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Cent dollars pour un shérif (True grit)

Par Kinopitheque12

Henry Hathaway, 1969 (États-Unis)

Cent dollars pour un shérif (True grit)

L'Arkansas en 1880, la jeune Mattie Ross (Kim Darby) vient de perdre son père assassiné par le vil Tom Chaney (Jeff Corey). Partie à la ville pour régler le nécessaire concernant les obsèques, elle finit par engager le shérif le plus réputé, Rooster Cogburn (John Wayne), pour pourchasser Chaney et obtenir justice. Cependant Cogburn est aussi borgne, ivrogne et bedonnant. John Wayne n'a plus trente ans et la Chevauchée fantastique de Ford (1939) est déjà loin. Il a 62 ans au moment du tournage et le rôle proposé lorgne plutôt vers celui de l'antihéros. Cogburn a bien du cran, sait tirer à la Winchester comme au pistolet (retenons une charge à cheval, à un contre quatre, belle et tonitruante), mais a tout du repoussoir à donzelles, incapable d'échanger sans morigéner ses interlocuteurs, n'ayant peut-être jamais été capable de courtoisie ou s'en étant depuis longtemps débarrassé comme de la morve d'un revers de la manche *. Issue d'une famille de propriétaires, Mattie, à l'inverse, est une jeune fille toujours fraîche, assurée, tout à fait capable par sa seule parole de tenir tête à n'importe qui. Malgré son âge, elle sait négocier, parler affaires et tirer profit ; d'ailleurs, les dialogues auxquels elle participe, face au marchand de cheval, au ranger texan, ou même avec Cogburn, sont souvent savoureux. Avant même de s'être engagés sur la piste de l'assassin, Mattie et Cogburn sont rejoints par Labœuf, un ranger attiré par la rançon fixée sur Chaney (Glen Campbell, acteur-chanteur de country tout à fait dans son rôle de blondinet à belle gueule). A noter parmi les autres acteurs, du côté des bandits, une apparition de Dennis Hopper dans une scène sèche et violente (les doigts d'une main coupés puis la poitrine percée au couteau) ainsi que Robert Duvall incarnant le chef de la bande, Lucky Ned Pepper, tous deux la trentaine à l'époque. Au final, Cent dollars pour un shérif n'évite pas quelques maladresses (la dernière chevauchée notamment quand il faut sauver Mattie d'une morsure de serpent, inutilement partagée en deux, l'état de la jeune fille trop peu convaincant), mais l'aventure décrite reste haletante, les échanges plutôt bien écrits et Hathaway, grâce aux paysages somptueux, sait créer des plans de toute beauté (la rivière près de la cahute en pleine montagne, la prairie lors de la charge de Cogburn...). La reprise des Coen en 2010, , reprend des plans très similaires du film d'Hathaway (la contre-plongée sur la cahute par exemple ou celle sur la charge à cheval filmée tantôt de haut, tantôt en caméra subjective). Il s'en distingue néanmoins par bien des aspects, par le ton général, certainement plus sombre, par son final, plus fidèle au roman (puisque Rooster finit par se recycler à faire un numéro de tirs au pistolet dans un cirque), par son style aussi bien sûr (la chevauchée finale sous les étoiles pour ne citer qu'une scène, passage un brin raté chez Hathaway). Dans les derniers plans de Cent dollars pour un shérif, quand Mattie et Rooster (que lui appelle " petite sœur " ou " sis " dans la version originale) se disent au revoir, le shérif abîmé file tout de même avec panache, jouant avec son Stetson et faisant sauter son cheval par dessus la balustrade (comme s'il s'agissait de rappeler le héros de western Wayne plutôt que l'antihéros Cogburn). Toutefois, l'échange qui vient d'avoir lieu, l'a été dans le cimetière familial, le paysage est en neige et un monde est bien en train de changer.

* En 1975, Wayne reprendra d'ailleurs le rôle de ce même shérif dans Une bible et un fusil de Stuart Millar. Rooster y donne cette fois la réplique à Katharine Hepburn (d'ailleurs née la même année que Wayne).


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