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Votre électricité bientôt hors de prix à cause du nucléaire ?

Publié le 08 mai 2016 par Blanchemanche
#Nucléaire

Publié le 06/05/2016 © Capital


 L'EPR de Flamanville dont la mise en service est prévue pour 2018. © Laurent GRANDGUILLOT/REA
L'EPR de Flamanville dont la mise en service est prévue pour 2018. © Laurent GRANDGUILLOT/REA

Prolongement des centrales, nouvelle génération de réacteurs, enfouissement des déchets... Les grands chantiers qui s'imposent à notre atome civil pourraient remettre en cause la croyance très française en une énergie bon marché.


Du jamais-vu ! La démission surprise de Thomas Piquemal, directeur financier d'EDF, début mars, a fait l'effet d'une bombe. On savait EDF fragilisé par une dette de 37 milliards d'euros et une rentabilité divisée par trois en cinq ans. La valeur du groupe avait ainsi chuté de 90%, provoquant son humiliante sortie du CAC 40, fin 2015. Et voilà qu'un de ses principaux managers jetait l'éponge. Motif invoqué : sa réticence à lancer le mégachantier de la centrale de Hinkley Point, en Grande-Bretagne, estimé à 23,5 milliards d'euros, somme colossale dont EDF doit financer les deux tiers.Ce départ, vécu comme une trahison par le P-DG, Jean-Bernard Lévy, et par l'Etat actionnaire, pas mis au courant, aura eu le mérite de porter sur la place publique les enjeux majeurs que doit surmonter le nucléaire français. Les difficultés financières de notre électricien en sont la manifestation saillante. EDF voit en effet se dresser devant lui un mur d'investissements, apparemment insurmontable, qui pourrait approcher les 100 milliards d'euros d'ici à 2030. Au-delà, c'est notre choix du (presque) tout nucléaire qui est remis en cause. S'agit-il encore d'une technologie d'avenir ? En maîtrise-t-on les coûts ? L'éolien et le solaire, de plus en plus compétitifs, ne sont-ils pas des alternatives crédibles ?
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Tous droits réservésJusqu'alors, selon un large consensus en France, le nucléaire offrait un double avantage : l'indépendance énergétique (il fournit encore 75% de notre électricité) et des tarifs abordables. De fait, selon Eurostat, l'électricité facturée aux particuliers reste très bon marché : à la fin 2014, dernière comparaison européenne disponible, on était à 17,50 euros les 100 kWh, contre une moyenne de 22,10 euros dans la zone euro. Par souci électoraliste, les gouvernants ont toujours veillé à ce que ces prix, réglementés, augmentent peu, en dépit des demandes de hausse des P-DG successifs d'EDF. Moyennant quoi, après l'achèvement de la construction de notre parc nucléaire, dans les années 1990, EDF a presque cessé d'investir en France, préférant miser sur des diversifications à l'étranger, pas toujours heureuses, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Italie. "Ce compromis n'est plus tenable, car les coûts de production s'envolent", avertit Cyrille Cormier, porte-parole de Greenpeace. Pour une fois, la Cour des comptes dit la même chose ! Selon ses calculs, le prix de revient de l'électricité nucléaire est déjà passé de 49,50 à 62,60 euros le MWh entre 2010 et 2014, et ce n'est qu'un début. Selon la Cour, ce même coût pourrait grimper autour de 80 euros d'ici à 2030. Conséquence pour les ménages : près de 30% de hausse sur leur facture, selon un chiffrage du Sénat réalisé en 20 12.>> En vidéo : Découvrez comment intervient la contamination radioactive et quelles en sont les conséquences grâce à notre animation.
