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Libérer l’économie pour consolider la démocratie en Afrique

Publié le 28 septembre 2016 par Unmondelibre
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Après la grande vague de libération du joug des colonisateurs européens, est venu le temps de la libération des despotes africains. Certains appellent cela la deuxième vague de libération de l'Afrique. Depuis la fin de la guerre froide, la démocratie multipartite s’est largement diffusée sur le continent. Et pourtant, la démocratie africaine est au mieux au point mort, sinon en recul.

Trop souvent, il s’agit d’une sorte de pseudo-démocratie non-libérale dans laquelle le pouvoir sortant diabolise l'opposition, exploite les moyens de l'Etat pour fausser la compétition électorale en sa faveur et écarter toute susceptible contrainte sur son pouvoir. C’est inquiétant sur un continent les institutions sont encore fragiles, en proie à la corruption, dont les économies sont en plus affaiblies par la chute des cours des matières premières. Pour que l'Afrique exploite son véritable potentiel, le jeune et dynamique continent va devoir rectifier son zèle pour la démocratie.

La Zambie a été l'un des premiers pays africains à passer par une transition démocratique, lorsque Kenneth Kaunda a quitté le pouvoir après avoir perdu l’élection de 1991. Edgar Lungu a alors pris la présidence avec une majorité mince après avoir mené une campagne marquée par le harcèlement de l’opposition, la fermeture du principal journal indépendant du pays, des accusations de fraude électorale et des manifestations de rue. Quant à l’Afrique centrale, les dirigeants en place sont en train de changer ou de contourner la limitation du nombre de mandats présidentiels pour rester au pouvoir, provoquant souvent des troubles. Au Kenya, la tension politique monte, il existe un vrai risque de violences post-électorales lors des prochaines élections générales de 2017.

Freedom House, un think-tank américain, estime qu'en 1973, seulement 30% des pays d'Afrique subsaharienne étaient «libres» ou «partiellement libres». Dans son dernier rapport, la part est de 59%. C'est certes une grande amélioration, qu’il convient cependant de pondérer puisque cette part était de 71% en 2008. Il y a donc une régression. Le nombre de pays «non libres» reste donc important et de nombreux Etats sont jugés défaillants ou fragiles.

Les Africains méritent mieux. Pour que la démocratie devienne effective, les gagnants  devraient cesser d’être cupides, les perdants devraient accepter la défaite et les deux ont besoin d'institutions qui assureront l’arbitrage pour une meilleure stabilité. Pourtant, il est rare que ces éléments soient réunis. La meilleure façon pour la démocratie de prospérer serait d'élargir et de renforcer la nouvelle classe moyenne de l'Afrique. De plus en plus connectés au monde, les Africains connaissent mieux que quiconque les lacunes de leurs dirigeants. Prenez l'Afrique du Sud, en dépit de sa constitution modèle, de sa presse dynamique et de son économie diversifiée, son image a été ternie par son président, Jacob Zuma. Il a « déformé » des institutions, parmi lesquelles des organismes chargés de la lutte contre la corruption. En réponse, l'Afrique du Sud a montré le pouvoir des électeurs. Ainsi, lors des récentes élections municipales, le puissant Congrès national africain (ANC) a perdu le contrôle des grandes villes. Pour la première fois, une alternative plausible est rendue possible grâce au parti libéral (Alliance Démocratique).

Les différents index de la liberté économique montrent clairement que les sociétés libres et les économies libres se renforcent mutuellement. La liberté étant le bien commun par excellence, les pays africains doivent donc s’atteler à diversifier leurs économies pour s’affranchir du piège l’exportation de produits bruts. Ceci implique la libéralisation des marchés et le renforcement des institutions indépendantes. Le reste du monde peut aider en élargissant l'accès des produits africains aux marchés des pays riches, en particulier dans l'agriculture.

En plus de promouvoir une classe moyenne, la diversification de l’économie atténue la malédiction de la politique inégalitaire du « gagnant emporte tout ». Lorsque la richesse d'un pays provient essentiellement de l’exploitation des ressources naturelles, le contexte est favorable à la mauvaise gouvernance. Le problème est aggravé par la forme complexe, multi-ethnique de nombreux pays africains, dont les frontières ont été tracées à l’équerre par les colons. Les votes suivent souvent des affinités tribales ou claniques plutôt que des idéologies, ce qui a tendance à fausser le jeu politique. Ainsi, perdre une élection peut signifier être exclu de façon permanente de la manne des ressources naturelles. Réformer ces régimes nécessite de mettre en œuvre des politiques de décentralisation (comme au Kenya), voire de fédéralisme (comme au Nigeria).

Comment le monde peut-il aider les pays africains si ce n’est pas le biais des échanges ? La Chine est certes devenue le plus grand partenaire commercial de l'Afrique, en fournissant une aide et de l'investissement sans se soucier de l’état de droit et des droits de l'homme. Cependant, avec le ralentissement de l’économie chinoise, d’évidence, l’aide à des autocrates africains va devenir le cadet des soucis des dirigeants chinois. D’un autre côté, malgré la baisse de l’influence occidentale en Afrique, pour des raisons historiques, l’aide et les investissements vont continuer. Cependant, dans un contexte où la baisse du coût de pétrole dessert l’étaux autour des occidentaux, il est fort à parier que de nouvelles exigences se dégagent et que les nouveaux prêts et investissements soient conditionnés par le renforcement des institutions de manière à réduire les risques liés aux investissements . La liberté économique arrive donc au centre des préoccupations et les autocrates africains vont devoir rompre le cercle de leur pouvoir absolu pour s’ouvrir à plus de transparence. La liberté est le terreau de la démocratie.

Le danger est qu’avec la montée du terrorisme, les Occidentaux favorisent le combat contre les djihadistes en marginalisant les préoccupations démocratiques, essentiellement dans les régions  autour de la Corne de l'Afrique et du Sahel. C'est un objectif de court terme! Des décennies de lutte contre le terrorisme nous apprennent que les meilleurs remparts contre l'extrémisme sont des Etats plus prospères et justes. Cela ne sera possible que si les institutions sont au service de la volonté du peuple.

Article publié par « The Economist » et repris par Aficanliberty.org. Traduction réalisée par Libre Afrique. Le 28 septembre 2016.


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