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Ils s'appellent Hugo

Publié le 11 mai 2016 par Marcel & Simone @MarceletSimone

Vous connaissez la maxime (Le Forestier, évidemment) : « on choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille » ? Eh bien, on pourrait ajouter : « on choisit pas non plus son patronyme ». En revanche, on peut choisir ce qu’on va faire dans la vie, ce qu’on estime être sa vocation. Cela dit quand on s’appelle Hugo, qu’on est enfant, petit enfant, ou descendant de l’imposant Victor, embrasser une carrière artistique ce n’est peut être pas le choix le plus aisé pour arriver à un épanouissement personnel. Et pourtant… Adèle, François, Jean-Baptiste, Georges, Marie, Charles, dans le désordre et j’en oublie, ont tous existé artistiquement, chacun dans leur discipline, ont tous poussé plus loin qu’aux limites de la simple lubie leur volonté d’être dépositaire d’une œuvre qui leur est propre, ont tous réussi ce tour de force, avec plus ou moins de succès, plus ou moins de reconnaissance, c’est vrai, d’affirmer une identité et de nous laisser aujourd’hui (et l’exposition le prouve) un héritage artistique et historique qui ne se dissimule nullement dans l’ombre du grand homme de la famille.

Ils s'appellent Hugo

"L'art d'être grand-père": Victor Hugo, Georges et Jeanne. Photographie d'Achille Mélandri, 1881, Maison de Victor Hugo © Achille Mélandri/Maisons Victor Hugo/ Roger-Viollet

L’exposition se déroule sur deux étages car la production Hugolienne familiale est dense. Mais je le dis tout de suite, la visite est très plaisante, l’exposition claire, accessible, respirable, les travaux proposés formidablement bien expliqués, et leurs auteurs formidablement bien présentés. J’avoue que j’avais un peu peur de me perdre dans la généalogie, mais le parcours suit tout bêtement la chronologie familiale et nous aussi, donc on ne peut pas se tromper.

Le deuxième étage, qui accueille donc la première partie de l’exposition, commence avec la seule artiste de la famille qui ne s’appelait pas Hugo. En effet, Julie Duvidal de Montferrier, qui devint la belle-sœur du poète en épousant son frère Abel en 1827, s’était fait connaître en tant que peintre, exposant régulièrement jusqu’à son mariage et n’arrêtant sa carrière qu’à cause de celui-ci. Il se trouva qu’elle était amie avec sa future belle-sœur, Adèle Foucher, devenue Adèle Hugo le 12 octobre 1822, et qu’elle la prit pour modèle avant de lui enseigner le dessin quand elles furent de la même famille. Elle fut également le professeur de son fils Léopold, neveu de Victor, qui s’adonna lui aussi à l’art pictural (entre autre).

Adèle Foucher par Julie Duvidal de Montferrier. Huile sur toile, vers 1820.  © Maisons Victor Hugo/ Roger-Viollet

Adèle Foucher par Julie Duvidal de Montferrier. Huile sur toile, vers 1820. © Maisons Victor Hugo/ Roger-Viollet

Puis le Maître nous reçoit. Á tout seigneur, tout honneur, il aurait été inconvenant de ne pas saluer Victor Hugo. D’autant, qu’intelligemment, ce n’est pas l’écrivain qui est mis en avant, mais les autres facettes de l’artiste. On nous parle du décorateur d’intérieur qu’il fut pour sa maison et celle, voisine, de Juliette Drouet à Guernesey, des meubles originaux qu’il créa en assemblant les pièces rapportées d’autres meubles, des dessins qu’il réalisa tout au long de son existence et de ses voyages.

