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Histoire de mes diagnostics

Publié le 17 mai 2016 par Lana

Suite à une discussion sur le MedEdChat France sur Twitter, qui parlait de l’annonce du diagnostic dans les pathologies mentales, j’ai eu envie de faire l’histoire de mes diagnostics.

Mon premier diagnostic, c’était « Vous n’avez rien, attendez que ça passe ». A l’époque, j’étais très dépressive, je mettais parfois deux heures pour monter un escalier parce que je m’arrêtais à chaque marche pour pleurer, je croyais que j’étais morte, je faisais des crises parce que je n’avais plus de sang, je m’automutilais, je ne mangeais plus, j’en passe et des meilleures. C’était déjà ma deuxième décompensation. Mais voilà, j’étais quasi mutique et je ne savais pas parler de mes problèmes.

Le deuxième psychiatre que j’ai vu, deux mois après le premier, balayait tous mes problèmes de la main (« Vous ne mangez plus? C’est la vie d’étudiant! ») et m’a diagnostiqué « la maladie du romaniste », chose qu’on voit paraît-il beaucoup chez les profs de français. J’étais juste un peu plus sensible que la moyenne, si deux semaines avant les examens je n’arrivais toujours pas à étudier, je pourrais revenir le voir.

Après une rémission spontanée, j’ai décompensé une troisième fois et suis allée voir une psychologue. J’avais compris qu’il fallait y aller fort si je voulais être prise au sérieux, j’ai donc commencé par dire « J’entends une voix dans ma tête ». Ma psychologue me disait que je souffrais d’angoisse, que je devais voir un médecin et prendre des médicaments, tout en me disant que ce n’était pas une maladie. Autant dire que je ne comprenais rien. Pourquoi prendre des médicaments, ce que je redoutais, si je n’étais pas malade?

J’ai ensuite été voir un médecin généraliste, en Espagne, qui m’a donné du Temesta, ce qui m’a replongée dans la dépression. Là, j’ai vu une psychiatre, qui n’a pas voulu écouter les symptômes psychotiques (parce que je m’exprimais bien, selon elle) et n’a retenu que la dépression. Elle m’a envoyée chez une psychologue, avec qui j’ai enfin pu discuter longuement et à qui j’ai raconté tout ce qu’il m’arrivait. Elle m’a diagnostiquée schizophrène. Je l’ai appris en lisant la lettre qu’elle avait écrit pour la psychiatre, seule sur un banc, en pleurant. Retournée chez la psychiatre, j’ai eu une deuxième fois le diagnostic de schizophrénie, de la façon suivante. La psychiatre à son interne: Qu’est-ce que tu crois? L’interne: Schizophrénie. Je me le suis pris comme un coup de poing en plein visage. Mais la psychiatre n’était pas d’accord, elle disait qu’il n’y avait ni hallucinations (la voix, les tâches sur le tee-shirt dont j’avais parlé à la psychologue ne comptaient pas apparemment) ni idées délirantes (je pensais que tout le monde me détestait, que j’étais protégée par une statuette de saint, que j’avais des maladies incurables, je vivais dans l’autre monde, mais je n’avais pas eu le temps d’en parler avec elle). Je me retrouvais donc avec deux personnes pour qui j’étais schizophrène et une pour qui je ne l’étais pas mais qui ne m’écoutait pas beaucoup. J’étais perdue. Surtout, j’avais peur, car personne n’avait pris le temps de m’expliquer ce qu’était et surtout ce que n’était pas la schizophrénie. Je pensais que ma vie était fichue, je me voyais finir mes jours à l’HP.

Pour différentes raison, j’ai changé de psychiatre. Lui m’a donné des neuroleptiques. J’ai lu la notice du Risperdal en rentrant chez moi, et j’ai pleuré seule face au mot schizophrénie inscrit dedans. Quand je lui ai demandé ce que j’avais, il m’a dit que c’était de l’angoisse psychotique avec déréalisation, dépersonnalisation et dissociation.

Ensuite, je suis rentrée en Belgique et j’ai vu un psychiatre et un psychologue pendant deux ans. Ils se refusaient à faire des diagnostics, étant d’orientation psychanalytique. « Il faut dix ans pour diagnostiquer une schizophrénie! » Mon psychologue m’a dit « Pourquoi vous ne vous contentez pas du diagnostic de schizophrénie (fait par la psychologue)? » J’en ai déduis qu’il me considérait comme schizophrène mais il m’a dit après n’avoir jamais dit ça.

J’étais en pleine incertitude. Je voulais savoir ce que j’avais, je ne trouvais aucune information sur une maladie nommée angoisse psychotique, je voulais que ça s’arrête, arrêter mon traitement, retrouver ma vie d’avant, qu’on réponde à mes questions, bref je ne comprenais pas grand-chose et je me sentais horriblement seule face au silence des psys et aux ravages de la maladie.

J’ai encore une fois changé de psychiatre. Celle-ci m’a diagnostiqué schizophrène. Ce fut un soulagement. D’une part, je m’en doutais, de l’autre je pouvais enfin mettre un mot sur mes problèmes, me renseigner, partager sur des forums dédiés à la maladie et poser des questions franches à ma psychiatre. Un combat était terminé. Je savais contre quoi me battre, je n’avais plus à me battre contre les soignants pour qu’on me dise ce que j’avais.

On parle souvent d’errance diagnostique, en voilà un exemple. Exemple de temps perdu, aussi (cinq ans entre le début de mes troubles et le dernier diagnostic). Avoir un diagnostic m’a permis de lâcher les armes contre l’incertitude et de les retourner contre la maladie. J’ai pu l’accepter, accepter mon traitement et commencer enfin à m’en sortir. Avoir un diagnostic, être rassurée et avoir des réponses franches à mes questions a été le début de ma sortie des pires années de la maladie. 


Classé dans:Réflexions personnelles

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