Magazine Journal intime

Pas de petits plats pour toi

Par Anniedanielle

J’ai déjà traduit un article de ce blogue que j’adore “Living with Bob (Dysautonomia)”.
En voici un autre, qui m’interpelle tout particulièrement, et que je traduis ici avec la permission de Michelle, son auteure, sur le phénomène de société qui ne semble qu’accepter les gens qui guérissent rapidement… ou meurent.

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J’aurais bien besoin d’un bon petit plat présentement. Je sais que ma famille aussi. Je suis alitée et plutôt non-fonctionnelle depuis quelques semaines. Mais les petits plats sont inexistants. Tu tombes malade et les gens apportent des petits plats. Ou en tout cas c’est ce que la télé m’a appris. Mais on continue d’être une zone sans petits plats. Mr. Grumpy et mon plus jeune s’occupent des tâches de cuisine en plus du ménage et du lavage. Sans trop de grogne, je dois dire, puisqu’ils savent à quel point j’ai été malade. Ça a été une année d’enfer et je jurerais être dûe pour mon café gratuit à ma prochaine hospitalisation. Mais en réalité il n’y a que mon mari et mes enfants, et ma famille virtuelle, à l’avoir remarqué.

La maladie chronique, à long terme, n’est pas la maladie/désordre/syndrome qui pousse les gens à se pointer avec un petit plat pour aider. En fait ce n’est même pas la maladie chronique à long terme.
Si je repense à ces 8 dernières années, il y a deux personnes qui ont amené de la nourriture à la maison pour aider, quand j’avais de la difficulté à me rendre aux toilettes, encore plus jusqu’à la cuisine.

Deux personnes.

C’est tout.

J’ai lu un article il y a un certain temps, où l’auteur a écrit :

La maladie mentale n’est pas une maladie à petits plats; ne vous attendez pas à ce que les gens s’arrêtent chez vous avec de la bouffe.

En fait, vous pourriez échanger maladie mentale pour un lot de conditions chroniques, comme, par exemple, la dysautonomie.

J’ai lu des histoires de gens qui tombent malade, puis qui sont inondés de bouffe et de conserves pour les aider. Ça n’a pas été mon expérience, ni celle de la plupart des patients avec des conditions chroniques. Il y a peut-être une explosion initiale d’aide si une maladie commence avec une situation de crise. Les gens comprennent le besoin aigü. Ils répondent par réflexe. Il y a un besoin de faire quelque chose pour aider. Mais si vous êtes assez stupide pour avoir une lente et stable spirale de déclin plutôt qu’un soudain cul-par-dessus-tête, n’attendez pas la file d’amis et de membres de votre famille avec de bons petits plats dans les mains. Parce qu’à moins que vous fassiez partie des rares chanceux, ils ne se pointeront pas. Même si vous aviez des hospitalisations répétées ou des visites à l’urgence, après les quelques premières fois, ou années, l’effet de nouveauté passe. Encore pire que ce déclin initial est quand tu persistes à ne pas être bien pour une durée de temps substantielle sans fin prévisible en vue. La maladie est vue en deux modes : la guérison ou la mort.
Guéris miraculeusement
“Guéris miraculeusement ou meurs. C’est là l’étendue de notre capacité de compréhension culturelle de la maladie chronique.”
-S. Kelley Harrell Si vous ne faites ni l’un ni l’autre, il semble que la majorité de la communauté ne sait pas quoi faire avec vous. Vous n’entrez pas dans les normes culturelles et cela met beaucoup de gens au défi. C’est là que le blâme et le dédain entrent en jeu. Vous devez vouloir être malade, ou vous n’essayez pas assez. L’empathie répétée ou continue devient trop difficile. Tu es encore malade? Et toutes ses variations sont un thème commun pour nous tous avec une maladie chronique.   Désolée de cela. Je sais que cela doit être dur pour vous d’endurer le fait que je sois encore malade. Ce cinq minutes par année où vous me faites grâce de votre présence doit vous coûter beaucoup. Je dois seulement vivre avec cela chaque heure de chaque journée depuis les dernières 8 années ou, comme j’aime le voir, 2920 jours d’être malade ou très malade.  J’admets que c’est difficile de participer à la création et au maintien de relations quand tu peux à peine quitter la maison parce que tu prends le bus de porcelaine chaque jour. Les rencontres spontanées au bureau, au café du coin, à la classe de yoga, etc., qui forment les fibres interconnectées des expériences partagées nous manquent. Dans ces rares occasions où on peut sortir, il nous manque ces “insides” dans la conversation. Non, je n’avais pas entendu dire que la fille de la pharmacie était enceinte. Non je ne me souviens pas du gars louche au pub. Je n’ai aucune opinion sur le look du nouveau consultant de la section où je n’ai pas travaillé depuis 2 ans.
Et ces liens commencent à s’effriter. Les gens sont occupés. J’entends beaucoup cela.
Ils tiennent à toi, mais ils sont tellement occupés. Elle sera encore malade demain. Et demain devient le jour suivant, la semaine suivante, le mois suivant ou l’année d’après ou jamais.