C’est quand nous arrivons au premier étage, que nous découvrons véritablement quelle famille d’artiste est la famille Hugo. Évidemment, pour l’entourage direct du patriarche, il ne fut pas facile de faire parler de soi en tant qu’artiste. Je pense même que certains n’eurent pas cette ambition, juste ils héritèrent d’un amour de la création (suggestion purement personnelle). Notamment, Adèle mère, qui suite aux leçons de sa belle-sœur (Julie Duvidal de Montferrier donc), pris un plaisir non intéressé à dessiner ses enfants. Mais quand fut-il pour François-Victor, Charles et Adèle fille ? Il est difficile de la dire. Juste notera t-on des démarches identitaires chez les deux fils (journalistes politiques que des prises de position engagées conduisirent à la prison puis à l’exil) mais en restant dans le sillage et les idées de leur père, alors que la fille ira jusqu’à s’amputer de son nom quand elle partira à la poursuite de son amour impossible. Artistiquement, le père est présent dans chacun de leurs travaux. Si François-Victor est surtout connu pour sa traduction de l’œuvre de Shakespeare, il partagea avec Victor l’amour du dessin et surtout le goût de dessiner. Charles, lui, se consacra à la photographie et son père, qui fréquenta assidûment son atelier, posa plusieurs fois pour lui (et sans la barbe, ce qui est très étonnant). Adèle joua du piano et mit en musique des poèmes de… Victor Hugo !

Adèle Hugo (1830-1925),

Adèle Hugo (1830-1925), "Ses 4 enfants ensemble", dessin, Maison de Victor Hugo. © Maisons Victor Hugo/ Roger-Viollet

À l’instar de ses cousins/cousines, Léopold Hugo, fils donc de Julie Duvidal de Montferrier (oui, oui, toujours elle), apprécia la compagnie de son oncle. Bien que se soit sur le tard puisque le rapprochement eut lieu après que l’épouse de Léopold l’eut quitté pour un bel âtre. Comme sa mère (pas besoin que je vous rappelle son nom ?), puisque c’est elle qu’il l’avait initié, il pratiqua le dessin, mais suivit également une formation avec le peintre Horace Vernet et alterna sculpture, gravure et peinture.

Georges, le petit-fils, élevé, avec sa sœur Jeanne, par Victor (on ne s’éloigne toujours pas), embrassa la carrière militaire. D’abord, matelot dans la marine, puis volontaire pour aller au front pendant la première guerre mondiale. Il en résulta de nombreux dessins et tableaux, mais aussi une publication littéraire : Souvenirs d’un matelot. C’est un récit autobiographique, on est loin de la poésie et des romans du grand-père, mais quand même, ça mérite d’être souligné.

Il faut en fait attendre la génération suivante pour qu’une œuvre artistique se démarque enfin de celle de l’ancêtre et que le nom tant connu appartienne à son propriétaire du temps présent. Jean Hugo traversa le 20ème siècle, fréquenta Picasso, Jean Cocteau, Max Jacob et le musicien Georges Auric, participa aux deux guerres mondiales et s’illustra aussi bien dans la peinture sur toile (plusieurs centaines de réalisations), que dans la décoration, le dessin (costumes de théâtre et décors) et la mise en scène (théâtre, cinéma, ballets). Véritable artiste reconnu donc, il publia ses Mémoires et connu onze ans avant sa mort, une rétrospective de son œuvre.

Jean Hugo devant ses dessins de costumes et décors pour Roméo et Juliette. Photographe anonyme, tirage gélatine argentine, développé, 1924. Maison Victor Hugo © Maisons Victor Hugo/ Roger-Viollet

Jean Hugo devant ses dessins de costumes et décors pour Roméo et Juliette. Photographe anonyme, tirage gélatine argentine, développé, 1924. Maison Victor Hugo © Maisons Victor Hugo/ Roger-Viollet

Aujourd’hui, c’est Jean-Baptiste Hugo (photographe) et Marie Hugo (peintre), arrière- arrière petits enfants, qui ont repris le flambeau. Ils travaillent principalement à la Hauteville House de Guernesey où, avant eux, quasiment la totalité des membres créatifs de la famille ont séjourné, écrit, composé, peint, sculpté, dessiné, photographié, en attendant la relève.

Les Hugo, une famille d’artistes

Du 14 avril au 18 septembre 2016.

Maison de Victor Hugo

6, Place des Vosges

75004 Paris

Plein tarif : 8 euros.

Tarif réduit : 6 euros.


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