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Jouer n'est pas (toujours) gagner !

Publié le 17 juin 2008 par Gigi75
Voici un jeu qui ne manque pas d'intérêt, et qui permet de comprendre le comportement psychologique d'acteurs attiré par le même produit, que ce soit sur les marchés financiers, ou dans la vie économique. Le premier à décrire le phénomène était l'économiste Martin Shubik.

Règles du jeu:
But: Il s'agit d'un jeu d'enchères, dont le but est d'encaisser un billet de 100€.
- Pour ré-enchérir sur la dernière offre, vous devez misez au moins 1€ de plus que l'enchère précédente.
- Celui qui a fait l'enchère la plus haute remporte le lot (ici le billet de 100€) contre le montant de son enchère.
- Le second doit payer aussi son enchère, mais ne remporte rien.
- Les autres sont dispensés de payer.

Acte I: Démarrage des enchères
Au début, vous trouverez toujours des personnes pour enchérir si la mise à prix est faible, disons 10€. En chérir à 11€ pour empocher un billet de 100€, ça vaut le coup ! ... la pompe est ammorcée.
Vous avez donc 2 prétendants, qui ont misés, disons 15€ le premier et 14€ le second. Si les enchères s'arrêtent là, celui qui a proposé 15€ empoche le billet de 100€, et le second doit payer 14€ sans rien avoir en retour. L'organisateur gagne donc 29€ pour un billet de 100€. Il n'est pas franchement gagnant à ce stade... Le seul gagnant est le plus téméraire, qui a un gain net de 85€ (100€-15€), puis vous avez la masse de ceux qui sont arrivés après la seconde place qui n'ont rien perdu ni gagné, puis le second qui a perdu 14€, et l'organisateur qui a perdu 71€ (100€-29€).
Sur les marchés, c'est comme si un concurrent remportait tout le marché en investissant un tout petit peu plus que son concurent le plus proche, et celui-ci rien du tout ! Et pourtant le niveau de mise est presque équivalent !

On en reste là ? Non assurément !
S'il y a une chance de gagner 100€ dans le jeu, les enchères vont monter bien au delà des 15€....

Acte II: Aspiration au gain
Les offres ont toutes les chances de monter, pour s'arrêter un moment à 50€. C'est un seuil spychologique. En effet, le premier gagne 50€ (il a misé 50€, mais empoche 100€, donc gagne 50€), le second perd 49€. L'organisateur récupère presque sa mise de 100€ (99€ exactement). Là, se pose une question pour les joueurs: ils savent qu'à partir de maintenant, celui qui ré-enchérir fait basculer l'organisateur dans une zone de gain certain. Si vous êtes second, que vous avez misé 49€, ne serez vous pas tenté de miser 51€ pour être de nouveau premier et empocher le billet ? Il vaut quand même mieux gagner 49€... que perdre 49€, non ?
Sur les marchés, quand il n'y a de la place que pour un seul candidat, au delà du seuil de 50%, il y a de forte chance qu'il n'y ai plus qu'un concurent. La compétition se fait à 2, les autres ayant abandonné.

Acte III: Prise de conscience du risque
Les offres dépassent maintenant 50€. Il y aura encore 2 gagnants (l'organisateur et le vainqueur), et un perdant (le maleureux second). Les candidats savent qu'ils font maintenant le jeu de l'organisateur, et il ne faut pas être second, car le premier pourra quand même encore rembourser le prix du billet... Le risque monte, mais le vainqueur est encore gagnant jusque 100€.

Acte IV: Où on perd
Là, celui qui est second avec sa mise à 99€ sait que s'il fait une offre à 101€, il perdra de l'argent. Va-t-il abandonner pour autant les 99€ et se déclarer perdant ? Tant qu'à perdre, autant ne perdre qu'un euro en étant premier avec une proposition à 101€, puisque le billet remboursera 100€. En proposant 101€, il passe d'une perte de 99€, à une perte de seulement 1€ s'il est le dernier à enchérir.
Continuera, continuera pas ? Quand le concurent va-t-il se retirer ? Jusqu'à quel point mon entreprise veut le marché ? Ici, on sait que même en continuant, on perd de l'argent, mais au moins, on élimine la concurence.
Là, c'est la guerre des nerfs. Chaque participant sait qu'il perdra de toutes façons, quoi qu'il arrive. Les enchères reprennent, le billet remboursant une partie, on a intérêt à finir premier quand même... Dans tous les cas, le premier perdra moins que le second. Celui qui arrête sera frustré de ne pas avoir gagné, quel que soit le montant atteint par les enchères, probablement bien au delà de 200€.... En effet, à 200€, on peut très bien se dire que gagner à ce seuil, c'est comme perdre à 100€, donc c'est équivalent, et autant finir premier et donc continuer à enchérir... Ce processus n'est pas sans fin. Il y a toujours un moment où l'un des partenaire arrête les frais, mais trop tard, et il le sait depuis longtemps en plus !

Analyse du jeu
Des psychologues ont montré qu'à partir du moment où les règles ont été bien comprises, la seule chose nécessaire pour mettre en route le processus, c'était que les deux premières enchères soient déclarées. À partir du moment où c'est le cas, il n'y aura aucune porte de sortie pour aucun des participants.
À moins que bien sûr, les deux meilleurs participants aient à un moment donné l'intelligence de faire un pacte et de s'entendre sur l'issue de l'enchère pour éviter que celui qui est second ne passe son temps à doubler le premier. L'expérience montre que ça n'arrive jamais, les concurents étant plus attachés à leur intérêt personnel qu'au sort de la collectivité.


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