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Montreuil : bras de fer entre la municipalité et des Roms attachés à la ville

Publié le 14 octobre 2016 par Blanchemanche
#Montreuil #Roms
Par Balla Fofana — 

Mardi, suite à une intervention policière dans un camp rom installé place Jean-Jaurès, six personnes ont reçu une obligation de quitter le territoire. Une dizaine de familles reste sur place.

Campement de Roms sur la place Jean Jaurès à MontreuilCampement de Roms sur la place Jean Jaurès à MontreuilA quelques mètres de la mairie de Montreuil, la place Jean-Jaurès abrite depuis trois mois une dizaine de tentes coincées sous quelques arbres dénudés par l’automne. En ce mercredi après-midi, la place fourmille de promeneurs venus profiter des quelques rayons de soleil. Des passants accompagnés de leurs enfants se rendent au cinéma ou au théâtre qui jouxte les habitations roms de fortune que la routine assassine a fait fusionner avec le mobilier urbain.Le campement improvisé se remet lentement de l’opération policière de mardi matin à l’issue de laquelle six personnes, sur les trente Roms qui peuplent une portion de la place, ont reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Aucune des six personnes n'est présente sur le camp relativement vide. Il est 13 heures et beaucoup ne reviennnent qu'en début de soirée.  Malgré les OQTF les familles sont determinées à rester sur la place. «Ils sont arrivés [les policiers] tôt le matin. Beaucoup dormaient encore. On a eu peur» explique Elisabeth Moldovan, 33 ans, qui partage deux tentes avec son mari et ses cinq enfants. Comme un bon nombre de personnes présentes sur les lieux, elle a été expulsée le28 juillet d’un campement installé dans d’anciens bâtiments industriels situés au 250 boulevard de la Boissière qu’elle occupait depuis dix ans. «On était bien là-bas. Regardez dans quoi je vis aujourd’hui. Vous trouvez ça normal de vivre dans une tente ? Nous voulons un logement propre à Montreuil.»

Déracinement et éloignement

Les tentes symbolisent le face-à-face qui les oppose à la mairie de Montreuil. «Le bras de fer dure depuis de nombreuses années», rapporte Liliana Hristache, présidente de l’association Roms Réussite. «Depuis janvier 2014 nous essayons de travailler à leur intégration dans la société en effectuant des démarches administratives et en scolarisant les enfants afin de maintenir à Montreuil ces familles qui y vivent depuis des années». Avec d’autres bénévoles, elle soutient les familles qui ont refusé d’accepter la solution de logement temporaire proposée par la mairie, à savoir des nuits dans des hôtels situés essentiellement en dehors du département. «Des familles se sont retrouvées dans l’Essonne ou en Seine-et-Marne à plus de 50 kilomètres de Montreuil. Alors que toutes les démarches administratives ont été lancées ici. Ces familles n’ont pas supporté le déracinement et le fait d’être éloigné de tout.»En dix ans, elles ont eu le temps de créer un réseau de personnes solidaires œuvrant à l’amélioration de leur quotidien. «Si on ne peut nier que les solutions d’hébergement temporaire proposées aux familles sont pour certaines éloignées de Montreuil, toutes représentent néanmoins une première étape, indispensable vers un parcours mieux adapté à chaque situation familiale», argumente de son côté la municipalité. Avant de préciser qu’il est «illusoire et irresponsable de faire croire aux familles qu’une solution collective pourrait être trouvée. Les amener vers une intégration sociale et économique pérenne ne peut s’inscrire que dans des parcours individuels».Elisabeth Moldovan garde un mauvais souvenir de l’hôtel situé aux Ulis. «On partait tous les jours à 6 heures du matin pour déposer mes enfants à l’école ici. On arrivait toujours en retard. Les enfants étaient trop fatigués pour pouvoir suivre.» Sa famille traversait chaque matin les cinq zones RATP entre les Ulis (au sud-ouest de Paris) à Montreuil (à l'est), «sans aide pour avoir des titres de transport». «On n’avait pas d’argent ou d’aide pour acheter à manger non plus. On était livrés à nous-mêmes», coupe Ali qui vit lui aussi sous les tentes avec sa femme et ses deux enfants depuis qu’il a quitté son hôtel provisoire. Vêtue d’un pantalon en lambeaux, Dayana s’abrite sous une tente pour engloutir à la hâte un morceau de poulet accompagné de patates baignant dans de l’huile. Elle est scolarisée à l’école Nanteuil en CE2‎ et vit sur le camp avec ses parents. «Le plus dur ici c’est le froid la nuit. Des fois je n’arrive pas à dormir. Et pour se laver il n’y a rien. Alors je me lave dans les toilettes du cinéma», explique celle qui fêtera ses dix ans le vingt octobre prochain.

«Notre dernière chance de les sortir de la rue»

Sensibles au sort des Roms, des habitants se relaient pour apporter nourriture, couvertures et linge propre. Gilles, 65 ans, vit à Montreuil depuis 30 ans. Cet animateur à la retraite s’occupe du soutien scolaire des enfants, leur lit des histoires et propose des ateliers manuels quand il en a les moyens : «Moi ce qui m’inquiète c’est l’avenir. Il faut que ces familles sortent de ce cycle infernal qui les pousse à vivre au jour le jour.»Liliane Hristache travaille à un projet d’insertion pour ces familles avec l’AEIS (Association pour l’Education et l’Insertion Sociale) et d’autres partenaires. «Le but est de mettre en place un accompagnement socioprofessionnel leur permettant de leur garantir une ouverture aux droits (aide médicale d’état, situation fiscale etc.). C’est notre dernière chance de les sortir de la rue», glisse la présidente de l’association Roms Réussite qui a toujours réussi à prouver que les familles étaient dans une démarche d’insertion. Avant d’aller faire de la médiation auprès de policiers venus prier vigoureusement les Roms «de plier les tentes pendant la journée». Balla Fofanahttp://www.liberation.fr/france/2016/10/13/montreuil-bras-de-fer-entre-la-municipalite-et-des-roms-attaches-a-la-ville_1521525

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