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Nasser al-Qasabi, prophète (de malheur) en son pays…

Publié le 27 juin 2016 par Gonzo

Selfie 2 sur la chaîne MBCLa série Selfie, avec comme acteur principal Nasser al-Qasabi ( ناصر القصبي) fait à nouveau parler d’elle en Arabie saoudite. S’efforçant de traiter, sur le mode comique, l’extrémisme religieux d’une partie de la société, elle a démarré en fanfare avec un épisode intitulé ‘Ala madhabak (mot à mot « selon ton école juridique » mais l’expression pourrait se traduire par « chacun voit midi à son clocher »). Reprenant un scénario qui a déjà beaucoup servi dans nombre de comédies, celui de l’échange, dans une maternité, de deux bébés appartenant à des familles que tout oppose, il a proposé une version adaptée au contexte local en jouant bien entendu sur les tensions, aujourd’hui exacerbées, entre musulmans chiites et sunnites. Dans une société où l’on n’a pas trop l’habitude de plaisanter sur ces choses-là, les téléspectateurs saoudiens se sont pour une fois tordus de rire en voyant chacun des deux pères, des hommes de religion l’un et l’autre, tenter de ramener dans le droit chemin leur progéniture respective après vingt années d’éducation « dans l’erreur », ou plutôt dans l’horreur de l’autre confession !

Quand on avait évoqué la série Selfie dans CPA, il y a tout juste un an, c’était à l’occasion d’un autre épisode où, là encore, Al-Qasabi, sans abandonner le registre comique, réussissait à poser quelques-unes des questions qui hantent douloureusement la société de son pays. Cette fois-là, l’épisode, très longtemps commenté à l’époque, avait mis en scène un père partant chez les combattants de Daesh pour retrouver son fils lequel, enfermé dans son fanatisme, n’hésitait pas à se porter volontaire pour l’exécution de celui qui lui avait donné la vie.

Il y a quelques jours seulement, un fait divers particulièrement atroce a permis de mettre en évidence l’étonnante capacité d’Al-Qasabi et de ses scénaristes à se faire l’écho des débats qui agitent leur société. On a en effet enterré samedi dernier à Riyadh une femme de 67 ans, poignardé par deux de ses enfants, des jumeaux d’une vingtaine d’années, qui ont aussi tenté, sans succès, d’assassiner leur père, et un de leurs frères. Apparemment, les deux jeunes gens, sans aucun problème connu jusqu’alors, se sont livrés à ce crime parce que leur mère avait menacé de les dénoncer à la police après avoir découvert leur « conversion » aux idées de l’Etat islamique qu’ils se proposaient de rejoindre pour combattre.

Il va sans dire que l’opinion saoudienne est bouleversée par cette histoire qui met en évidence combien une partie de la jeunesse, sans que personne sache vraiment dans quelles proportions, est sensible aux pires dérives extrémistes. Simple fait divers ou crime politique, cet horrible matricide – car les deux jeunes gens avaient tendu un véritable piège à leur mère pour se débarrasser d’elle – montre combien la société saoudienne traverse une crise profonde. Pas seulement elle d’ailleurs car ce sont toutes les sociétés de la région qui semblent perdre leurs repères, prises dans la violence armée qui règne depuis si longtemps, en plus de tous les autres éléments de dislocation sociale qui font voler en éclats les interdits les plus sacrés. Pour se convaincre de l’empire de cette fascination mortifère, il suffit de constater le succès des multiples émissions de prétendu divertissement qui, à grand renfort de caméras cachées, mettent en scène, « pour de rire », les pires violences des bourreaux sanguinaires de l’Etat islamique et de ses émules. Le public arabe applaudit, apparemment ravi de suivre sur son petit écran la panique de quelques célébrités piégées par tel ou tel animateur qui leur fait croire qu’elles sont tombées aux mains de bourreaux sanguinaires.

Un sujet sur lequel on reviendra en principe la semaine prochaine en se contentant d’observer, pour l’heure, combien Nasser al-Qasabi, avec tout son humour et son courage − en plus de quelques fatwas vengeresses, il a naturellement reçu des menaces de mort à plus d’une reprise de la part de fanatiques divers et variés −, se montre un redoutable prophète de malheur en son pays…


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