Magazine Journal intime

Ce boulet que l'on traîne.

Par Galatai @Galatee
Ce boulet que l'on traîne. Nous sommes le 20 juillet 2016.
J'arrive dans la salle de dialyse. Il fait chaud. Très chaud.  Je me dirige vers la climatisation. Elle crache de l'air chaud non climatisé.
Je demande à l'infirmière la télécommande..
F. est en train de brancher Mr G. Lorsque je lui dis qu'il fait chaud, elle me dit qu'il fait bon et je n'ai pas qu'à me couvrir autant. Je porte un jean, un tee-shirt à manches courtes et un boléro léger en coton pour cacher le bras de ma fistule. 
Elle est en train de brancher Mr G.. Mr G déteste la climatisation. Il est d'une autre génération qui n'est pas habitué à la climatisation. 
F. prend à partie Mr G qui profite de cette opportunité pour me mettre des tirs sur ma manière de vivre. Il ajoute que je suis bizarre. Je le renvoie dans ses pénates, mais la situation s'envenime car F. ne calme pas du tout le jeu, au contraire.
Une fois Mr G. branché, elle part dans le bureau pour téléphoner au médecin.  Elle sait bien que ça va me desservir pour ma demande d'aller en auto-dialyse. 
Lorsqu'elle en sort et qu'elle se dirige vers moi pour me brancher, elle a le sourire aux lèvres. 
Je tente de lui expliquer que la climatisation n'est pas en marche vu qu'elle envoie de l'air chaud.  Rien à faire, elle ne m'entend pas. Elle ne m'écoute pas. 
C'est d'autant plus difficile à vivre pour moi car en ce moment j'ai des névralgies et l'air "frais" me soulage.  Je précise que je ne demande pas à dialyser dans un frigo, mais à une température de 23/24 ce qui est tout à fait acceptable. 
Je fais un peu ma mauvaise tête je l'avoue. Je refuse de lui dire mon poids, de prendre la tension et je m'auto-octroie 3 heures de dialyse. On ne se refait pas.. 
Pendant le branchement, Mr G. continue de me crier dessus. C'est un peu cauchemardesque.  J'ai les larmes aux yeux.
Elle me branche en ruminant. Elle part vers un autre patient. 
Pendant ce temps l'effervescence continue. La chaleur aussi.
Qu'ai je fait pour être punie de climatisation en ces temps de canicule? 
L'ambiance continue d'être pesante. Dans le couloir j'entend que les infirmières téléphonent à la cadre.
J'installe une application sur mon iPhone pour voir la température intérieure.  Ca indique 29°. Est-ce fiable? Je ne sais pas. 
Je demande à O. l'agent hôtelier si il fait chaud et si je me fais des idées. Je vois bien que lui aussi est embété par cette histoire. Il est entre deux eaux. Lui aussi décontenancé par cette grande bienveillance qu'il a pour les patients et les injustices qu'on peut subir parfois. Il ne peut pas faire grand-chose mais il me dit qu'il commence effectivement à faire chaud et que la climatisation envoie de l'air chaud. 
Je téléphone à T.  la cadre de garde que je connais. Elle était avant infirmière dans ce centre de dialyse. Les infirmières ont déjà téléphonés. 
Je suis dans tous mes états. Je ne sais plus ce que je veux. Repartir en centre lourd? Changer de centre? Pour moi tout s'emballe, je n'arrive pas à faire le tri dans ce que je veux (l'autodialyse de soirée) et que je suis capable de supporter (les injustices). 
T. me demande ce que je souhaite. Je lui dit que je souhaite que la climatisation fonctionne. Qu'au moins on éteigne la climatisation qui envoie de l'air chaud. 
Elle me demande si la climatisation à 24 m'irait. Je lui réponds que oui. C'est ce qu'on met d'habitude.. 
Je tente de lui faire pointer du doigt l'injustice de cette histoire (qui n'aurait pas dû en être une).  Je lui dis que je ne comprends pas qu'on s'étonne d'avoir des patients difficiles quand la structure en fabrique. Elle botte en touche. Ca y est, elle ne m'entend plus. 
Une infirmière finit par arriver avec la télécommande de la discorde. Elle affiche 20°. J'explique à la cadre qu'elle bug parfois. Rien à faire. Ca y est, mon boulet de patiente difficile revient au galop.  Je suis la fautive. 
On éteint et on remet la clim en marche et on met 24°. Le frais arrive enfin au bout de 1h30 de dialyse. Je remets 4h de dialyse.
Quelques minutes après, une infirmière vient dire à Mr G. qu'il doit se rassurer, que je ne serais pas là vendredi. 
A ces mots, je fonds en larmes. Je suis effondrée. On me fait porter la responsabilité de cette injustice.
Je ne comprends pas. Je me sens très mal. Je finit par téléphoner en pleurs à la directrice adjointe de cet établissement de dialyse. 
Je tente de lui expliquer entre deux hoquets ce qu'il se passe. 
Elle comprend vite car elle connait très bien F. 
Elle comprend que ma crainte c'est que cette histoire me desserve pour aller en auto-dialyse.
Elle me dit qu'elle va s'assurer que ce ne sera pas le cas. Je lui fais confiance. Cœurs sur elle.
Cette histoire se termine sur une note positive. Je finirais la dialyse tant bien que mal, très ébranlée par cette histoire.
En toute fin de dialyse, des machines pour administrer les perfusions tombent. Je sonne.  C'est F. qui arrive. Elle en profite pour me mettre un gros tir.  Je rétorque un peu, mais laisse vite tomber. Je suis épuisée.  Je n'ai plus la force de tenter de co-construire. 
Encore aujourd'hui je suis sous le choc. Je vois la psychologue de l'établissement tout à l'heure. 

On va faire un pansement et attendre la prochaine blessure.


J'ai peur de retourner en dialyse et de faire porter le poids de cette injustice à d'autres infirmières qui n'y peuvent rien. 
Je profite de cet article pour vous remercier encore de votre soutien dans ces moments difficiles. 
Vous êtes très présents, que ce soit sur Twitter, facebook, téléphone.... Merci encore.

Ce boulet que l'on traîne. 


Le patient est vulnérable. Ce n'est pas à lui de porter le poids des responsabilités des abus de pouvoir ou des maltraitances mais à  l'institution.


Edit: j'ai croisé la cadre aujourd'hui en allant voir la psychologue. Je crois que pour elle, je suis fautive.

Je suis si fatiguée.
Renaloo parle des abus et de la bienveillance dans les EGR.
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