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Louis Soutter, probablement, de Michel Layaz

Publié le 20 septembre 2016 par Francisrichard @francisrichard
Louis Soutter, probablement, de Michel Layaz Louis Soutter, probablement.

Ce sont les trois derniers mots du livre de Michel Layaz. Ils se rapportent à ce qu'aurait murmuré Louis Soutter (1871 - 1942) s'il s'était exprimé sur la liberté, mais ils pourraient tout aussi bien résumer laconiquement ce qu'a voulu faire l'auteur avec ce livre intitulé ainsi.

Il semble en effet que l'auteur ait voulu écrire une biographie du peintre et du dessinateur, qui ne soit pas une simple histoire de sa vie, mais qui n'en soit pas non plus le roman. Il raconte son histoire comme s'il connaissait ou devinait de lui les actes et les pensées les plus intimes.

C'est donc un portrait probable de Louis Soutter que Michel Layaz dresse, un homme qui aura eu tout pour réussir dans la vie, mais qui ne réussira pas, de son vivant, selon les canons habituels. Ses peintures et ses dessins seront méconnus, à l'exception de quelques grands esprits.

A seize ans, n'est-il pas un des meilleurs élèves de sa classe? Seulement il a de mauvaises notes de conduite et sa mère, oublieuse des bonnes, le lui reproche de manière injuste et excessive. Aussi Louis s'attriste-t-il de ne pas être autant aimé de sa mère qu'il le souhaiterait.

A vingt-sept ans, n'est-il pas marié à la belle Madge, une Américaine, une vraie, riche de surcroît? Après des débuts prometteurs comme musicien, il a bifurqué vers la peinture et sa femme fait tout pour qu'il devienne directeur des Beaux-Arts, chez elle, à Colorado Springs.

Seulement Louis Soutter ne veut pas d'enfant, alors que Madge en veut un. Il retourne en Europe, officiellement pour se vivifier. Il y est à peine arrivé que Madge demande le divorce. Il se rend à Morges chez ses parents. Sa mère dissimule la débâcle de l'enfant désenchanteur ...

Commence une vie d'errance pour Louis, redevenu musicien. Il ne se comporte pas comme sa famille voudrait. Il ne tient pas de propos cohérents. Il brûle tout ce qu'il gagne. Il bafoue les bonnes moeurs. En résumé: il vitde travers et met à mort ses talents; il refuse de réussir...

Ces années d'errance se terminent à l'Asile du Jura, à Ballaigues, où il est placé par sa famille à 52 ans. Cet artiste d' une noblesse vulnérable et d' une sensibilité inquiète y restera dix-neuf ans. C'est là que, privé de liberté, il en trouvera peut-être d'autres, inégalables, insolentes .

Il y dessinera et peindra comme personne. Au moins deux amateurs d'art le reconnaîtront, son cousin Charles-Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier, et l'écrivain Jean Giono. Au moins deux peintres l'admireront, René Auberjonois et Marcel Poncet. Tous quatre seront des amis.

Le dessin et la peinture seront pour lui les moyens de s'évader de l'Asile, lui qui aurait tant voulu travailler pour subvenir à ses besoins, n'être assisté par personne, vivre libre, avec économie, sans grande dépense , être digne, être maître de lui, mener sa vie, bref ne rien devoir à l'Asile.

Charles-Edouard, dans le livre, porte ce jugement sur Louis: Un artiste hors pair, une sorte de médium qui inventait une cosmogonie ténébreuse et éblouissante, un sismographe qui, en captant aussi bien ses inquiétudes que celles de son époque, renvoyait tout spectateur à ses propres angoisses.

Et Charles-Edouard, toujours dans le livre, se pose cette terrible question, que tout spectateur de son oeuvre ne peut que se poser: Quel vide, quelle perte, quel désastre, quelle affliction [...] doit-on vivre pour enfanter tout cela? Le livre de Michel Layaz y répond, probablement.

Francis Richard

PS

Jusqu'au 30 octobre 2016, des oeuvres de Louis Soutter sont accrochées à la Fondation de l'Hermitage, à Lausanne, dans le cadre de l'exposition Basquiat, Dubuffet, Soulages...une collection privée .

Louis Soutter, probablement, Michel Layaz, 240 pages Zoé


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