Magazine Bd

Comment Captain America: Civil War reste d’actualité malgré une intrigue d’il y a 10 ans

Par Cosmos @midnight_peanut

Lorsque Marvel Studios a annoncé que le troisième film sur Captain America s’appellerait Civil War, de nombreux fans ont ricané. Transposer LE conflit qui avait divisé la communauté super-héroïque en 2006, dans un univers qui ne compte qu’une poignée de héros ? Sérieusement ?

A présent que le film est sorti, on a pu se rendre compte qu’il restait fidèle au thème principal du récit de Mark Millar et Steve McNiven – une critique du Patriot Act – en l’adaptant à la façon dont la société a évolué entre-temps.

(légers spoilers sur le film, en toute fin d’article, où ils sont indiqués)

L’intrigue des comics Civil War en 2006

Dans les comics, Civil War s’ouvrait sur un groupe de jeunes héros imprudents s’attaquant à des super-vilains mineurs pour une télé-réalité. Tout basculait lorsque, devant les caméras, l’un de ces vilains provoquait une explosion massive dans une petite ville des Etats-Unis. Suite à cet incident, une loi de recensement était votée et obligeait les super-héros à révéler leur identité pour que leur activité soit à présent contrôlée. Mais comme le firent remarquer certains héros, leur masque protégeait également leurs proches, qui deviendraient immédiatement des cibles pour leurs ennemis si leur nom était rendu public.

Cette loi divisa alors profondément la communauté super-héroïque, qui se répartit en deux camps : les « pour » se ralliant derrière Iron Man, et les « contre » derrière Captain America. Comme les seconds refusaient de s’enregistrer, ils furent déclarés hors-la-loi et recherchés par les premiers.

Tony Stark dans Civil War #1

Civil War #1

La version film de 2016

Scarlet Witch

Scarlet Witch

Comme l’univers cinématographique Marvel est plus jeune, il existe beaucoup moins de héros et les circonstances sont donc différentes. Alors que les Avengers poursuivent des terroristes au Nigeria, une erreur de Scarlet Witch provoque le décès de plusieurs citoyens. Après les nombreuses morts causées par les actions précédentes des Avengers (dans Age of Ultron notamment), c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase : la communauté internationale exige que leur activité soit dorénavant encadrée par les Nations Unies. Certains héros comme Iron Man s’y plient, mais Steve Rogers alias Captain America refuse de signer ces « Accords de Sokovie » qui restreignent leur liberté d’action.

La situation empire quand une photo accuse son ami Bucky (alias le Soldat de l’Hiver) d’être à l’origine d’un attentat à la bombe et que Steve Rogers l’aide à échapper aux autorités…

Patriot Act, état d’urgence… Quand la lutte contre le terrorisme restreint durablement les libertés fondamentales

La loi de recensement de Civil War dans les comics de 2006 faisait référence au Patriot Act, proposé par le gouvernement de George W. Bush peu de temps après les attentats du 11 septembre 2001. Cet ensemble de mesures d’exception – retouchées mais jamais abrogées – renforce le pouvoir des agences de renseignement et de lutte contre le crime (FBI, CIA, NSA…) au détriment de certaines libertés :

Le dispositif le plus controversé du Patriot Act prévoit ainsi que ces agences ont le pouvoir de récupérer auprès des opérateurs de télécommunication privés des informations personnelles d’usagers, mais aussi de les mettre sur écoute et d’archiver ou d’exploiter des données issues de surveillance électronique, sans que les usagers soient mis au courant, et sur simple soupçon. Cette disposition a été très controversée aux Etats-Unis, où l’Etat fédéral a de plus parfois fait appel à des sociétés privées pour exploiter les données collectées.

Le Patriot Act prévoyait aussi la possibilité de perquisitionner un suspect et de saisir des biens chez lui en son absence et sans avoir besoin de le prévenir. Il créait également des statuts juridiques particuliers, ceux d’« ennemi combattant » ou de « combattant illégal », qui permettaient d’arrêter, d’inculper et de détenir sans durée des personnes soupçonnées de terrorisme.

Le Monde, 12/01/2015

Comme le précise le reste de l’article, ces mesures d’exception-mais-en-fait-non ont majoritairement été utilisées pour d’autres fins que la lutte contre le terrorisme.

Dix ans plus tard, cette problématique est toujours d’actualité. En France notamment, on s’interroge sur les potentielles dérives de l’état d’urgence, qui a été instauré suite aux attentats de novembre 2015 à Paris et à Saint-Denis. Alors que celui-ci a déjà été prolongé par deux fois, le gouvernement va proposer une prolongation supplémentaire jusqu’en juillet pour « protéger les importantes mobilisations sportives que sont l’Euro 2016 et le Tour de France ». Mais qu’en est-il des libertés fondamentales qui demeurent restreintes par l’état d’urgence, telles que le droit à la manifestation par exemple, autour duquel règne un certain flou ?

Captain America

Par son nom et son costume, Captain America est souvent considéré comme l’incarnation de la politique américaine, ce qui est faux : il incarne les valeurs américaines. Ses convictions l’amènent à intervenir lorsqu’une politique va à l’encontre de ces valeurs, à faire la différence entre ce qui est légal et ce qui est juste. Dans Le Soldat de l’hiver, il se dressait contre les dérives de l’hyper-surveillance, et dans Civil War il refuse de confondre augmentation de la sécurité et perte des libertés.

Les super-héros à l’heure des réseaux sociaux

Certains fans ont regretté que la question de l’identité secrète (au cœur des comics d’origine) ne soit pas traitée dans le film, mais cela aurait été peu pertinent. D’une part, l’identité des héros est déjà connue dans l’univers cinématographique, et d’autre part on n’est tout simplement plus en 2006.

Cette année-là, on assistait en effet à l’avènement des réseaux sociaux : Twitter fut lancé en juillet 2006, tandis que Facebook s’est ouvert à tous en septembre de la même année. Auparavant, sur Internet, il était communément admis qu’on ne dévoilait pas d’informations personnelles sur la Toile, notamment son nom. Dix ans plus tard, il est devenu courant de ne plus utiliser de pseudonyme, voire de mettre sa photo en image de profil, pour des raisons de personal branding notamment. C’est la divulgation de vos autres infos personnelles qui peut menacer votre sécurité (adresse, numéro de téléphone, photos privées, certaines conversations etc.).

[SPOILERS DANS LA SUITE !]

Un des moteurs de l’intrigue est également la diffusion d’une photo de Bucky, le désignant comme responsable d’un attentat à la bombe. Elle est partagée dans le monde entier dès son apparition, et Bucky se retrouve immédiatement recherché par les forces de l’ordre et par Black Panther. Ce n’est que vers la fin du film qu’on découvre que la photo avait été truquée. Tout cela n’est pas sans rappeler les cas de fausses photos diffusées régulièrement sur les réseaux sociaux et qui peuvent rapidement devenir virales. Ou tout simplement les fausses informations qui peuvent se répandre ainsi, grâce à la panique suscitée par les situations d’urgence. Une seconde suffit pour retweeter un hoax, mais vérifier sa source demande beaucoup plus de temps.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Cosmos 1 partage Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines