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Les Fintech s’intéressent aux débancarisés

Publié le 11 mai 2016 par Pnordey @latelier

De plus en plus de start-up participent à l’inclusion financière de leurs clients et s’attaquent ainsi à un marché conséquent.

Une part importante de la population mondiale n’a accès ni aux banques, ni aux services financiers. Deux milliards de personnes majeures en seraient dépourvues dans le monde, soit 38% des adultes. Cette exclusion financière est en fait directement liée au niveau de revenus. Ainsi 73% des pauvres sont débancarisés et les adultes les 20% les plus riches dans les pays en développement sont plus de deux fois plus susceptibles d’avoir un compte en banque classique que les 20% les plus pauvres.

Ce phénomène est caractéristique des pays émergents où seuls 41% des adultes ont un compte bancaire contre 89% dans les pays occidentaux. Mais les pays développés sont également concernés. À Miami par exemple, 28% des gens n’ont pas de compte en banque. C’est le cas de deux millions de personnes au Royaume-Uni. Sans compter les sous-bancarisés (underbanked), ceux qui disposent d’un compte mais privilégient le paiement par chèque ou en espèce.

Plusieurs Fintech répondent désormais à ce problème grâce à la technologie. Pour faciliter le quotidien de ces populations, elles contribuent à leur inclusion financière. Autrement dit, selon le Global Findex, au fait de détenir un compte bancaire pour pouvoir entreposer de l’argent ainsi qu’émettre et recevoir des paiements électroniques. Les études démontrent qu’un accès étendu et une participation au système financier n’est pas une fin en soi mais un moyen : de booster la création d’emplois, d’accroître les investissements dans l’éducation et d’aider les personnes pauvres à gérer les risques de chocs financiers. Beaucoup de Fintech donnent accès à des services financiers sans forcément doter leur utilisateur de compte en banque. Nous en avons rencontré quelques unes à l’occasion du European Fintech Awards and Conference 2016 à Amsterdam.

Certaines se sont données pour mission de permettre aux personnes exclues du système bancaire de contracter des prêts comme Aire ou Kreditech, quand d’autres facilitent le transfert d'argent ou de biens comme Afrimarket ou Azimo. Enfin, les start-up WeCashUp et Dopay leur offrent la possibilité de payer en ligne et/ou de recevoir leur salaire de manière électronique pour pouvoir profiter de services financiers.

Des prêts pour les débancarisés

Selon Vitus Amman, CMO de Monetas, il y a deux raisons de s’intéresser à l’inclusion financière. Au European Fintech Awards 2016, il explique : “Il a été largement reconnu que l’inclusion financière est l’élément le plus important pour commencer à construire la croissance et sa richesse personnelle. En effet, si vous ne pouvez ni stocker ni transférer en toute sécurité vos actifs, si vous ne pouvez compter que sur de l’espèce, alors vous n’allez pas vous en sortir. Par ailleurs, le marché des personnes sous-bancarisées ou non-bancarisées est énorme. C’est une opportunité d’affaire conséquente que nous aurions tort de ne pas exploiter”.

La start-up Aire l’a pris au mot. Parmi les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes dépourvues de compte bancaire, il y a le fait de ne pas pouvoir contracter de prêt. En effet, difficile de prouver sa capacité à rembourser sans fonds manifestes. Sans aller jusqu’à cette extrémité, certaines catégories de personnes comme les jeunes et notamment les étudiants, certains immigrés ou expatriés, ont un dossier pauvre en informations financières : un thin-file; voire pas de dossier du tout, ce qui complique l’évaluation de leur solvabilité et donc les prêts. Ce à quoi la Fintech Aire propose de remédier en attribuant un “credit score” à ceux qui n’en ont pas, grâce à la data et à ses algorithmes. Aire fait partie des 100 start-up sélectionnées aux European Fintech Awards 2016 à Amsterdam. L’équipe travaille en partenariat avec des organismes de prêts en leur proposant un API à installer sur leur formulaire de demande de crédit et s’adresse en priorité aux populations des pays développées. La start-up contribue ainsi à leur inclusion financière... et donc sociale.

Un objectif que partage Kreditech. Cette start-up lauréate des European FinTech Awards dans la catégorie Inclusion Financière, délivre des services financiers taillés sur mesure pour le client en se focalisant sur ceux qui sont sous-bancarisés. Lennart Boerner, Directeur Stratégies et opérations spéciales de l’entreprise, a pitché à Amsterdam.

Pitch de Lennart Boerner pour Kreditech aux European Fintech Awards 2016. Source : fintech.nl

Cette jeune pousse dont Peter Thiel est l’un des investisseurs attribue également un credit score grâce à une technologie qui lui est propre. Elle offre ensuite des services financiers, en particulier à ces personnes qui ne pourraient pas y avoir accès via des banques traditionnelles. “Nous construisons la banque digitale”, affirme Lennart Boerner. Ils proposent en tout cas des prêts ou des portefeuilles électroniques à leurs clients. Avec en tête, l’ambition d’améliorer la liberté financière des personnes sous-bancarisées partout dans le monde.

Ces deux Fintech ont en commun de permettre à des personnes souvent à faibles revenus de contracter des prêts. La plupart du temps, ces dernières s’adressent surtout à des proches pour emprunter ou recevoir de l’argent, surtout dans les pays émergents.

Un mobile pour faciliter le transfert d’argent

Pour envoyer des sous aux personnes débancarisées, impossible de faire un virement bancaire. Plusieurs Fintech cherchent à concurrencer Western Union et autres géants du transfert d’argent en proposant une technologie plus adaptée et/ou en abaissant les coûts et leurs marges.

