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Epandages de pesticides près des habitations : " Il y a souvent une pellicule jaunâtre sur la table "

Publié le 25 août 2016 par Bioaddict @bioaddict
Une étude publiée par l'association Générations Futures montre que les poussières des maisons, à proximité des champs traités, sont pleines de pesticides. Une vingtaine par foyer en moyenne. C'est vrai pendant la période des pulvérisations, au printemps et en été, mais également le reste de l'année.

Souvent contactée par des personnes qui se plaignent des nuisances des traitements chimiques, l'association Générations Futures a demandé à certaines d'entre elles d'aspirer des poussières intérieures pour les analyses. Leurs maisons sont situées à quelques mètres, tout au plus une trentaine, des zones traitées.

Mme. Parret, qui a participé à l'étude, témoigne : " Il y a souvent une pellicule jaunâtre sur la table "

" J'habite en zone de vergers de pomme, dans un hameau situé au sud de Lyon. Les vergers sont traités de mars à septembre. Y compris pendant l'heure des repas et pendant les jours fériés. Même quand il y a du vent. Nous recevons des gouttelettes de pulvérisations. Il y a souvent une pellicule jaunâtre sur la table. On ne sait pas ce que c'est. Il est impossible de communiquer avec l'agriculteur qui est dans son tracteur et ignore nos signes. Quand nous le voyons arriver avec sa combinaison, nous rentrons et nous fermons les fenêtres. Je me suis vraiment intéressée aux pesticides quand mon père a déclaré un lymphome. J'ai voulu savoir s'il était possible de pulvériser des pesticides aussi près des maisons -environ cinq mètres- et en zone de captage d'eau. J'ai contacté la Direction des affaires sanitaires et sociales. On m'a répondu que tout est normal. Pourtant en faisant des recherches, je me suis aperçu qu'il existe un lien entre les lymphomes et les pesticides . "

Vingt-deux riverains de vergers de pommes, de vignes, de grandes cultures (blé, maïs...) et de cultures mélangées ont envoyé à un laboratoire indépendant des échantillons de poussières aspirées en été, à l'aide d'un kit spécial. Cinq de ces riverains ont encore envoyé des poussières aspirées en hiver. Et 61 molécules ont été recherchées dans ces 27 échantillons.

Résultats : entre 8 et 30 pesticides ont été détectés par échantillon. En moyenne, chaque maison est polluée par une vingtaine de molécules, à raison de 17,6 mg par kilo de poussière. Les habitations proches des vignes sont les plus contaminées (26 pesticides en moyenne), devant les vergers (23,8 en moyenne) et les grandes cultures (14,37 en moyenne). Parmi ces pesticides, des molécules interdites depuis longtemps et des perturbateurs hormonaux, pour lesquels le règlement européen n'est toujours pas appliqué.

Douze perturbateurs endocriniens

Sur les vingt pesticides trouvés dans les poussières, douze sont des perturbateurs endocriniens (hormonaux) potentiels, soit plus de 60%. Plus grave : en concentration (quantité), ils représentent 98% des pesticides détectés (17,3 sur 17,6 mg/kg). Ces substances chimiques interfèrent avec le fonctionnement du système hormonal et induisent des effets néfastes sur l'organisme d'un individu et/ou de ses descendants.

Trois produits étaient présents dans 100% des échantillons : perméthrine (insecticide), tebuconazole (fongicide) et dimétromorphe (fongicide surtout utilisé contre le mildiou). Enfin, certains des pesticides retrouvés sont interdits depuis plusieurs années en France. C'est le cas du diuron (herbicide) interdit depuis 2008 et retrouvé dans 20 habitations sur 22, du metalaxyl retrouvé dans 13 habitations, du métolachlor retrouvé dans 12, etc. Soit au total, dix substances interdites ! La perméthrine, neurotoxique, pourrait provenir d'un usage domestique, elle est utilisée comme acaricide (matelas, oreillers). Les autres pesticides sont probablement d'origine agricole.

Ces résultats sont très proches de ceux obtenus par l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur (Oqai) qui a analysé les poussières de 145 logements en 2015.

En hiver, les concentrations ont baissé de 30% à 95% selon les pesticides. Mais ces derniers n'ont pas disparu des maisons. Cela signifie que les riverains des champs traités y sont exposés 24h sur 24h et 365 jours par an.

Les jeunes enfants sont les plus exposés

Quelles en sont les conséquences ? Difficile à dire. Les données neurotoxiques sur ces produits concernent surtout les effets aigus mais pas les effets chroniques de long terme. Quant aux effets cocktail, ils sont inconnus. On sait que les perturbateurs endocriniens (PE) agissent à très faibles doses. A 100, 1000 ou 10 000 fois moins que la dose journalière admissible. Particulièrement sur l'embryon, le foetus, le nourrisson. Et sur les jeunes enfants, qui sont les plus exposés car ils jouent à même le sol et portent les jouets à la bouche.

Sous la pression citoyenne, la Commission européenne a adopté une réglementation sur les perturbateurs endocriniens. Son principe : un pesticide qui perturbe le système hormonal ne peut être autorisé. Cependant, elle n'a toujours pas donné une définition de ces produits, attendue depuis fin 2013. A tel point que le tribunal de l'Union européenne l'a condamnée en décembre 2015 pour manquement à ses obligations. La Suède a porté plainte. Depuis deux ans, les lobbies font pression pour obtenir une définition laxiste et pouvoir utiliser des dérogations. Leur but : ne pas avoir à retirer de pesticides du marché.

Coût des perturbateurs endocriniens : 12 milliards d'euros par an en France

" La Commission européenne a fait évaluer les conséquences économiques d'une suppression des perturbateurs endocriniens mais ne fait rien pour les citoyens. Les lobbies sont en train de réécrire le texte à leur avantage alors qu'on a le meilleur règlement du monde. C'est un scandale démocratique. Si on écoute les lobbies, on retirera entre zéro et deux molécules du marché. Si on écoute les scientifiques, plus de 30 sont à retirer ", a déclaré François Veillerette, directeur de l'association Générations Futures.

" Le coût des perturbateurs endocriniens a pourtant été estimé à 153 milliards d'euros par an pour l'Union européenne par l'Endocrine society, dont 120 milliards sont liés aux pesticides. Soit environ 12 milliards d'euros pour la France, ce qui est supérieur au déficit de la Sécurité sociale ", a-t-il rappelé.

Générations Futures va écrire au gouvernement pour lui demander de réagir sans délai à la situation que l'étude révèle. " Il y a urgence à modifier les pratiques agricoles et à faire interdire les pulvérisations des pesticides de synthèse à proximité des zones habitées ", a conclu François Veillerette.

Anne-Françoise Roger

Voir l'enquête EXPPERT 6 (analyses de poussière): des riverains de zones cultivées exposés aux pesticides chez eux tout au long de l'année !


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