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La véritable origine de l’automne (49)

Publié le 06 octobre 2016 par Nicolas Esse @nicolasesse

Un long frisson sinueux court le long des branches. Prudent, le serpent s’aventure vers la base de la ramure d’où sa tête émerge à moitié.
– Qu’est-ce que tu attends ? Descends de là !
– Non. Pas question.
– Il faut qu’on discute, descends, s’il te plaît.
– Tu m’as menacé tout à l’heure
– J’étais énervé.
– Mes écailles, Adam, tu voulais me les faire bouffer.
– Excuse-moi, j’étais énervé.
– Et maintenant tu t’es calmé.
– Et maintenant, je me suis calmé. Comment on fait pour les bébés ?

Le serpent brillant émerge du feuillage, glisse le long du tronc, sur l’herbe rase où il s’étend, tous anneaux bandés, à bonne distance d’Adam.
– Je ne comprends pas.
– Qu’est-ce que tu ne comprends pas ?
– Tu as commencé à râler à la seconde même où Dieu t’a posé ici. Il fait toujours trop chaud, trop froid, trop tiède. Tu vas toujours attraper un rhume ou un coup de soleil. Les fruits ne sont pas assez mûrs. L’eau a un goût de poisson. Les éléphants t’empêchent de dormir. Tu t’ennuies à mourir.
– Là, tu exagères.
– J’exagère. J’EXAGÈRE ! Dieu tempère la température. Il fait passer des nuages devant le soleil pour protéger ta peau de pêche. Il sucre les fruits. Il invente le presse-agrumes. L’eau claire des rivières. Un abri insonorisé pour que tu puisses dormir en paix.
– J’ai le sommeil léger.
– Et enfin, enfin ! Pour remplir le vide abyssal de toutes les heures inutiles où tu cherches en vain une nouvelle raison de te plaindre, il t’envoie cette personne qui te parle, qui te comprend, que tu pourras aimer un jour, si jamais tu te découvres un cœur au milieu de ton gras. Tu pourrais juste t’asseoir deux secondes et regarder autour de toi. Dire merci, juste une seule fois. Mais non, il te faut toujours autre chose, un nouvel objet, un nouveau jouet que tu oublieras dès que Dieu l’aura inventé pour toi.
– Tous les animaux ont des enfants, pourquoi pas moi ?
– Et pourquoi pas moi ?
– Je ne sais pas.
– Moi non plus, je ne sais pas. Et alors ? Ça ne m’empêche pas de regarder le ciel, de m’étendre au soleil sur une pierre plate pour réchauffer mes anneaux. D’aimer le silence et le bruit du vent.
– Moi aussi, j’aimerais avoir un enfant.
– Toi, Ève, c’est différent.



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