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Vente silencieuse, de Marius Daniel Popescu

Publié le 28 juin 2016 par Francisrichard @francisrichard
Vente silencieuse, de Marius Daniel Popescu

La vente silencieuse est une expression qui est employée pour désigner une vente aux enchères qui se déroule sans commissaire-priseur. En lieu et place, les offres d'achat sont faites sur des feuilles de papier par les enchérisseurs...Sur ses feuilles de papier Marius Daniel Popescu offre sa vision poétique des êtres et des choses, en prose et en vers, libres, très libres, qui n'ont pas de prix...

Les êtres? Il s'agit surtout d'elle, son italienne, sa calinette (il est son calinou), son Irina, qu'il retrouve chez elle pour l'aimer ou dont il décrit les gestes quotidiens, depuis sa sortie du lit jusqu'au moment de le quitter pour aller au travail, ou encore qu'il revoit attablée au Poco Loco Mexican restaurant & bar, reconnaissant en elle [son] fusible entre [ses] sens et les mots.

Les êtres, ce sont aussi des inconnus, hommes ou femmes, qu'il rencontre dans des lieux lausannois, tels que La bossette ou Le Buffet de la Gare (un mois et une semaine avant sa fermeture), ou qui peuplent ses rêves, telle cette femme du guichet Nestlé à Saint-François, ou encore dont il lit l'annonce, comme cette maman de jour qui habite la capitale vaudoise et qui est une personne sérieuse, responsable et de confiance.

Les choses? Ce sont des choses très banales tels que des billets de loterie Neon, à gratter, ou une Girolle originale, cet instrument à racler le fromage. Mais, même quand ils les évoquent, les mots le ramènent immanquablement à elle: ainsi s'imagine-t-il être le numéro gagnant qu'elle encadre et l'objet de ménage lui rappelle-t-il ses exercices matinaux de yoga quand elle tourne autour de l'axe de l'une de ses jambes...

Dès qu'il l'observe l'enchantement commence pour lui qui se tutoie: Elle lit et elle se tient droite, son dos collé au dossier du siège, ses mains tiennent le livre ouvert et posé sur son sac à main noir et en cuir, tu vois comment les lettres qui composent les mots commencent à bouger et se mettent en marche, tu les vois avancer sur ses doigts, sur ses bras, elles vont sur sa blouse noire puis elles montent sur sa poitrine, elles vont sur ces trois grains de beauté, disposés en triangle...

Ce recueil est suivi de la réédition d'un autre, publié initialement en 1995 et intitulé 4 X 4 Poèmes tout-terrains. Le titre était bien trouvé puisque, pour le poète, tout était prétexte à poésie: des scènes de genre, des tickets de caisse de restaurants, de bistros ou de magasins etc. Et déjà, parmi ces poèmes en français (il en a écrit d'autres en roumain, sa langue maternelle), certains étaient consacrés à des femmes qui l'émouvaient, telle que celle-ci:

ses cheveux, comme une olive noire qui prend un bain mousseux,
glissaient entre mes doigts baladeurs, une de ses mains a touché ma nuque
et j'ai voulu couvrir ses lèvres d'un drap transparent aux indiscrétions,
quand j'ai senti ses fesses à travers les poches de son pantalon,
je me suis comparé à un pilote de voiture qui tourne éternellement
dans un giratoire sans sortie,
les seins petits comme des amandes, elle savait
que j'étais prêt à sauter en parachute depuis la hauteur de son cou crémeux
pour arriver et me casser la tête dans la chaleur de son ventre,

Comme il l'avait dit à son éditeur Giuseppe Merrone, dans un entretien qu'il lui avait accordé chez lui le 22 octobre 2010, Marius Daniel Popescu se conçoit d'abord comme un témoin, notamment témoin de la vie ici et maintenant dans ce qu'elle a de plus banal, donc de sacré. Et c'est bien ainsi que le lecteur perçoit sa vision poétique des êtres et des choses: certes il dit la banalité, mais il la dit si bien qu'elle en est comme transcendée...

Francis Richard

Vente silencieuse, Marius Daniel Popescu, 156 pages, BSN Press

Livre précédent:

Les couleurs de l'hirondelle, José Corti (2012)


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