optimisme à tous crins, ce qui est pourtant mon penchant habituel. Je ne pense, depuis quelque temps, qu’à ma disparition prochaine, sinon imminente, et sens la mort qui rôde et fouine sans arrêt autour de moi comme un cochon truffier. Mon moral, d’habitude d’acier, ressemble le plus souvent maintenant à du mou de veau !

C’est horriblement chiant de ne penser obsessionnellement qu’à sa mort qui approche, à ses futures obsèques et au chagrin de ses proches ! Je pense aussi à tous les enculés qui vont se frotter les mains et ça m’énerve grave de crever avant eux !

Heureusement que vous êtes là, admirateurs inconditionnels, adulateurs forcenés… vous ne pouvez pas savoir comme vos messages me font du bien, un vrai baume miraculeux ! Et banzaï malgré tout !

PS : Puisqu’une fois évacuée, la flotte continue d’envahir mon poumon, après maints revirements et changements de cap, l’opération est finalement programmée pour aujourd’hui, mercredi. Alea jacta est, comme dirait ce connard de César ! Je n’en mène pas trop large, je vous l’avoue et je serre les fesses comme un pressoir à olives pour évacuer le stress ! »

Salut, l’artiste...


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