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Quand on aura 20 ans en l’an 2020.

Publié le 20 juin 2008 par Ad
J’étais bien derrière papa accrochée à sa taille. La supercub vrombissait sur Nguyen Huu Canh street, parfois elle était noyée à cause des inondations, mais c’était marrant quand il gueulait comme un buffle. Je me souviens des gros camions qui klaxonnaient fort sous la pluie de fin de journée. Tous les jours je rentrais de l’école en Ao Dai avec lui, souvent protégée sous sa cap de pluie. Il me ramenait à la maison et j’observais ma ville agitée. 30 minutes au milieu des motos, des fumets de grillades, des triporteurs et des cyclos. On rentrait vers notre petite maison verte et rose. On vivait tous ensemble avec maman, mamie et mes frères et sœurs.

Mamie était tellement ridée qu’avec ses yeux bridés on ne voyait plus son iris. On aurait dit qu’elle souriait tout le temps, mais en fait elle chiquait du bétel ce qui la faisait grimacer.

Maman partait travailler à 17h quand je rentrais : elle était « collecteuse ». Aujourd’hui son métier a disparu ; les éboueurs sont arrivés. Des fois elle ramenait des petites merveilles usagées qui trônaient à côtés de mon oreiller. Mon lit en bois était aussi celui de maman et de ma jeune sœur même si on n’avait pas besoin de se tenir chaud la nuit.

Aujourd’hui j’habite en banlieue à 30 minutes de métro du centre dans un appartement à loyer modéré. J’ai mon propre lit pas toujours propre, mon ordinateur, mon frigo, mon four à micro-onde, bref l’indispensable pour survivre avec des soupes pho déshydratées. Dans le coin de la pièce, la photo d’identité de mamie sur fond bleu ciel brille dans le mini autel des ancêtres acheté chez Big C. Papa n’est plus livreur chez Guido mais il continue de dormir sur sa moto.

Il m’arrive de penser en anglais toute la journée tellement le Vietnamien disparaît. Même dans la tête d’une petite secrétaire comme moi.

Demain est un jour très important pour mois, je vais à Nha Trang pour le concours de Miss Vietnam. Je représente Ho Chi Minh Ville, alors j’emporte mon plus belle Ao Dai ; le blanc avec des roses brodées. Ca fait un peu écolière mais le jury craque à chaque fois avec ma peau bronzée.

Dans le taxi qui m’emmène à l’aéroport je rêvasse du temps passé : la fin du parti unique en 2010, les JO d’Ho Chi Minh de 2016, la dévaluation du dong, mon premier copain français... Mais je viens de passer devant la palissade verte sur Nguyen Huu Canh et… le Manor 2 n’est toujours pas construit.


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