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Fédérer la Caraïbe des arts visuels pour accroître son rayonnement

Publié le 17 mai 2016 par Aicasc @aica_sc

Veerle Poupeye dirige aujourd’hui la Galerie Nationale de la Jamaïque où elle a occupé auparavant la fonction de curator. Elle a également assumé la mission de coordinateur du programme d’arts visuels de la MultiCare Foundation et enseigné l’histoire de l’art à l’Edna Manley College ainsi qu’à Emory University d’ Atlanta, l’Université de New – York et l’Université des West Indies.

Elle a publié de nombreux ouvrages  dont Caribbean Art (1998), édité par Thames and Hudson’s World of Art series,  et Modern Jamaican Art (1998). Elle a collaboré à plusieurs ouvrages collectifs de référence dont Caribbean Crossroads of the world en 2012.

Ce n’est pas son premier voyage en Martinique puisqu’elle a visité des ateliers d’artistes en 1995 dans le cadre de ses recherches pour l’ouvrage Caribbean art. Elle a par la suite effectué plusieurs séjours  pour le congrès international de l’AICA, association internationale des critiques d’art en 2003, pour le séminaire sur l’art contemporain de la Caraïbe, Parcours Martinique, à la Fondation Clément en 2008, pour le colloque Black Jacobins en 2011.  Cette fois, elle a convoyé une œuvre de la collection de la Galerie Nationale de la Jamaïque, The Great Rape de Marvin Bartley, prêtée par le NGJ pour l’exposition Remix en Caraïbe.

Marvin Batley

Marvin Batley- The Great rape

Pouvez – vous présenter la Galerie Nationale de la Jamaïque ?

C’est une institution publique sous tutelle gouvernementale, établie en 1974 et située originalement à Devon House au centre de Kingston et depuis 1982 dans un bâtiment moderne en bord de mer à Kingston. Il y a des galeries historiques, Edna Manley galerie, Mallica « Kapo » Reynolds galerie, Intuitives galerie mais aussi des espaces d’expositions temporaires. Les  projets se font déploient aussi bien à l’intérieur, dans le hall, qu’à l’extérieur. Par exemple, Blue Curry des Bahamas a proposé une intervention in situ dans les rues de  Kingston lors de la dernière biennale en 2014. Depuis 2014, la NGJ dispose d’un second espace à Montego Bay, à trois heures environ de Kingston dans une région très touristique.

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 Le site de la National Gallery  a une superficie de 3900  mètres carrés environ alors que  celui de Montego Bay mesure 280 mètres carrés. Cet espace s’intègre dans une autre structure le Montego Bay Cultural Centre, site additionnel du Musée National de la Jamaïque et espace dédié aux arts de la performance. Nous essayons de fédérer un public très diversifié. Des programmes tels que Last Sundays, ouvert à tous, scolaires, familles, chaque dernier dimanche du mois, ont beaucoup de succès. Nous sommes également présents dans divers réseaux sociaux.  Notre équipe de la National Gallery compte 31 membres dont  7 font partie de  l’équipe  curatoriale, et nous assurons la formation de jeunes assistants après leurs études pour garantir la pérennité.

Combien d’expositions présentez- vous par an ?

Quatre à Kingston et quatre à Montego Bay.

Nous avons développé différents projets, en particulier une Biennale, originalement nationale mais ouverte depuis peu  aux artistes internationaux. Nous avons voulu depuis 2014 changer le statut de la biennale pour lui donner une dimension plus internationale et nous entendons continuer à impliquer plus d’artistes internationaux. Des artistes tels que Renee Cox (USA/Jamaica), Richard Mark Rawlins (Trinidad), Blue Curry (Bahamas), James Cooper (Bermudes), Sheena Rose (Barbade) et Gilles Elie-dit-Cosaque (Martinique) ont participé à cet événement en 2014.

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Blue Curry – PARADISE.jpg, mock-up of installation on Port Royal Street2

Blue Curry – PARADISE.jpg, mock-up of installation on Port Royal Street2

Le 24 avril dernier, l’exposition Digital auquel ont participé David Gumbs, Henri Tauliaut (Martinique), et Luk Gama (Guadeloupe) a été inaugurée. La NGJ a lancé  en décembre 2015 un appel à candidatures, invitant les plasticiens de la Caraïbe et de sa diaspora à soumettre leurs créations numériques à un comité de sélection. Parmi les soixante – treize candidatures,   vidéo et animation, court-métrages, GIFs, photographie numérique, illustration, installation interactive, trente – neuf ont été sélectionnées. Digital sera ouvert au public jusqu’en juillet.  Nous espérons établir des relations durables dans le futur avec toute une génération de jeunes artistes que nous entendons encourager.

C’est un vrai défi que de signaler à la Caraïbe que nous existons et que nous espérons jouer un rôle significatif dans un nouveau dialogue régional, étant donné les nombreux obstacles, le coût des voyages et du transport, sans oublier les tracasseries administratives, la douane, etc.

Nous pensons plus particulièrement à une association de conservateurs et directeurs de musées d’art et de galeries, un lobby impliquant différentes régions afin d’obtenir la suppression des frais qu’entraînent les projets et collaborer à différents projets et à des échanges.

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 La thématique Digital correspondait non seulement à une orientation novatrice des arts visuels contemporains  mais permettait d’éliminer  les coûts et difficultés de transport même si en contrepartie les besoins en équipements croissaient. Cependant, l’équipement est un investissement à long terme utilisé pour plusieurs expositions .

Nous travaillons actuellement avec le British Council sur une exposition et des ateliers. L’artiste Graham Fagein est associé à ce projet que nous espérons finaliser en 2017, une vidéo installation multichannel,  financé par le British Council

Combien de visiteurs enregistrez – vous par an ?

La fréquentation de la galerie est de 29000 visiteurs par an, mais nous sommes aussi très actifs sur internet  avec 65000 visiteurs tant locaux qu’internationaux sur notre blog depuis le début de 2016, avec une progression constante sur Facebook, Twitter, Vimeo and Instagram. Nous espérons cependant toucher de plus en plus de monde et nous faisons des efforts particulier pour élargir le profil des visiteurs et conquérir de nouveaux publics.

Quelles sont les ressources de la NJG ?

Nous dépendons du Ministère de la Culture. Notre budget couvre les salaires,  et les dépenses courantes ; s’ajoutent à celui-ci les revenus du mécénat. Le Tourism Enhancement Fund finance la National Gallery West. Nous bénéficions aussi du soutien de la CHASE ainsi que d’autres sources de financement.

 Nous avons bénéficié du soutien de l’Inter-American Development Fund, notre principal soutien financier pour la biennale de 2014, et nous espérons faire davantage appel à des fonds internationaux pour des projets futurs. D’autres soutiens financiers locaux, des corporations par exemple, ont été utiles pour la rétrospective de Barrington Watson en 2012.

Oneika RusselOneika Russell – Postcard Preservations (2016)
Oneika Russell – Postcard Preservations (2016)

Que retiendrez – vous de votre visite en Martinique ?

 Ma visite en Martinique me permet d’en apprendre le plus possible, et de voir de près la réalisation architecturale qu’est la Fondation Clément. Il est question de créer une extension de la NJG et nous travaillons actuellement sur le programme architectural. Je suis donc intéressée par les orientations que la Fondation a retenu pour l’intégration d’une  nouvelle structure à une structure existante et   la sélection des matériaux.

C’est aussi l’occasion de présenter au public de Martinique de nouveaux talents. Ainsi, je considère Oneika Russell et Marvin Bartley comme des pionniers qui s’intéressent aux nouveaux média  et ont élargi leur expérience  lors de résidences et voyages à l’étranger.

 En quoi le paysage artistique a t- il évolué dans la Caraïbe depuis la publication de votre ouvrage Caribbean Art  en 1998 ?

Je note qu’il y a davantage d’artistes qui partent étudier à l’étranger, on voit plusieurs nouvelles écoles, de nouveaux programmes, comme l’Edna Manley College qui prépare au diplôme, ainsi que l’école d’art en Martinique. Tout cela a apporté plus de diversité, et on a vu l’émergence de nouveaux jeunes artistes ambitieux et avec de grands projets. De plus, les artistes sont de plus en plus intéressés par les questions liés à la théorie et la critique et, bien évidemment aux possibilités que permettent les nouveaux media et le numérique. Il y a aussi davantage de femmes impliquées dans la création plastique et dans le commissariat d’exposition, la critique et la gestion des arts ; beaucoup plus également de communication et d’échanges dans la région grâce aux réseaux sociaux, et plusieurs initiatives privées d’influence, centrées sur le régional, on peut citer ARC Magazine, les rencontres de Tilting Axis, Alice Yard à Trinidad, Popop Studios aux Bahamas, Fresh Milk à la Barbade et la NLS en Jamaïque. La scène artistique caribéenne dans l’ensemble est beaucoup plus dynamique qu’en 1998 et  plus seulement dominée par Cuba, mais avec la contribution appréciable de l’ensemble des groupes régionaux de langues différentes et de la diaspora.

Ebony G. Patterson – Lillies, Carnations and Rozebuds (from Dead Treez), installation view at Devon

Ebony G. Patterson – Lillies, Carnations and Rozebuds (from Dead Treez), installation view at Devon

Quels sont vos projets immédiats?

Je termine une thèse sur l’art jamaïcain en lien avec les facteurs économiques et idéologiques et j’espère en publier la totalité ou  une partie. Un autre projet consiste  pour moi à  questionner le tourisme et ses implications en relation avec le développement culturel. Cela peut aboutir à la publication d’un livre ou à une exposition ou bien les deux.

 Pour ce qui concerne la NJG, nous préparons une importante exposition, Kingston,  qui traitera des connexions entre la capitale jamaïcaine et l’évolution artistique. L’ autre  projet d’envergure,  c’est  la prochaine Biennale de la Jamaïque en 2016, que nous continuerons d’enrichir à partir du travail de 2014.

 Interview réalisé par Dominique Brebion et Suzanne Lampla

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