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L’Afrique règle les comptes avec ses tyrans

Publié le 02 juin 2016 par Leblogpolitique

Le continent africain est en marche. En marche vers la fin de l’impunité de ses chefs d’État qui ont trop longtemps oppressés et saignés leurs citoyens, et parfois soutenus par les occidentaux, il faut bien le dire. Prison à perpétuité pour Hissène Habré, l’ex-président tchadien pour les exactions commises entre 1982 et 1990.

Un tribunal spécial pour un procès historique

Des années d’enquêtes, de recueils témoignages, de batailles juridiques ont enfin abouti. Un tribunal spécial a même été créé pour un procès qui s’est tenu à Dakar, au Sénégal. Ce tribunal, c’est une émanation des Chambres africaines extraordinaires (CAE) créées en 2006 par un sommet de l’Union Africaine (UA). À cette époque, c’est le Sénégal qui est interpellé pour mettre en œuvre le procès de l’ex-dirigeant tchadien réfugié sur son territoire après avoir été chassé de son pays. Arrivé avec des billets plein les valises, Hissène Habré a pourtant perdu la majorité de ses soutiens, ce qui ne serait peut-être pas arrivé s’il était allé se réfugier dans un pays moins rigoureux.

La compétence de ce tribunal est simple : juger Hissène Habré pour crime de guerre, crime contre l’humanité, tortures et viol. Bien que l’accusé ne reconnaisse pas la compétence de cette instance, le procès a lieu et va durer 10 mois. Une initiative « pour l’Afrique », mise en œuvre par la volonté de quelques-uns d’en finir avec l’impunité de dirigeants sans complexe, mégalomanes, et tortionnaires. Une initiative à saluer et à soutenir, bien que les CAE n’aient à priori pas vocation à agir directement contre d’autres dirigeants. Surtout si l’on considère le retrait discret de l’UA de la cour pénale internationale à la suite de l’inculpation du chef d’État soudanais, toujours en fonction.

8 années de terreur pour les Tchadiens

Un homme, Souleymane Guenguen, ex-détenu des prisons tchadiennes, a passé des années à recueillir des témoignages, à collecter des preuves. Une action d’Amnesty International, de Human Right Watch va permettre aussi à des milliers de victimes d’une répression aveugle et sanguinaire de se faire connaitre. Lors du procès, c’est plus de 90 témoins, experts, plus de 50 pièces à conviction, des milliers de PV d’audition. Des témoignages poignants de victimes de viols, de tortures, orchestrés par Hissène Habré lui-même parfois pour les viols, ou par sa police politique, la DDS très efficace.

Un homme, mais aussi une commission d’enquête spéciale tchadienne, créée en 1992, qui a permis d’identifier certaines des exactions commises, mais pas d’identifier le nombre total de victimes. Un chiffre de 40 000 a été avancé, extrapolation du nombre de personnes et familles atteintes identifiées de 4 000. Dès le début de son règne Hissène Habré a mis en place une politique de répression ciblée contre les opposants, puis leurs familles, leurs enfants, puis toutes personnes ou groupes communautaires ne satisfaisant pas à ses critères. Disparitions, expéditions punitives, tortures… Une période sanglante de terreur.

Un verdict sans nuance

« Il dirigeait une entreprise criminelle commune qui avait érigé en mode de gouvernance la pratique massive et systématique de la torture, les enlèvements, les détentions inhumaines et les viols ». Voici les mots employés par les juges lors de l’énoncé du verdict. La peine maximale : la prison à perpétuité. Des scènes de liesses se sont produites dans le tribunal à l’énoncé du verdict. La joie des victimes dont la parole a enfin été entendue. Une issue qui donne l’espoir à Gaëtan Mootoo, chercheur pour Amnesty International, que ce procès « incitera l’Union africaine et chaque État africain à suivre cet exemple afin que justice soit rendue à d’autres victimes dans d’autres pays du continent ».

Un vœu pieu, mais loin d’être gagné si l’on regarde les dinosaures temporels toujours en place sur le continent Africain, de la même trempe que celui qui aujourd’hui a été jugé. Que dire, par exemple, de Idriss Déby, président du Tchad depuis 1990 ( à la tête de l’UA par ailleurs) ? D’un Paul Biya, président du Cameroun depuis 1982 ? Et bien d’autres…

Aujourd’hui s’ouvre le second procès de Simone Gbago à Abidjan. La dame de fer ivoirienne est accusée de « crimes contre l’humanité », « crimes contre les prisonniers de guerre » et « crimes contre les populations civiles », pour sa participation, aux côtés de son mari actuellement jugé par la CPI, aux événements durant la crise postélectorale qui a ensanglanté son pays de novembre 2010 à avril 2011. Bien que controversé par certaines organisations, ce procès est dans la continuité du changement qui se profile en Afrique et qui vise à en terminer avec l’impunité de ses dirigeants actuels ou passés.

Visuel par capital.fr


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