Il n’y a pas de bataille frappante à gagner ou perdre, puisque chaque jour est une série de petites batailles inconnues aux autres, mais très visibles aux yeux de ceux qui sont en première ligne.

Pas une vie à être célébrée après sa fin, puisque c’est un lent déclin du type si ça ne te tue pas, ça te fait sentir comme la mort. La fin n’a simplement pas sa place dans la maladie chronique.
(ou alors les gens oublient les risques de décès, car c’est trop abstrait. NDLT)

Il n’y a pas de journée de sensibilisation pour les longues maladies pas claires et qui s’attardent. House nous a appris qu’un diagnostic peut être trouvé pour chaque ensemble de symptômes. Bien sûr, ton équipe traitante peut passer proche de te tuer 5 fois durant l’épisode d’une heure, le consultant est un con, mais à la fin tu auras une réponse. Sauf si tu vis dans la réalité et que tu sais que la vie et la maladie sont rarement aussi bien emballés. Ceux qui ont ainsi internalisé cette idée de résolution de la maladie restent confus. Tous les marqueurs habituels de la maladie compréhensible et normalisée par la société manquent. Les visites cessent. Les appels cessent. Les textos et courriels cessent. Et aucun petit plat n’apparaît miraculeusement à ta porte. Et pourtant je suis plus malade maintenant qu’au début. Et ma famille a pris sur ses épaules un tas de tâches que je ne peux plus faire. En plus de s’occuper de moi quand je suis au plus mal. C’est là l’histoire de beaucoup avec la maladie chronique et le handicap. Des histoires cachées parce qu’il ne reste personne pour le voir et personne à qui en parler, sauf d’autres, sur le web, dans la même position. La maladie chronique et le handicap isolent les gens. Le fameux “loin des yeux loin du coeur”. On existe en périphérie, dans un “no man’s land”. Où tu es chanceux si tu as la bénédiction d’avoir une ou deux personnes, hors de ta famille nucléaire, qui persévèrent.

Hier soir Mr.Grumpy a dû me porter aux toilettes. Mon plus jeune a cuisiné le souper et fait la vaisselle, et un d’entre eux a parti le lavage. Ma dernière tentative de quitter la maison a cessé après 30 minutes, on remercie la vague de nausée et de douleur intense qui m’a renvoyé au lit. Parce que c’est ici que nous sommes présentement. Mais cela fait huit années. Du bruit blanc autour de nous. Ça a pris une semaine pour qu’un seul membre de ma famille appelle après ma dernière admission aux urgences. Je suis toujours malade et souvent aux urgences ces temps-ci, et ils sont occupés. Comme je l’ai dit, bruit blanc.

Tant pis pour les petits plats. Je préfère le poulet roti de toute façon. Michelle. Traduction de l’article “No casseroles for you“, publié le 29 juillet 2014 sur le blogue “Living with Bob (Dysautonomia) —————————————- Traduit en écoutant le chant des oiseaux! ——————————————–

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