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L’horreur en pleine mer : rien n’a changé

Publié le 02 juin 2016 par Sylvainrakotoarison

" Ce que vous avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. " (Évangile selon saint Matthieu, 25, 34-40).
L’horreur en pleine mer : rien n’a changé
La photographie d'un bébé prise le 27 mai 2016 lors d'une opération de sauvetage en mer Méditerranée a été diffusée le 30 mai 2016 par l'organisation non gouvernementale allemande Sea-Watch, qui participe aux sauvetages, avec cette légende : " Si nous ne voulons plus voir de telles images, nous devons mettre fin à cette situation ! " ou celle-ci, plus culpabilisante à l'adresse des gouvernements européens : " Si vous ne voulez pas voir ces images, arrêtez de les produire ! ".
Rien n'a changé depuis l'émotion suscitée par la photographie du petit Aylan inerte sur une plage grecque. Ce bébé, mort au large des côtes libyennes au cours du naufrage d'un bateau transportant 350 réfugiés et ayant fait au moins 26 morts, est l'un des 340 enfants qui sont morts en traversant la Méditerranée depuis la mort d'Aylan en septembre 2015 jusqu'au mois de février 2016, selon Amnesty International.
Le sauveteur (voulant rester anonyme) qui tient l'enfant sur la photo l'avait aperçu flottant sur la mer : " J'ai attrapé le bébé par les avant-bras et j'ai immédiatement tiré le petit corps vers moi pour le protéger, comme s'il était encore vivant. Ses bras étaient tendus avec ses petits doigts en l'air, le soleil éclairait ses yeux lumineux et chaleureux, mais sans vie. (...) J'ai commencé à chanter une chanson pour me réconforter et essayer de donner le moindre sens à ce moment déchirant et incompréhensible. Il y a six heures, cet enfant était vivant. ".
Harald Höppner, le fondateur de Sea-Watch, a justifié la diffusion de la photographie de la petite victime : " La gravité de la situation exige la publication. Ces images tragiques doivent être vues par la société européenne car les tragédies sont la conséquence de la politique étrangère européenne. ". Néanmoins, il faut rappeler qu'il n'existe justement pas de politique étrangère commune et c'est ce qui nuit à l'efficacité des déclarations d'intention.
L’horreur en pleine mer : rien n’a changé
La situation humanitaire est catastrophique. Le 31 mai 2016, le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) a comptabilisé 2 510 réfugiés morts depuis le 1 er janvier 2016 en traversant la Méditerranée, sur les 203 918 réfugiés qui ont traversé la mer pour rejoindre l'Europe, à savoir la Grèce depuis la Turquie et l'Italie depuis la Libye (cette dernière traversée étant la plus meurtrière puisqu'elle représente 84% des noyades). 46 714 réfugiés sont arrivés en Italie depuis le 1 er janvier 2016 (47 463 durant les cinq premiers mois de 2015).
C'est 35% de morts de plus que l'an dernier. Pour la même période, durant les cinq premiers mois de 2015, 1 855 réfugiés avaient trouvé la mort dans les eaux de la Méditerranée et 57 morts durant les cinq premiers mois de 2014. William Spindler, porte-parole du HCR, a voulu alerter l'Union Européenne de ce massacre peu médiatisé le 30 mai 2016 à Genève : " La semaine dernière, une série de naufrages et de chavirements en Méditerranée auraient causé la mort d'au moins 880 personnes, selon de nouvelles informations que nous avons reçues lors d'entretiens avec des survivants en Italie. ".
En cause ? Les passeurs qui continuent de profiter de l'aubaine des guerres et du terrorisme pour s'enrichir sur la vie des réfugiés en les faisant embarquer dans des bateaux sans sécurité, au moindre coût.
William Spindler a insisté sur la responsabilité des gouvernements européens : " Cela souligne l'importance des opérations de sauvetage dans le cadre de la réponse aux mouvements de réfugiés et de migrants en Méditerranée, ainsi que la nécessité d'alternatives concrètes et plus sûres pour les personnes ayant besoin d'une protection internationale. " (30 mai 2016).
Et d'expliquer plus précisément : " Le HCR fait son possible pour établir les raisons possibles et les dynamiques motivant ces mouvements. La majorité des bateaux au départ de la Libye sont actuellement signalés à la zone de Sabratah, à l'ouest de Tripoli. (...) Souvent, ils comptent 600 passagers ou plus à leur bord. Parfois, ces embarcations sont remorquées par de plus grands bateaux de pêche, ce qui leur fait courir encore davantage de dangers. Selon certaine sources non confirmées, la récente augmentation du nombre de passagers est liée aux efforts des passeurs pour maximiser leur revenu avant le début du mois du Ramadan, la semaine prochaine. ".
L’horreur en pleine mer : rien n’a changé
Abdullah Kurdi, le père du petit Aylan, a lâché sa profonde amertume dans le journal italien "La Republica" : " Des enfants réfugiés continuent de se noyer chaque jour, la guerre en Syrie n'a pas stoppé. Je vois certains pays construire des murs, d'autres ne pas vouloir nous accueillir. Mon Aylan est mort pour rien, très peu de chose a changé ! " (31 mai 2016).
Le 29 mai 2016, Marie-Pierre Poirier, la coordinatrice spéciale de l'Unicef pour la crise des réfugiés en Europe, a déploré une véritable exploitation d'enfants non accompagnés qui font ce genre de traversée : " Les histoires que j'ai personnellement entendues de la bouche des enfants qui ont fait ce voyage sont horribles. Aucun enfant ne devrait avoir à y faire face. Leur vie est entre les mains de passeurs qui ne se soucient de rien d'autre que l'agent qu'ils leur soutirent. ". Selon l'Unicef, depuis le 1 er janvier 2016, 1 000 enfants non accompagnés débarquent chaque mois en Italie.
Enfin, le 31 mai 2016, Ban Ki-Moon, le Secrétaire Général de l'ONU, choqué par ces statistiques accablantes, a exhorté les gouvernements européens à " redoubler d'efforts pour sauver les personnes en mer et s'attaquer aux réseaux de passeurs et de traite des êtres humains dans la mer Égée et la mer Méditerranée ".
Harald Höppner n'y va pas par quatre chemins pour proposer ses solutions : " Seul l'établissement de nouveaux systèmes assurant des entrées légales et en sécurité dans l'Union Européenne peut finalement conduire à en finir avec cette tragédie humanitaire. ".
Ban Ki-Moon a prévu une réunion de haut niveau le 19 septembre 2016 à l'ONU pour définir "une réponse globale d'envergure mondiale face aux grands mouvements de réfugiés et de migrants" : " Cette réunion sera également l'occasion de démontrer une plus grande solidarité et une responsabilité partagée envers les pays qui accueillent la grande majorité des réfugiés. " (31 mai 2016).
Espérons que d'ici là, l'hécatombe n'aura pas encore progressé... au profit, non seulement de quelques passeurs, mais aussi de personnalités politiques qui n'hésitent pas à s'emparer du sujet de l'immigration pour faire fructifier leur petit capital électoral. La priorité humaine absolue, c'est d'abord de se préoccuper de protéger toutes ces vies en danger sur la mer ou en instance de l'être.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (02 juin 2016)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
2016 pire que 2015.
L'émigration massive des Irlandais.
Valeurs chrétiennes et valeurs républicaines.
L'esprit républicain.
Protégeons la vie humaine !
Ban Ki-Moon.
Fausses peurs et vrais défis.
La révocation de l'Édit de Nantes.
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François Hollande.
Jean-Claude Juncker.
Le coq devenu hérisson ?
Sauvez l'âme française (Koztoujours, le 3 septembre 2015).
Que sommes-nous devenus ? (Christian Schoettl, le 31 août 2015).
L'humanité échouée.
L'exemple allemand.
Aylan invité au Conseil de sécurité de l'ONU.
Lettre de Mgr Saliège le 23 août 1942 sur la personne humaine (texte intégral).
Les Français sont-ils vraiment eurosceptiques ?
Chaque vie humaine compte.
Rouge de honte.
Les drames de Lampedusa.
L'Europe doit faire quelque chose.
L'humain d'abord.
L'immigration en Hollandie.
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Les valeurs de la République.
Le gaullisme, c'est d'abord des valeurs.
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