Magazine Culture

Agatha Christie, Le major parlait trop (1964)

Par Ellettres @Ellettres
Agatha Christie, Le major parlait trop (1964)Lu en VO : A Caribbean Mystery.

Un Agatha Christie est toujours la promesse d'un bon moment, des retrouvailles avec une vieille amie dont on connaît le caractère et les manies, mais aussi l'indubitable génie pour nous raconter une énigme qui tient la route, avec un style et une ambiance inimitables.

J'avais déjà décelé ici les petites obsessions de celle que la presse appela " la duchesse de la mort " en son temps : la critique ironique des vices de la société moderne, l'apitoiement condescendant vis-à-vis des " jeunes ", le regret à peine voilé de la perte de savoir-vivre et de la raréfaction d'un bon personnel de maison, toutes remarques mises dans la bouche de ses personnages fétiches mais reflétant exactement la pensée de leur auteur à mon avis. On les retrouve évidemment surtout dans ses romans tardifs, ce qui est le cas ici. Mais ce qui m'a plu dans cet opus, c'est aussi qu'on a affaire à une bonne vieille intrigue en vase clos, dans le cadre de la villégiature ou du voyage, de la même veine que ses grands succès de l'entre-deux-guerres, comme Le Crime de l'Orient-Express, Mort sur le Nil ou le Train Bleu.

Et cherry on the cake, Miss Marple est de la partie ! Une vieille miss toujours aussi charmante, babillante et tricotante, mais cette fois-ci déterrée de son enclave campagnarde de St Mary's Mead : son neveu Raymond lui a en effet offert un séjour dans une île des Antilles, dans le luxueux Golden Palm Hotel tenu par un jeune couple avenant, Tim et Molly Kendal ! Le contraste entre la vieille Anglaise arrachée de son cottage et de ses petites habitudes, et l'éden paradisiaque des Caraïbes joue évidemment à plein : notre bonne Agatha ne se prive pas de livrer quelques tranches d'humour devant le spectacle d'une miss Marple en perte de repères, collet monté sur la plage, insensible à la grâce de la musique locale et désolée de n'être entourée que de vieux riches venus se dorer la pilule... Mais elle va vite se ressaisir et faire preuve d'une volonté de fer à l'heure où le ver s'introduit dans le fruit de ce paradis tropical...

... Très exactement au moment où l'inoffensif Major Palgrave, affecté d'une inoffensive propension à raconter à qui veut l'entendre ses exploits cynégétiques en Afrique, meurt un beau jour d'une maladie en apparence inoffensive. Personne ne s'en émeut, sauf miss Marple, tous sens en alerte. En effet, à la veille de sa mort, le Major lui avait parlé d'un meurtrier dont il détenait la photographie dans sa mallette, et de son curieux modus operandi, mais miss Marple n'y avait pas pris garde, assommée par la logorrhée de son interlocuteur...

Peu à peu elle lève certains doutes parmi la petite communauté des estivants : le vieux, caractériel et multimilliardaire Mr Rafiel, flanqué de sa secrétaire à tout faire qu'il rudoie et de son masseur douteux, le quatuor de botanistes Greg et Lucky Dyson et Edward et Evelyn Hillingdon dont les liens ne sont pas très clairs, le chanoine et sa sœur qui n'a pas ses yeux ni sa langue dans sa poche, et les autres, d'autant que la jeune et jolie propriétaire de l'hôtel se met à adopter un comportement de plus en plus étrange...

C'est un roman plein de faux-semblants, de on-dit, de rumeurs, avec une multitude de pistes possibles et de coupables éventuels pour plein de bonnes et différentes raisons. Si je me suis perdue en conjectures jusqu'au milieu du roman, je dois dire que c'est un des rares romans d'Agatha Christie où j'ai entrevu qui pouvait être le coupable avant la fin, et pourtant je l'ai lu dans les jours qui ont suivi la naissance de Mlle Z., les hormones en pagaille😉

Ça ne m'a pas empêchée de bien savourer cet opus exotique et la transformation de miss Marple en Bond Girl casse-cou !

Agatha Christie, Le major parlait trop (1964)
Une de mes rares contributions - entre deux tétées times - et tea times ! - au mois anglais (je n'attends pas le jour de la LC Agatha Christie, trop tardive !).

Avec une petite citation en guise de clin d'œil à notre temps pourri du moment : " Now that she had been here a week, Miss Marple had cured herself of the impulse to ask what the weather was like. The weather was always the same - fine. No interesting variations. " The many splendoured weather of an English day " she murmured to herself and wondered if it was a quotation, or whether she had made it up. There were, of course, hurricanes, or so she understood. But hurricanes were not weather in Miss Marple's sense of the word. They were more in the nature of an act of God. There was rain, short violent rainfall that lasted five minutes and stopped abruptly. Everything and everyone were wringing wet, but in another five minutes they were dry again. "

Agatha Christie, Le major parlait trop (1964)

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Ellettres 586 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines