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Festival de Cannes 2016: "Juste la fin du monde", Xavier Dolan, bouléversant Huis Clos

Publié le 19 mai 2016 par Abelcarballinho @FrancofoliesFLE
Festival de Cannes 2016:  "Juste la fin du monde", Xavier Dolan, bouléversant Huis Clos

Marion Cotillard dans le film de Xavier Dolan

Xavier Dolan et un difficile Huis Clos

Le cinéaste québécois se met en danger avec ce nouveau film : adaptation d'une pièce de théâtre, un casting de stars françaises... Pari réussi : la magie Dolan fait son œuvre, une nouvelle fois.

Louis revient dans sa famille après douze ans d'absence. L'objet de sa visite : annoncer sa mort prochaine. Jeune auteur respecté, intellectuel, homosexuel, il a coupé les ponts depuis longtemps. Oh, il n'oublie pas un anniversaire, toujours la carte postale, les deux lignes réglementaires. Et rien d'autre. Mais ça y est, il est là, Louis. Le héros, le disparu.
On l'admire, on l'attend, mais on craint de lui faire honte. On a aussi envie de lui dire ses quatre vérités. Que ça ne se fait pas, tout de même, d'oublier sa mère, son frère et sa sœur. Même si on a du succès, même si la ville vous aspire.
Débute un huis clos pesant, où chacun voudrait dire ce qu'il a sur le cœur. Mais personne ne trouve les mots, pas les bons en tous cas. Louis guette le moment où il pourra annoncer que c'est fini, que c'est sa tournée d'adieux. Eux attendent l'instant où ils pourront déballer leur amertume et leur amour. Alors, chaque échange prend une drôle de tournure, les mots se heurtent, dérapent. Chaque phrase a sa tension propre, chaque réplique peut devenir une lame. Derrière les conversations banales, toutes le vannes sont prêtes à lâcher, tension retenue depuis si longtemps.

En adaptant la pièce de
Jean-Luc Lagarce, Xavier Dolan n'a pas choisi la facilité. Le sujet est grave, sans espoir. Il impose le huis clos. Pour le porter, le jeune réalisateur a choisi cinq grands comédiens français, abandonnant pour une fois sa "troupe" et, comme dit, sa "zone de confort". Le résultat est extrêmement convaincant.

Gaspard Ulliel est vraiment étonnant, magnifiquement filmé et dirigé. Silencieux, hésitant, troublé, ne parvenant pas à retrouver le rythme de son clan. Face à lui, quatre personnages colorés, très typés : la mère ( Nathalie Baye qui retrouve Dolan après "Laurence Anyways"), coupe au carré, trop maquillée, bavarde, un poil vulgaire, elle dissimule bien ses failles. Léa Seydoux est la petite dernière, la sœur que Louis a à peine connue. Le joint n'est jamais loin, la crise de nerfs non plus. Surtout quand c'est le grand frère qui l'asticote. Vincent Cassel est une grande gueule fragile, râleur, cassant et attachant malgré tout. Sa femme est incarnée par une Marion Cotillard qu'on n'a jamais vu dans ce registre. Douce, apaisante, mais tellement peu sûre d'elle. Elle comprend avant les autres, mais elle a tant de mal à trouver les mots justes.
Avec cette équipe au sommet, Dolan construit un film magnifique. Plus sobre qu'à l'accoutumée, il laisse le temps au temps, nous offrant tout de même quelques ruptures de rythme, des flashbacks clippés joliment mis en musique. Ceux qui doutaient de la capacité du Canadien à franchir ce genre d'obstacle, à mettre son talent au service d'autres auteurs, en sont pour leur frais. Une fois de plus, il parvient à nous en mettre plein les yeux. La grande classe.


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