Et nous voilà revenus aux dépenses colossales qui attendent EDF. Pour notre roi de l'atome, la donne a changé depuis Fukushima. Sous la houlette d'une Autorité de sûreté nucléaire (ASN) de plus en plus exigeante, EDF a dû monter un programme spécifique d'un coût estimé à 150 millions d'euros par réacteur sur dix ans. Il s'agit, entre autres, d'installer des groupes électrogènes et d'alimentation en eau "d'ultime secours" pour se donner de meilleures chances de garder le contrôle du réacteur en cas d'accident. L'ASN a aussi demandé un renforcement des équipements de secours pour faire face aux inondations dans les centrales de bord de mer. EDF a aussi dû constituer une force d'action rapide de 300 personnes, prête à intervenir en cas de situation de crise.Ces mesures post-Fukushima alourdissent la facture du "grand carénage", comme EDF surnomme son opération au long cours de maintenance du parc. Un énorme chantier qui devrait coûter 1,7 milliard d'euros par réacteur d'ici à 2030, selon la Cour des comptes. Ce programme comprend les visites décennales, des mois d'inspection minutieuse des cuves, du circuit primaire et de l'enceinte. Il s'agit aussi de remplacer certains gros composants dont l'exploitation dure de 25 à 35 ans : les générateurs de vapeur, les alternateurs, les transformateurs et autres turbines. "Une fois que les pièces maîtresses sont changées, le réacteur peut techniquement continuer 30 ans de plus, assure Dominique Minière, directeur exécutif du parc nucléaire et thermique d'EDF. D'une certaine façon, ils deviennent plus sûrs qu'avant.">> En vidéo : Comment relever les défis énergétiques et climatiques  de ces prochaines années ?
La question est sur la table : ne serait-il pas logique de prolonger la vie de ces centrales "rajeunies" et de la porter de 40 à 50, voire 60 ans ? Les Américains, qui utilisent la même technologie (réacteur à eau pressurisée), l'ont déjà fait. En février, Ségolène Royal s'est dite «prête à donner son feu vert», nonobstant l'engagement de François Hollande de ramener la part du nucléaire à 50% de la production d'électricité. Le prolongement des réacteurs en activité (56, après la fermeture des deux de Fessenheim) se justifie, car ils sont déjà amortis et pourront sortir un courant à prix compétitif, entre 60 et 80 euros le MWh. Difficile toutefois de faire des pronostics, car les prix de l'énergie n'ont jamais été autant chamboulés qu'aujourd'hui. La chute des prix du pétrole, par effet domino, a entraîné celle du gaz, du charbon et, au final, de l'électricité. Courant février, le prix du marché de gros européen était ainsi descendu à 25 euros le MWh. Bien au-dessous des meilleurs prix d'EDF. "Personne n'avait vu venir cette évolution, reconnaît Dominique Minière. On envisageait plutôt que les prix grimpent sérieusement." Cette chute a été amplifiée par les surcapacités de production en Europe. Les énergies renouvelables, soutenues par un système de subventions, s'y sont développées rapidement - l'éolien représente désormais 11,2% de la consommation électrique du Vieux Continent (42% au Danemark) et le photovoltaïque 3% (plus du double en Allemagne et en Italie).>> En vidéo : Les technologies vertes ont modifié la façon dont nous produisons notre énergie, découvrez les différentes énergies renouvelables grâce à notre animation.
Même si la baisse des prix semble conjoncturelle, elle renforce les interrogations sur la rentabilité des réacteurs de nouvelle génération, les fameux EPR (réacteur pressurisé européen). Tout le monde le sait, construire ces cathédrales de l'atome, plus puissantes (1.650 MW, pour 1.450 MW au maximum jusque-là), plus sûres (résistance à la chute d'un avion, confinement renforcé du cœur du réacteur pour contenir une fusion...) et à la durée de vie plus longue (de 60 à 100 ans), n'est pas une sinécure. Dix ans après son lancement, le chantier de l'EPR finlandais mené par Areva n'est pas achevé. Quant à celui d'EDF à Flamanville (Manche), il accumule déboires et dépassements de devis. L’ASN a même repéré de "très sérieuses" anomalies dans la cuve déjà