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Jour 7

Publié le 16 juin 2008 par Jocelynbeaumont
- Devine qui c'est, chéri?
- Je sais pas... En tout cas t'as un joli accent...
- Je me suis marié et je vis à Paris, tu te souviens pas de moi, chéri?
- Lolo??? T'es en France?
- Eh oui, cheri... Tu fais quoi en ce moment?
- Je suis au boulot...
- Si tu m'offres un cadeau, je veux bien venir chez toi... Ca fait longtemps...
- Ah toi et tes cadeaux... On verra en tout cas, ça me fait plaisir de t'avoir au tel
- Si tu veux je viendrai avec une copine...
- Il faut que je raccroche, j'entre en réunion.
- Ok alors, tu me rappelles quand chéri...
- Demain.
- Appelle moi l'après-midi avant 16h, sinon y a mon mari, bisous.
- Ok bisous!
Ca va faire un an, que je n'ai pas eu Lolo au téléphone. Sa voix est chaude, elle me rappelle Madagascar, elle me rappelle le Pandora... Tonga soa Antananarivo!
Il fait chaud, je suce les glaçons à moitié fondus de mon mojito sans me rafraîchir. La flamme d’une bougie dessine des formes sur les visages, mais n’est pas suffisante pour lire les menus disposés sur le comptoir.
Dans la pénombre on devine des formes féminines, les jupes sont courtes, les chemisiers ouverts sur des petites poitrines et les corps ondulent. On ne reste pas longtemps seul sur son tabouret. Elles viennent de Tulear, de Tamatave ou de Diego-Suarez., Elles sont venues chercher une vie meilleure à Tana. Mais ici les fleurs fânent vite, et leur parfum tourne aigre. Le Madagascar que je connais c’est pas celui des lémuriens ou des baobabs, c’est celui de la came, de l’alcool, des putes et de la nuit. J’ai usé mes coudes sur les bars de la plupart des établissements nocturnes de cette vieille pieuvre fatiguée.
C’est pas évident de dire gentiment qu’elle ne nous intéresse pas. Alors on prend des gants, on est gentil, on lui offre un verre et puis on lui dit que maintenant elle peut y aller. De toute façon, entre nous il ne se passera rien. Alors elle repart, colérique, hystérique,vociférante. On lui fait perdre son temps, pour elle le temps c’est de l’argent et de l’argent elle n’en a pas. Alors on reprend un Mojito, on écoute les baffles cracher les chansons saturées de Sean Paul ou de Beyoncé et le jeu recommence. C’est ça le Pandora Station, c’est ça le bar de l’aventure, c’est ça la nuit à Tana. Alors pourquoi toute cette merde est-elle si envoutante ? Pourquoi est-ce que j’y retourne chaque fois ? Simplement, parce que le Pandora, derrière sa gueule béante, son vice, son goût d’interdit et son cynisme cache de belles rencontres.
J’ai rencontré de belles femmes entre ces murs décrépis, je pense même que je suis tombé amoureux. Au milieu de toute cette crasse, des perles brillent en attendant de perdre leur éclat.
Ici le bonheur est factice, il ne dure pas. Il est tarifé et lorsqu’il ne l’est pas, il le devient,
Il promettra l’amour, l’assurance du vie meilleure, puis il se lassera, en trouvera une autre plus jeune, plus belle, moins usée. C’est tellement facile de gâcher des vies, de rentrer chez soi et d’oublier toutes nos saloperies dans les bras d’une vie parisienne lâche et anonyme.
Veloma motherfucker!

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