Magazine Culture

Les 7 Mercenaires, Antoine Fuqua (2016) 1879. Dans la tou...

Par Quinquin @sionmettaitles1

Les 7 Mercenaires, Antoine Fuqua (2016)

261619-jpg-c_215_290_x-f_jpg-q_x-xxyxx

1879. Dans la touffeur et la poussière de la petite ville de Rose Creek, Bartholomew Bogue, homme d’affaires véreux et violent, tient entre ses mains le destin de toute une communauté assujettie à ses désirs mégalomaniaques. Tandis que chacun se mure dans le silence et la peur face aux intrusions sanguinaires de Bogue, une femme décide de changer la donne et engage sept hommes, sept mercenaires, afin de débarrasser leur plancher de cette engeance perfide…

Antoine Fuqua n’était, jusqu’ici, l’homme que d’un seul film, l’excellent L’Élite de Brooklyn sorti en 2010. Depuis, il n’a pas franchement brillé par son génie cinématographique, c’est le moins que l’on puisse dire. Avec cette nouvelle tentative le réalisateur américain revient en odeur de sainteté et évite donc un effroyable « règlement de comptes à O.K. Corral », bien que ce remake de Les Sept Mercenaires (1961) de John Sturges – lui-même inspiré de Les Sept Samuraïs de Kurosawa – présente certaines lacunes.

Avant toute chose, je me dois d’avouer m’être rendue dans une salle obscure provoquer du mercenaire uniquement pour goûter le plaisir de lui trouer la peau, peu encline à apprécier une version a priori charcutée de l’un de mes films cultes. Malheureusement pour moi, c’est précisément dans ces instants de morgue et de méchanceté primaire que l’on a tendance à se prendre les pieds dans le cactus, contrainte aujourd’hui de reconnaître que, malgré des maladresses et une direction d’acteurs discutable, cette réinterprétation bien intentionnée ne cherche aucunement à s’aligner prétentieusement sur l’original mais plutôt à lui rendre hommage en toute humilité, sans se satisfaire d’un vulgaire et avorté copier-coller. En trouvant sa voie et son identité propre, Les 7 Mercenaires nouvelle vague apporte un vent de fraîcheur mâtiné d’un fond sociologique astucieusement pensé ; car l’époque a changé, et si en 1961 Calvera, le chef des bandits, martyrisait un petit village mexicain dans l’unique but de le piller, aujourd’hui c’est la figure de l’industriel fou, cupide et expansionniste qui prend le dessus, visage déformé du libéralisme augurant un film en accord avec notre époque.

En dehors d’un scénario plutôt intelligent donc, le long-métrage de Fuqua se devait (c’était la base) d’aligner des personnalités fortes et singulières bien qu’indissociables. Le cinéaste présente – en sus de l’élégante et pugnace Haley Bennett –  un groupe  d’hommes de tous horizons, mixité de bon aloi qui ne rattrape malheureusement pas une erreur d’assemblage. Il fallait sept hommes (moins, cela aurait fait tâche) mais trois seulement parviennent à tirer leur Stetson du jeu, les quatre autres ayant à mon grand regret des allures de personnages secondaires trop peu exploités voire largement sous-employés. Si Denzel Washington (dans le rôle de Yul Brynner) se fond dans la sagesse et la bienveillance de ce dernier, il n’en a clairement pas le charisme, s’apparente plus à un Zorro coquet qu’à un dieu du barillet, copieusement éclipsé de surcroît par Chris Pratt (l’énorme surprise) en Steve McQueen des temps modernes qui, contre toute attente, en a l’allure, le regard coquin et cette attitude d’électron libre roublard et extrêmement séduisant. Ethan Hawke lui distille une présence magnétique – belle gueule cassée et névrosée à souhait renvoyant à Richard Vaughn – et forme un duo attachant avec Byung-Hun Lee, taiseux, agile et simplement efficace. Manuel Garcia-Rulfo (le Mexicain) et Martin Sensmeier (le Comanche) semblent de leur côté avoir été enterrés sous le plancher d’un saloon, laissés-pour-compte tristement insignifiants qui maintiennent néanmoins une certaine crédibilité, contrairement à Vincent D’Onofrio à qui revient la palme du ridicule, perdu et avachi dans la peau d’une espèce de trappeur flanqué d’une voix de fausset à la croisée entre le Père Noël, Davy Crockett et un vieil ermite illuminé. Reste Peter Sarsgaard (Bogue), impeccable dans son costume de méchant taillé sur-mesure et dont le jeu se rapproche beaucoup plus de l’exceptionnel Gary Oldman dans Léon que du génial et fourbe Eli Wallach dans la version de Sturges. Si Fuqua reprend les codes du western (œil plissé, jambes arquées, « Colt-tourniquet »…) il n’en maîtrise malheureusement pas toujours la profondeur, faisant de certains de ses personnages de laborieux « poseurs » endimanchés plus que d’adroits et intrigants justiciers. Et si dans le film de Sturges l’on pouvait noter une complémentarité entre les comédiens, chez Fuqua chacun joue sa partition indépendamment les uns des autres sans créer de véritable unité. Qu’importe cela fonctionne…

Antoine Fuqua s’en sort donc bien grâce à une photo élégante, une histoire prenante et des acteurs malgré tout investis. Cependant, la réalisation reste placidement académique voire fainéante, heureusement ravivée par un montage habile octroyant intensité et épaisseur à un long-métrage qui, faute de quoi, aurait pu devenir aussi peu attractif qu’un désert balayé par les vents. Les dialogues ne sont pas d’une efficacité exemplaire, particulièrement incisifs ou inspirés mais l’on remarque quelques fulgurances et l’ingénieuse idée d’intégrer des répliques tirées de l’original, ainsi qu’un générique de fin en forme de clin d’œil à son aîné.

Le spectateur, sans être soufflé par une production inoubliable, se prend au jeu et s’étouffe de se laisser charmer malgré lui par une œuvre sans prétention mais bien ficelée et dont la narration un brin flemmarde en préambule parvient à s’étoffer au fur et à mesure. Au final Les 7 Mercenaires est un film sympathique, agréable et divertissant qui évite habilement « la corde au cou »…



Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Quinquin 197 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines