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Duchamp et après

Publié le 12 octobre 2016 par Pantalaskas @chapeau_noir

Prix Marcel Duchamp 2016

Depuis un siècle passé à accepter le geste décisif de Marcel Duchamp, les jeunes fantassins de l’art contemporain, mousqueton au poing, n’ont cessé de défricher de nouveaux territoires en suivant ce chemin tracé  avec une telle radicalité. Actuellement quatre nouveaux mousquetaires de Duchamp se partagent les espaces du Centre Pompidou à Paris dans ce dernier carré des nommés au prix Marcel Duchamp 2016. Cette présentation offre à tous la même visibilité sans attendre que soit désigné le lauréat dans les prochains jours.
Aujourd’hui la pratique de ces artistes s’enracine dans son époque, travail impliqué dans les enjeux sociétaux auxquels les hommes doivent faire face.

Barthelemy Toguo au Centre Pomidou de Paris

Barthelemy Toguo au Centre Pompidou de Paris

Kader Attia, Yto Barrada, Ulla von Brandenburg, Barthélémy Toguo révèlent, chacun avec la spécificité de sa proposition, la dimension quasi pathologique de leur recherche. Les interviews vidéo par Kader Attia de chirurgiens, de neurologues, de psychanalystes autour du « phénomène du membre fantôme consécutif à des amputations », l’évocation par Yto Barrada de l’ethnologue française Thérèse Rivière dont la mission en Afrique du Nord entre les deux guerres débouche sur un internement, la vision artistique surprenante des virus Ebola et du Sida par Barthélémy Toguo corroborent cette mise au premier plan des symptômes périlleux pour la vie des hommes. Seule la proposition d’Ulla Von Brandenburg, avec une chorégraphie agencée dans un univers où la couleur est considérée comme message social m’ a semblé échapper à cette fragilité maladive mise en scène par les autres artistes.
Déja en 2015, Yto Barrada présentait au Carré d’Art à Nîmes une série de photographies sur un ensemble de jouets d’enfants d’Afrique du nord conservés au Musée du Quai Branly à Paris, objets collectés par Thérèse Rivière, ethnographe française qui avait réuni dessins, jouets mais aussi des sons. Cette élève de Marcel Mauss, sœur cadette de Georges Henri Rivière fondateur du Musée national des arts et traditions populaires à Paris, devait connaître un destin tourmenté par la maladie jusqu’à son décès en hôpital psychiatrique en 1970. Ici, l’artiste se livre à une reconstitution  imaginaire de la chambre de Thérèse.

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Barthélémy Toguo

Barthélémy Toguo connaît actuellement une visibilité accrue, notamment avec une imposante exposition au Carré Sainte-Anne à Montpellier : « Déluge » : « Le « déluge » est là presque partout, les ouragans, les tsunamis, le feu, les massacres, la guerre, l’exil, les naufrages, les frontières qui se ferment ». Au Centre Pompidou, ce sont les ravages d’Ebola et du Sida qui se retrouvent étonnamment « magnifiés » par Barthélémy Toguo à travers la création de vases de porcelaine monumentaux réalisés en Chine après l’observation, en collaboration avec l’Institut Pasteur, de cellules infectées. Modélisées en trois dimensions, ces cellules accèdent, sur une paillasse de laboratoire, au statut de sculptures immaculées.
L’an passé à la Biennale de Lyon, Kader Attia proposait  dans un labyrinthe de bureau en open space « Réparer l’irréparable » :  vidéos d’interviews de philosophes, d’ethnologues, d’historiens, de psychiatres, de psychanalystes, de musicologues, de patients, de guérisseurs, de féticheurs, de griots, mêlant explications rationnelles et représentations irrationnelles de ce que l’Occident nomme la psychiatrie. Cette même démarche au Centre Pompidou prolonge ce questionnement sur l’humain avec la préoccupation renouvelée d’une confrontation des cultures.

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Ulla von Brandenburg Centre Pompidou Paris 2016 (vidéo)

C’est avec Ulla von Brandenburg qu’une approche davantage ludique me semble réconcilier l’être humain avec la couleur, le mouvement, la lumière, le jeu. Quand bien même le rituel mis en scène par l’artiste se voit rattaché aux préoccupations des autres nommés du prix Duchamp, j’ai retrouvé ici la fraicheur plastique de « L’éphémère est éternel » écrit en une nuit par Michel Seuphor dans les années vingt, théâtre que le Centre Pompidou présentait dans ses murs avec les décors de Mondrian à Paris il y a près de quarante années.

Photos : Oeuvre Ulla von Brandenburg: courtersy Centre Pompidou (C) Adagp Paris2016 Autres oeuvres : de l’auteur Prix Marcel Duchamp 2016
Les Nommés
12 octobre 2016 – 30 janvier 2017Galerie 3 – Centre Pompidou, Paris

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