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César Aira – Le congrès de littérature

Par Marellia
Le savant fou et ses masques
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César Aira – Le congrès de littérature [Bourgois 2016 - Traduit de l'espagnol (Argentine) par Marta Martinez-Valls]

César Aira – Le congrès de littérature
Article écrit pour Le Matricule des anges
Chez Aira, la nonchalance de ce qui semble s’écrire au fil de la plume n’est que jeu d’apparences. De fils entremêlés en aiguilles tarabiscotées, le train de sa fiction aime en cacher beaucoup d’autres. Ainsi se dessinent de belles enfilades cubistes. Le style amène de ses textes resserrés fait de la limpidité un réservoir à chausse-trappes. Le récit fonctionne par couches : couches de sens, mais aussi de forme ou de niveaux. Séries de calques qui dans l’illusion d’une transparence créent des monstres.
Le congrès de littérature - un « classique » de 1997 enfin traduit en français - tient de l’archétype. L’idée de base – car Aira est un auteur qui sait exploiter une bonne idée, quand bien même il le fera d’une manière tout sauf mécanique - se laisse résumer, croit-on : un écrivain invité à une importante rencontre littéraire au Venezuela s’avère être également un savant fou de bande–dessinées qui a pour projet de conquérir le monde avec une armée de clones. Mais pas n’importe lesquels, ceux-ci doivent s’inscrire dans une tradition de l’excellence, être pour tout dire des génies, au risque sinon pour le projet de tomber à l’eau. Le savant fou en question – un certain César Aira - ne l’est pas au point d’ignorer qu’une simple attaque frontale ne le mènera nulle part, pour nombreuse que soit son armée.
Son projet, au fond, est plus esthétique que pratique. C’est un esthète et la domination mondiale qu’il appelle de ses vœux semblera presque conceptuelle, comparée aux exactions des méchants des comics. La question deviendra dès lors de savoir qui cloner afin de garantir la réussite de son projet. Un de ses collègues du congrès, peut-être, écrivain mexicain très connu, auteur de pavés très sérieux, un certain Carlos Fuentes. Le genre d’auteurs qui représentent tout ce que le vrai Aira déteste en littérature. Mais, naturellement, rien ne se passera comme prévu, et la cellule à partir de laquelle il lancera le processus de clonage ne sera pas forcément la bonne. Tout confluera alors vers un final intense et précipité.
Aira travaille le cliché, l’élément pop, en le décontextualisant ou re-contextualisant à travers des procédés qui s’inventent peu à peu et ne font que rendre complexe ce qui aurait pu se résoudre simplement. L’improvisation sert à multiplier les pistes, voire à les empiler. Et ce dès le protagoniste principal : un certain César Aira, disions-nous, qui dans la vraie vie a très probablement été l’invité d’un congrès au Venezuela. L’autobiographie et l’invention d’un double qui se dédouble lui-même confluent dans un même personnage-hydre. D’autant qu’il est également un héros qui dans les premières pages a su résoudre la très ancienne énigme qu’avaient laissé en héritage les pirates : le « fil de Macouto », ingénieuse machinerie roussélienne qui cache un trésor qui vaut son pesant de doublons.
La vélocité propre aux récits de l’argentin trouve ici, dans la tête multiple du narrateur, la nécessité de « pauses explicatives », qui sont le véritable moteur du livre. C’est entre deux brasses dans la piscine de son hôtel qu’il nous les explique, en attendant que grandissent ses clones, à moins qu’il ne nous décrive une délirante pièce de théâtre de son cru. Ces pauses ne sont pas tant là pour récapituler les évènements que pour les « traduire » à un autre niveau, celui de la « fable », qui travaille à partir de concept plus généraux. L’intrigue feuilletonesque se révèle alors comme le masque d’une réflexion sur la création littéraire que ce vrai/faux Aira nous explique en direct. Sous de faux airs de pantalonnade, sa littérature est une affaire sérieuse.

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