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Obusite, le syndrome post-traumatique des Poilus

Par Marine @Rmlhistoire

Après avoir travaillé sur les conséquences physiques de la Première Guerre mondiale, les cicatrices, les mutilations et autres amputations, il me semblait important de vous parler des conséquences psychologiques (avec des impacts physiques)… Découvrez l’obusite, le mal des Poilus.

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L’obusite, une pathologie nouvelle ?

Le terme « obusite » est apparu lors de la Première Guerre mondiale. Les Poilus quittaient le front atteints d’une maladie nouvelle. Difficile à décrire car elle peut prendre différentes formes. On s’intéresse peu aux pathologies nerveuses, et surtout, on n’y comprend pas grand chose. L’obusite c’est aussi, le « choc émotionnel », la « névrose de guerre » ou « le syndrome des éboulés ». Aujourd’hui on appelle ça un « trouble de stress post-traumatique » ça se traduit par des cauchemars, des névroses mais aussi des troubles physiques.

On explique le trouble de stress post-traumatique ou l’obusite par un stress important, une peur omniprésente et surtout le fait que personne, non personne n’a envie de prendre un obus en travers de la tête. C’est vrai quoi. La guerre c’est de la peur et l’obusite en est le principal symptôme. Il y a également l’épuisement physique. Tu as déjà essayé de dormir entre les rats, les excréments et les obus dans une tranchée ? C’est pas évident.

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Selon les médecins de l’époque, on pense que les troubles comportementaux des Poilus sont dus à la distance que l’esprit du soldat veut (ou en tout cas DOIT) prendre avec la réalité. Comme pour se couper du monde, de la réalité, de la guerre. Un médecin psychiatre précise que l’obusite c’est lorsque « l’instinct de conservation se rebelle contre la guerre ». Les Anglais appelle l’obusite : le Shellshock.

Les symptômes de l’obusite

Pendant les combats, sur le front, dans les tranchées, tout le monde a peur. Mais lorsqu’il y a une explosion d’obus, de bombe, de mine ou de grenade, l’onde de choc produite sur les soldats peut être terrible. Les hommes peuvent être blessés physiquement, ensevelis, assommés, mais une fois rétablis, ils restent choqués. Le docteur Sicard, célèbre médecin de la Première Guerre mondiale et chef du service de neurologie à Marseille donne de nombreux exemples d’obusite. On les retrouve souvent accroupis ou pliés en deux, ils ne se relèvent pas.  Ils ont les yeux écarquillés. Certains sont devenus muets, sourds et même aveugles sans blessure particulière sur les organes, seulement du fait du choc et de la peur.

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Des soldats peuvent se mettre à vomir. On les appelle les « vomisseurs », ça leur prend n’importe quand et n’importe où. Et puis, il y a les trembleurs, ceux qui ne maîtrisent plus leurs membres. Ils tremblent, partout et tout le temps. Certains sont atteints de contractures des pieds ou des mains (varus equin) et d’autres de « chorée rythmique » , dans ce cas, le corps du Poilu se tord dans tous les sens. Évidemment, un Poilu touché par l’obusite ne peut pas retourner au front. Enfin, en théorie.

Simulation d’obusite et retour au front

L’obusite, ça vient comme ça : paf. Les mecs peuvent avoir passé des mois dans les tranchées et un beau jour, ils dégoupillent, on ne sait pas vraiment pourquoi ni comment mais c’est comme ça. On a aucun traitement et surtout, il faut du monde pour mener la guerre. Alors la politique militaire est de renvoyer le plus de mecs possible au front. Les moins touchés et ceux suspectés de simuler des obusites.

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Pour voir quels sont ceux qui simulent, les médecins utilisent des subterfuges. On annonce aux malades qu’ils vont être anesthésiés pour être soignés. Anesthésiés au chloroforme. Personne n’a vraiment envie d’y passer, alors ceux qui refusent sont menés devant le Conseil de guerre (avec le risque d’être fusillés), sauf s’ils acceptent de reprendre les armes.

Les différents traitements

Pendant la Première Guerre mondiale, les neuropsychiatres ont bien tenté de soigner les Poilus victimes d’obusite. Les mecs pensaient que c’était une forme d’hystérie et que les soldats étaient donc curables par « contre-suggestion ». Vulgairement, ça signifie qu’on peut les soigner en les contrariant. Genre, ton bras part vers la gauche, on le maintient vers la droite. Tu trembles ? On t’attache de partout. Non seulement ce genre de traitements est complètement inefficace, mais en plus, la douleur est telle qu’on pense à de la torture (pour rien).

En France, le médecin Clunet utilisait la flagellation pour tenter de soigner les malades d’obusite. Il frappait les soldats de plus en plus fort en leur disant des phrases gentilles, aimables. Il te casse le cerveau quoi. Pour que cela fonctionne, il ajoutait au réchauffement extérieur (les gifles), un réchauffement intérieur en faisant ingurgiter de l’eau-de-vie aux Poilus.

Évidemment, l’obusite n’a pas touché seulement les Français… Tous les soldats ont été victimes, en Allemagne, on a tenté de les soigner à l’aide de l’hypnotisme. En Angleterre, c’est une approche plus psychologique. On analyse les rêves des soldats (lorsqu’ils peuvent parler) et on travaille sur le traumatisme spécifique à la personne… L’idée est de travailler dans le subconscient des patients…

 

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En France, l’onde de choc d’un obus t’as rendu zinzin ? On va te foutre d’autres ondes dans le cerveau ou ailleurs  (les yeux, la jambe,le dos…) sur le corps à l’aide de l’électricité ! Bin tiens ! En voilà une idée qu’elle est bonne… Les médecins pensent que les Poilus s’auto-persuadent de leur maladie (du fait qu’il n’y a aucune lésion), alors un petit coup de jus et ça repart… En France, c’est le Service de Santé des armées qui le met en pratique. Dans le Jura, il existe un centre qui peut accueillir jusqu’à 200 victimes d’obusite. Un centre d’entraînement reconverti. Clairement, aucun effet positif du torpillage électrique n’a été démontré à moyen terme. A court terme, certains soldats voyaient leurs contractures disparaître, mais ça revenait assez vite. Il existait aussi des méthodes plus conventionnelles mais pas plus efficaces : bains, massages, gymnastique, médications sédatives ou toniques…

A ce jour, on ne sait toujours pas bien comment soigner les syndromes post-traumatiques, on apprend, on teste, on avance. Toutes les personnes sont différentes et les traitements doivent s’accompagner d’une psychothérapie individuelle, comme l’explique le Pr Brunet.

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