Azimo en fait partie. Cette Fintech également listée parmi les 100 meilleures européennes au European Fintech awards 2016, possède une plateforme de transfert d’argent en ligne vers un compte bancaire, un portefeuille virtuel, pour un retrait d’espèce dans des centaines de milliers de lieux partenaires ou pour une livraison d’espèce à domicile. Avec ces trois dernières possibilité de réception des dons, Azimo s’adresse directement à ceux qui souhaitent envoyer de l’argent à leurs proches, dans leurs pays d’origine.

Azimo se concentre sur les personnes qui transfèrent des fonds dans leur pays d'origine. Source : Azimo

La jeune pousse française Afrimarket se fait sa place dans le même secteur avec une spécialisation dans le cash to goods. Elle permet de payer directement des biens et services à des connaissances en Afrique. Prenons l’exemple d’un Sénégalais à Paris. Son neveu à Dakar est malade et sa soeur n’a pas les moyens de payer les médicaments. Il peut contribuer à cet achat en réglant directement les médicaments. Il lui suffit pour cela de s’enregistrer sur la plateforme, de payer le montant souhaité puis d’indiquer le numéro de téléphone du bénéficiaire du don.

Afrimarket est spécialisée dans le cash to goods. Source : Afrimarket

Sa soeur pourra ensuite aller à la pharmacie partenaire et retirer les médicaments ainsi achetés grâce à son téléphone portable, en indiquant simplement le code reçu. Le service permet d’éviter une transaction en espèce à ceux qui ont un bienfaiteur à l’étranger. Et à ce dernier de connaître l’utilisation de ses fonds.

Afrimarket.PNG

Fonctionnement d’Afrimarket à la réception

Cette nouvelle forme de transfert est permise par le mobile. Pour Jonathan Whittle, associé à Quona Capital, cela a été la meilleure technologie pour les fintech qui oeuvrent dans les pays émergents jusqu’ici. «Le mobile a apporté des nouveaux clients précédemment privés de ce genre de service. Désormais, c’est la croissance du nombre de smartphones qui peut changer la donne. Tout comme l’accès à internet mais c’est lié. Au Kenya en 2015, 25% des téléphones distribués étaient des smartphones ». De là à associer inclusion financière et inclusion digitale il n’y a qu’un pas.

Certaines Fintech ciblent les entreprises qui à leur tour doivent permettre à leurs salariés de bénéficier de services financiers, même sans compte bancaire.

Recevoir son salaire de manière électronique ou payer en ligne sans compte en banque

Quona Capital est un fonds d’investissement qui mise sur des entreprises qui cherchent à changer la manière dont les services financiers sont délivrés dans les pays émergents, comme Azimo. Pour son dirigeant Jonathan Whittle, « l’essentiel dans l’inclusion financière est de pouvoir transformer le paiement en espèce en paiement électronique. Pour permettre aux pauvres de payer leurs factures dans des échoppes locales sans avoir à prendre le bus pendant deux heures avec une grande quantité d’argent caché dans leurs chaussettes.»

Dopay répond pleinement à cette définition puisque son but est de faire que les salaires soient versés de manière électronique plutôt qu’en espèce, et ce même si les employés n’ont pas de compte en banque. C’est en effet chose courante en Egypte où opère principalement la jeune pousse. “90% de la population égyptienne n’est pas bancarisée”, explique Frans van Eersel, son fondateur, au European Fintech Awards 2016. Ce dernier voit plus loin que le Nil : “plus de 2 milliards de personnes dans le monde ont un travail mais pas de compte bancaire et sont donc des clients indirects potentiels.

La Fintech a pour ambition d’équiper les entreprises de sa solution qui permet de calculer et de verser le salaire de l’employé de manière électronique sur un compte Dopay. Les détenteurs du compte reçoivent par la même occasion la carte de débit qui y est rattachée. Et peuvent suivre l’évolution de leur compte via une application qui leur permet également de faire des transferts d’argent. “Avant ils devaient garder leur salaire en espèce et espérer ne pas se faire voler”, rappelle Frans van Eersel. Désormais Dopay souhaite permettre aux débancarisés égyptiens d’avoir accès à tous les services financiers, en traitant avec leur employeur.

Pitch de Frans Van Eersel pou Dopay aux European Fintech Awards 2016. Source : fintech.nl

Le raisonnement de WeCashUp est similaire. La jeune pousse française fondée en 2015 figure au classement du European Fintech Awards 2016. Elle a pour vocation de permettre aux personnes dépourvues de compte en banque de payer en ligne. Les fondateurs de la jeune pousse se sont aperçus qu’il y avait beaucoup de trafic sur certaines plateformes de e-commerce émanant de zones où la majorité de la population ne peut pas payer sur internet et donc n’achète rien. En Afrique par exemple, WeCashUp estime à 800 millions le nombre de personnes sans cartes de crédit. Son API permettra aux e-commerçants d’accepter d’autres formes de paiement et d’avoir les habitants des 54 Etats africains comme clients potentiels.

WeCashUp souhaite permettre de payer en ligne sans carte ni compte bancaire. Source : WeCashUp

De nombreuses fintech s’appuient sur de nouvelles techniques pour favoriser l’inclusion financière, mais comme l’explique Jonathan Webster (CIO Group Digital Lloyds Banking Group), “5,9 millions de personnes n’ont jamais utilisé de connexion à internet au Royaume-Uni, on ne peut donc pas compter uniquement sur la technologie pour favoriser l’accès aux services bancaires”.


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