installée, au point que les "anti" imaginent un arrêt du chantier.L'électricité qui en sortira coûtera dans les 100 euros le MWh, plus du double de ce qu'EDF avait promis voilà une dizaine d'années. Pour ce qui est du projet d'EPR britannique, EDF a obtenu un prix garanti de 92,50 livres le MWh (près de 120 euros) sur 35 années. Aux yeux d'Emmanuel Macron, cette visibilité justifie qu'EDF maintienne son engagement. On pourrait ajouter à l'addition les coûts encore très imprécis du démantèlement des centrales, inéluctable, même si on prolonge leur durée de vie. "On est un peu dans le brouillard, puisque cela n'a jamais été mené à une telle échelle", résume Patrick Darmon, directeur énergie au cabinet Keyrus. Selon EDF, la déconstruction d'un réacteur coûterait entre 200 et 300 millions d'euros. L'électricien a ainsi provisionné 23 milliards d'euros pour l'ensemble de son parc. La Cour des comptes émet des doutes sur ce chiffrage, puisque la Belgique et la Grande-Bretagne, avec leurs parcs plus petits, ont proportionnellement mis plus d'argent de côté. Autre interrogation, le coût final du centre d'enfouissement de Bure (Meuse), destiné à conserver à 500 mètres sous terre les déchets les plus radioactifs, qui, selon les estimations, varie entre 20 et 33 milliards d'euros.Alors, avec tout cela, le nucléaire restera-t-il compétitif par rapport aux énergies renouvelables ? Le match devient toujours plus serré. En dix ans, l'éolien est en effet passé de 100 à 85 euros le MWh. Le prix de cette énergie pourrait encore baisser de 10 à 15% avec des machines de plus grande puissance, jusqu'à 3,5 MW. S'agissant du solaire, la baisse est encore plus spectaculaire : les centrales au sol sont tombées à 85 euros le MWh, contre plus de 300 il y a dix ans. Et les gains de productivité - effondrement des prix des panneaux, optimisation de leur rendement, process d'installation améliorés - pourraient encore être de plus de 20%. Soit en France, pays à ensoleillement correct au sud, 60 euros le MWh.Le caractère intermittent de ces énergies - les éoliennes tournent à plein régime l'équivalent de 20 à 25% du temps, le solaire 12 à 13% implique qu'on ne peut pas tout miser sur elles. Leur part dans le "mix énergétique" français pourrait grimper jusqu'à 20% sans risquer le blackout. On est très loin des 4,3% actuels. Tout le monde travaille sur les solutions de stockage. Pour l'instant, le renouvelable stocké est onéreux. Mais, là encore, les progrès sont spectaculaires. "On est à 250 euros le MWh stocké, dans dix ans sans doute autour de 150", soutient Damien Mathon, secrétaire général du Syndicat des énergies renouvelables. Comme quoi, le presque tout nucléaire n'est plus une certitude absolue.EDF A DEVANT LUI UN MUR D'INVESTISSEMENTS DONT LE FINANCEMENT RESTE INCERTAIN«GRAND CARÉNAGE» : 55 MILLIARDS D'EUROSTel est le coût de maintenance et de mise à niveau technique nécessaire au maintien en activité des réacteurs en service.EPR D'HINKLEY POINT : 15,5 MILLIARDS D'EUROS66% de la construction des deux réacteurs anglais seront à la charge d'EDF, le solde à celle de son associé chinois. Le financement n'est pas bouclé.SAUVETAGE D'AREVA : 1,2 MILLIARD D'EUROSEDF a racheté l'activité réacteur du spécialiste de l'atome, au bord de la faillite à cause de l'EPR finlandais.CHANTIER DE FLAMANVILLE : 1,5 MILLIARD D'EUROSC'est au minimum ce qu'il reste encore à payer sur ce chantier dont le surcoût a été évalué en 2015 à 7 milliards d'euros.ENFOUISSEMENT DES DÉCHETS : 20 MILLIARDS D'EUROSC'est sa part (Areva et le CEA contribuent aussi) au financement du centre de stockage des déchets radioactifs de Bure (Meuse).Eric Wattezhttp://www.capital.fr/enquetes/strategie/votre-electricite-bientot-hors-de-prix-a-cause-du-nucleaire-1125816#

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